À Montréal, on cache la misère derrière des sculptures d'animaux! | JDM
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À Montréal, on cache la misère derrière des sculptures d'animaux!



Tous ceux qui connaissent un peu Montréal connaissent la place Émilie-Gamelin.

C’est un parc situé au coin des rues Berri et Sainte-Catherine.

Cette place publique est l’équivalent de la Cour des Miracles dans Notre-Dame de Paris, de Victor Hugo.

Le rendez-vous des gueux, des miséreux, des toxicomanes.

Des multi-poqués.

Tu te rends là à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, et tu es sûr de tomber sur de pauvres malheureux en train de se shooter à l’héro ou de délirer à voix haute.

QUE DE BEAUTÉ!

Eh bien, vous serez heureux d’apprendre que la Ville de Montréal va dépenser 426 000 $ afin «d’ajouter de l’amour et de la beauté» dans ce «secteur minéralisé» et ainsi améliorer «l’expérience actuellement négative des passants» (je cite les documents officiels de l’arrondissement).

Comment?

En y ajoutant de la verdure et des sculptures d’animaux.

Oui, monsieur. Des sculptures d’animaux.

Les sans-abri vont continuer de chier dans le parc, mais ils le feront à l’ombre d’une sculpture de dindon.

Et les toxicomanes vont continuer de se shooter, mais ils pourront le faire en s’appuyant sur une haie en forme de lapin.

C’est ce qu’on appelle «prendre le taureau par les cornes».

Les studios de QUB radio sont situés en face de la place Émilie-Gamelin.

Chaque jour, je fais du slalom entre les excréments, les flaques de vomi et les aiguilles souillées pour me rendre à mon travail.

Et chaque jour, je me dis: «Mais qu’est-ce que la Ville attend pour installer des sculptures en forme d’animaux? Me semble que ça serait tellement beau! Ça ferait tellement de bien!»

Eh bien, ça y est! La mairesse Plante a réalisé mon souhait.

Je vais enfin vivre une «expérience positive» quand je vais traverser le parc!

Remerciements à Jean XXIII pour faveurs obtenues.

MAQUILLER LE PROBLÈME

Bienvenue en 2023.

L’important, à notre époque, n’est pas de régler les problèmes – on ne peut pas, c’est trop dur, trop complexe.

C’est de rendre ces problèmes plus «supportables».

En changeant les mots qu’on utilise pour les nommer. Ou en les cachant sous une épaisse couche de maquillage.

Des vieux sont laissés dans des couches souillées pendant des heures dans des CHSLD ? Leurs proches ne vont pas les visiter?

On va leur donner des petits robots en forme de phoque!

Ils vont continuer de souffrir, mais au moins, ils auront quelque chose à flatter.

Génial, non?

C’est ce qu’on a fait au CHSLD Saint-Léonard–Saint-Michel en 2012.

Ton cousin vit dans la rue? Ce n’est pas un «quêteux». C’est une «personne sans domicile fixe en situation d’itinérance».

C’est aussi dur, mais c’est plus joli, moins discriminatoire.

Idem pour les commerces placardés. On les recouvre de belles murales représentant des fleurs ou des couchers de soleil.

Pourquoi construire des logements pour les itinérants ou s’attaquer aux sources des nombreux problèmes qui gangrènent depuis des décennies le quartier où se situe la place Émilie-Gamelin quand on peut se contenter d’installer des sculptures en forme d’animaux?

Histoire de rendre «l’expérience des passants plus positive»?

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