« Le 21e siècle sera le siècle des ingénieurs du vivant ! » - L’interview de Laurent Buisson, DG d’AgroParisTech

« Le 21e siècle sera le siècle des ingénieurs du vivant ! » – L’interview de Laurent Buisson, DG d’AgroParisTech

Interview Laurent Buisson AgroParisTech
Rentree 2022, etudiants dans le forum

Alors que les questions agricoles n’ont jamais autant été autant au cœur des débats, AgroParisTech entame une grande réforme de l’enseignement. Laurent Buisson, directeur général de cet Institut national des sciences et industries du vivant et de l’environnement en dresse les enjeux.

Pourquoi AgroParisTech entame-t-elle sa réforme de l’enseignement aujourd’hui ?

Interview Laurent Buisson AgroParisTech
Rentree 2022, etudiants dans le forum

Notre dernière grande réforme de la formation date de 2007. Depuis, nous avons fait des adaptations bien sûr, mais nous devons aujourd’hui tenir compte de façon plus systémique de l’évolution des besoins de formation dans nos secteurs d’intervention. Nous observons notamment une diversification des profils chez nos candidats. Ce sont toujours des jeunes de haut niveau, mais qui ont font choix d’assemblages disciplinaires différents de ceux qu’ils faisaient avant. Il faut aussi tenir compte du fait que nos étudiants ont de nouvelles exigences : une volonté plus grande d’aller sur le terrain et d’être confrontés au réel, entre autres. Sans oublier que, depuis 2007, la société française a elle aussi changé. La baisse du nombre d’agriculteurs implique notamment que sa connaissance du monde rural – encore sous-jacente il y a des dizaines d’année – n’est plus là. Le monde extérieur nous dit également qu’il a besoin d’étudiants dans certains domaines pour lesquels ces derniers ne sont pas assez nombreux. J’ai d’ailleurs tendance à penser que nous poussons nos étudiants à choisir un peu trop tôt certaines orientations. Les amener à choisir leurs voies après une exposition plus grande aux métiers qui s’offrent à eux permettrait de motiver leur choix de façon plus éclairée. Nous allons aborder toutes ces questions, en tenant aussi bien sûr compte de ce que nous diront la CTI et l’HCERES. Nous mettons en place un groupe de travail d’orientation et de préfiguration pour poser le cadre de cette réforme, ainsi qu’un groupe de travail chargé de dresser un état des lieux. Un calendrier sera ensuite fixé.

L’agriculture est plus que jamais au cœur des débats. Quels rôles les diplômés d’AgroParisTech peuvent-ils jouer en faveur d’une agriculture plus durable pour la planète et les Hommes ?

Une des questions principales est celle du renouvellement des agriculteurs et des professionnels de l’agriculture qui les entourent. Maîtriser les transitions environnementale, agroécologique, alimentaire, énergétique, exige des compétences plus grandes que celles qu’on attendait d’un agriculteur ou d’un conseiller de chambre d’agriculture il y a 30 ans. Il faut en tenir compte dans la formation des nouveaux arrivants, mais aussi accompagner celles et ceux qui sont déjà en place avec de la formation tout au long de la vie. On a besoin de compétences nouvelles et les ingénieurs AgroParisTech – dont beaucoup de diplômés sont en proximité directe ou indirecte avec le monde agricole – ont un vrai rôle à jouer.

C’est dans cette optique que vous avez récemment ouvert votre concours d’entrée aux prépas Maths / Physique ?

Si les diplômés de ma génération évoluent déjà dans de très nombreux secteurs, les générations futures le seront encore plus, avec des besoins de compétences d’autant plus diversifiés. D’où l’importance d’accueillir et de former des jeunes qui arrivent avec des appétences, des savoir-être et des savoir-faire différents. Par exemple, le développement du numérique (data, traitement des données, IA) dans le secteur agricole demande des compétences en maths plus importantes que celles observées chez les étudiants que nous recrutons aujourd’hui. D’un point de vue plus géographique, les écoles d’agriculture et d’agronomie ont une proportion de jeunes issus du monde rural plus importante que la moyenne des écoles d’ingénieurs. Nous voulons garder cette spécificité car nous espérons qu’elle favorise une exposition directe ou indirecte aux enjeux des territoires ruraux.

Qu’est-ce qui fait d’AgroParisTech un bon ambassadeur du modèle de l’ingénieur ParisTech, plébiscité à l’international ?

AgroParisTech est une école d’ingénieurs agronomes et d’ingénieurs du vivant. Nous sommes la seule école dans ce cas au sein de ParisTech et nous pensons qu’il est important de faire vivre et prospérer cette spécificité dans le modèle de l’ingénieur à la française.

« Regardez la place qu’occupe ou va occuper le vivant dans les transitions auxquelles nous faisons face et vous avez les bonnes raisons de venir étudier à AgroParisTech ! »

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AgroParisTech forme les talents d’une planète soutenable – L’interview de Laurent Buisson

C’est désormais au cœur du Plateau de Saclay que les élèves d’AgroParisTech sont formés à devenir les futurs ingénieurs du vivant. Laurent Buisson, directeur général d’AgroParisTech revient sur les grands enjeux de la formation et les grands projets de l’école pour 2023. Interview réalisée en avril 2023

Former les talents d’une planète soutenable : la signature d’AgroParisTech. Mode d’emploi ? 

AgroParisTech est l’Institut national des sciences et industries du vivant et de l’environnement : nos domaines d’enseignement traitent donc, par nature, des différentes transitions liées à la soutenabilité. D’ailleurs, 84 % de nos étudiants estiment que leur formation a amélioré leur connaissance des enjeux environnementaux, même s’ils trouvent aussi que ces enjeux ne sont pas abordés systématiquement dans toutes les disciplines. Si notre bilan en matière de sensibilisation est très positif, nous avons donc encore des marges de progression sur la partie opérationnelle et c’est une des pistes sur lesquellesnous orientons nos réflexions pour faire évoluer nos formations.

Une évolution également en lien avec le discours choc prononcé par des élèves lors de la dernière remise des diplômes ?

Ils ont en effet et en creux mis en évidencecette dimension opérationnelle, pas assez présente, sur ce besoin d’être confrontés plus tôt à des solutions réelles. Si je ne suis pas certain que les plus de 400 élèves présents ce jour-là partageaient pleinement le point de vue de ces huit élèves qui ont pris la parole, je pense qu’augmenter les phases et les espaces de débat sur ces questions est important pour que chacun comprenne bien qu’il n’existe pas qu’une seule vérité ou qu’une seule solution. L’idée sous-jacente est donc de faire plus de place au terrain et à la diversité dans la présentation des opinions, mais aussi plus de systématicité dans la prise en compte des enjeux environnementaux et ce dans toutes les disciplines. Il est aussi essentiel de montrer à nos élèves que nos enseignants-chercheurs, ingénieurs et techniciens travaillent sur la science et la technologie actuellement en développement, afin de lutter contre un certain fatalisme.

Pourquoi ParisTech et l’Université Paris Saclay sont-ils des marqueurs pour AgroParisTech en 2023 ?

Le décret de création d’AgroParisTech mentionne de facto à travers le nom de l’établissement – notre appartenance à ParisTech, il est donc tout à fait logique que ce réseau de diplômes d’ingénieurs – auquel nous sommes fiers d’appartenir – marque notre identité. D’autant plus que ParisTech est un vrai atout en matière d’internationalisation de nos recrutement et formations. L’Université Paris Saclay, a quant à elle un impact réel sur le périmètre de nos activités en Ile-de-France et nous voulons aller plus loin dans les partenariats académiques avec ses établissements membres, en masters et formations doctorales notamment. Nos unités de recherche franciliennes sont désormais presque toutes sur le Plateau et nous croyons beaucoup aux synergies qui vont naitre de cette proximité, en matière de numérique et d’innovation entre autres. Parallèlement, nos activités à Nancy, Montpellier, Clermont-Ferrand, Kourou, Reims et Orléans – qui ne sont pas parties prenantes de l’Université Paris Saclay – ont des liens très forts avec les universités de ces sites d’implantation. 

Comment cette proximité nourrit-elle les grands projets d’AgroParisTech pour 2023 ?

Nous voulons en profiter pour développer des partenariats interdisciplinaires, car c’est là que les leviers d’actionsse trouvent. Dans le cadre de Paris Saclay bien sûr mais aussi de tous nos centres d’implantations, comme récemment à Orléans autour des cosmétiques. Cette proximité s’annonce par ailleurs vertueuse en termes d’innovations, grâce à nos Innlabs. Des tiers-lieux accueillants étudiants, chercheurs, entreprises, alumni et toutes les personnes ayant besoin de compétences, d’idées, de matériels, de stagiaires ou de futurs collaborateurs pour développer des projets innovants. Nous avons ainsi mis en place un Food’InnLab sur l’alimentation, un Farm’InnLab dans notre ferme expérimentale à Grignon, un Forest’InnLabà Nancy ou notre tout récent Biotech’InnLab à Reims.

« Vous êtes passionnée par le vivant et par l’humain, vous vous intéressez à l’agriculture, à la biodiversité, à la forêt, à l’eau ou à l’alimentation et vous voulez allier tous ces domaines pour participer aux transitions agroécologique, alimentaire et environnementale ? AgroParisTech est LE bon endroit pour identifier des leviers d’actions et les mettre en place,en prenant en compte toutes les dimensions économiques, sociales, environnementales et humaines » – Laurent Buisson, directeur d’AgroParisTech

StoryTime – L’interview de Laurent Buisson, directeur d’AgroParisTech

Directeur général d’AgroParisTech depuis novembre 2021, Laurent Buisson succède à Gilles Trystram, en poste depuis 2011. Il partage son parcours, ses projets et ses ambitions pour l’école d’ingénieurs. interview publiée le 22 juin 2022

Interview Laurent Buisson AgroParisTech
© ROMAIN CHOCART

Ingénieur de formation, Laurent Buisson a l’innovation et l’intérêt général chevillés au corps, comme en atteste son parcours. Diplômé de l’École polytechnique et de l’École nationale du Génie rural, des eaux et des forêts, il débute sa carrière à INRAE (alors Cemagref) en 1990, avant de rejoindre d’autres institutions d’excellence dont le MESRI et l’Université Pierre et Marie Curie (UPMC).

The place to be pour faire bouger les lignes

Lorsqu’il décide de présenter sa candidature à la direction d’AgroParisTech, cela « fait longtemps qu’il est convaincu que c’est dans les établissements d’enseignement supérieur que se jouent des parties décisives pour l’économie, la société et l’environnement. Car on y traite simultanément de formation, de recherche, d’innovation, de relations internationales… ce qui en fait des endroits pas comme les autres. » D’autant plus pour une école comme AgroParisTech qui est « à la croisée des chemins et positionnée sur des enjeux essentiels pour nos concitoyens et la société en général : agriculture, alimentation, santé, biodiversité, ressources naturelles ou encore, développement des territoires. » Car si nos sociétés l’avaient peut-être un peu oublié, la guerre en Ukraine nous rappelle à tous que ces secteurs sont essentiels.

Vers un déménagement réussi

Pour répondre à ces enjeux, Laurent Buisson et ses équipes sont d’ailleurs en train de préparer un contrat d’objectifs et de performances qui sera signé avec le ministère de l’Agriculture. Un contrat dans lequel la réussite du déménagement de l’école et des unités de recherche qu’elle partage avec INRAE sur le Plateau de Saclay est évidemment centrale. « Parmi nos principaux enjeux : la gestion de la vie étudiante, le logement notamment en véritable tension sur le Plateau. Mais aussi évidemment la mise à profit de cette nouvelle installation qui rassemble toutes les promos, toutes les disciplines, l’enseignement et la recherche au même endroit pour toujours mieux former des jeunes aux métiers des sciences du vivant, de l’environnement et de l’ingénierie en les exposant à des travaux de recherche et en participant à des actions liées à l’innovation. » Un déménagement qui ne fait pas oublier à Laurent Buisson le positionnement stratégique d’AgroParisTech en régions : Nancy, Montpellier, Kourou, Clermont-Ferrand, Reims et, tout récemment, Orléans.

L’impact sous toutes ses formes

Une diversité importante pour la renommée de l’école hors de nos frontières mais aussi, si ce n’est surtout, essentielle pour former ses diplômés à la hauteur des enjeux qu’ils vont devoir adresser. « Les questions agricoles, forestières et environnementales se traitent sur de grandes surfaces. Et pour travailler sur des surfaces aussi grandes, il est indispensable de remettre les femmes et les hommes qui y travaillent au centre de notre enseignement, d’en faire les acteurs des transformations et de permettre à chacun d’avoir les outils pour vivre sa vocation et être vecteur d’impact. Pour certains, cela passe par devenir agriculteur, forestier ou chercheur et, pour d’autres, cela passe par créer son entreprise, travailler en chambre d’agriculture ou dans une coopérative, rejoindre une ONG, s’investir dans la finance verte ou la science des données dans une grande entreprise. Je souhaite qu’AgroParisTech permette toujours plus à chacun de donner du sens à ses études ou à son parcours, chacun à sa manière » insiste Laurent Buisson. Car, il en est convaincu, « celles et ceux quiont choisi AgroParisTech ont fait un choix de raison et de cœur. Un choix de raison car c’est un endroit qui permet d’intervenir dans des secteurs essentiels pour l’avenir de notre société. Un choix de cœur, car c’est un lieu où on peut s’engager et se confronter aux points de vue des autres. C’est cette diversité qui fait la richesse de notre communauté, très active, solidaire, tolérante et réunie par cet engagement pour l’agriculture, la forêt, l’alimentation, l’environnement, la santé, les ressources naturelles, la biodiversité et les territoires » conclut-il.

« A AgroParisTech, chacun peut donner du sens à ses études et à son parcours, à sa manière » 

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