D’Orson Welles à Harvey Weinstein, les confidences d’une légende de Paris Match
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D’Orson Welles à Harvey Weinstein, les confidences d’une légende de Paris Match

Grand reporter durant quarante ans, Dany Jucaud nous entraîne dans les coulisses du showbiz et de la politique.

Ludovic Perrin , Mis à jour le
Hollywood
Dany Jucaud s’est approchée au plus près des étoiles hollywoodiennes. Abaca / © Campion-Hahn

Truculent ! C’est le qualificatif qui vient à l’esprit après lecture des mémoires de Dany Jucaud. J’avais une maison à Los Angeles, qui paraît après-demain aux éditions Stock, raconte avec une profusion de détails croustillants, comme on dit dans le métier, quarante ans d’une vie en immersion dans les paillettes.

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Le téléphone dans une main, une cigarette dans l’autre – deux paquets par jour – et la journaliste partait en chasse

Car Dany Jucaud ne s’est pas contentée d’être grand reporter pour Paris Match, elle s’est approchée au plus près des étoiles hollywoodiennes, gagnant leur confiance et partageant leur intimité depuis son QG de L.A. Le téléphone dans une main, une cigarette dans l’autre – deux paquets par jour – et la journaliste partait en chasse.

« Carte de presse numéro 48423. Je sillonnais les canyons en Ford Mustang, à la recherche du scoop, de l’interview exclusive, confie Dany Jucaud sous la plume vive et nerveuse d’Aurélie Raya, une ancienne également de Match. Je déjeunais trois fois par semaine à Ma Maison, sur Melrose Avenue. À quoi tient la magie d’un lieu ? Le restaurant n’offrait rien de spécial en apparence, pourtant c’était the place to be, l’endroit où il fallait être. Les stars, cette tribu native de Los Angeles, peuplaient les tables. Orson Welles occupait toujours la même place à droite en entrant» Madame Claude déjeunait à la table voisine dans ce récit où le name-dropping sert de virgule.

Elton John, Sharon Stone, George Clooney, Mick Jagger, Marion Cotillard ou une femme de Johnny jouant odieusement les corbeaux… On se régale à toutes les pages. Il faut croire que toutes les confidences, tous les secrets transitaient alors par Dany Jucaud, dont l’amitié avec Nathalie Delon devait servir de sésame.

Tiens, ce jour-là, la jeune femme sonne à la porte de Sylvia Kristel, sur West Hollywood. L’héroïne du phénomène érotique Emmanuelle lui ouvre les doigts pleins de peinture. Pour une fois, ce n’est pas elle qui sert de modèle. Sur la toile, c’est un homme à bouclettes blondes : dans cet immeuble de Los Angeles, Michel Polnareff vit au troisième étage et Sylvia Kristel habite au quatrième.

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Si cet ouvrage nous captive autant, c’est parce qu’il témoigne d’un âge d’or du journalisme

Il suffit donc au chanteur de grimper d’un étage pour se rendre au septième ciel. Ce qu’il fit probablement avant de jouer les muses. Mais parfois, c’est la journaliste qui craque. Un autre jour encore : c’était à Nassau, sur un ponton au bord d’une mer turquoise. Nathalie Delon avait convié sa bonne amie dans la nouvelle vie qu’elle partageait avec le producteur de légende, Chris Blackwell. L’objet du désir portait un curieux nom aussi court que simple à retenir : Bono. « Nous avons passé trois jours dans notre bulle à refaire le monde, révèle Dany Jucaud à propos du chanteur de U2. Un an plus tard, il m’a demandé de l’accompagner en Afrique du Sud pour un concert et m’a présenté Nelson Mandela. Deux ans plus tôt, j’avais eu la possibilité de faire un reportage avec Nelson Mandela. On me l’avait refusé aussi simplement que cela : Bof ! Nelson Mandela, t’as pas autre chose ? » Ali, la fidèle épouse de Bono, sera sûrement intéressée par la lecture de ce livre piquant à tous égards, tout comme l’ancien rédacteur en chef de Dany Jucaud…

Si cet ouvrage nous captive autant, c’est parce qu’il témoigne d’un âge d’or du journalisme, une époque où les articles s’écrivaient littéralement au contact de leur sujet, une période insouciante où les services comptables ne pinaillaient pas sur les notes de frais.

Dans ce monde où la lumière continue aujourd’hui encore d’attirer toutes sortes de papillons, Dany Jucaud nous en apprend plus qu’un article dans Le Monde diplomatique sur les enjeux et rouages des lieux de pouvoir. Alors, si la journaliste a pu se réveiller dans le lit de Sean Connery, elle a privilégié les interviews par téléphone avec Harvey Weinstein.

Car, à l’évidence, dans ces clairs-obscurs où hommes d’affaires et politiciens fraient avec le show-business, la vérité éclate souvent par le petit bout de la lorgnette. Ainsi, Monica Lewinsky, l’ancienne petite stagiaire ayant réussi à faire vaciller la Maison Blanche à la fin des années 1990 au détour de ce que les mâles nomment gaillardement, lorsqu’ils se trouvent au sommet de la chaîne des prédateurs, une « gâterie ».

« Mes questions impudiques ne la gênaient pas, même si certaines la surprenaient par leur nature voyeuriste : Est-ce que vous ne vous sentiez pas dévastée de faire une fellation au président pendant qu’il était au téléphone dans le Bureau ovale ? […] Monica se montrait franche, intelligente, honnête. Elle s’est excusée à un moment avant de se diriger vers les toilettes. Elle a ouvert la porte, sans la refermer, s’est assise sur le siège et a continué tranquillement la discussion en s’essuyant les fesses. »

Mieux qu’une leçon de morale, une leçon de journalisme

Tout le signifiant ne réside-t-il pas dans le geste ? Une manière de dire que dans toute histoire tournant au scandale politique la personne qui a le cul propre n’est pas toujours celle que l’on croit ? Voici probablement ce qu’a inconsciemment voulu faire comprendre l’ancien petit pion de Bill Clinton à son interlocutrice du jour. Mieux qu’une leçon de morale, une leçon de journalisme.


J’avais une maison à Los Angeles, Dany Jucaud, avec Aurélie Raya. 240 pages. 20 euros. En librairies le 15 mai.

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