Du Journal de la Surface Lunaire d'Apollo
édité par Eric M. Jones et Ken GloverTranscription et commentaire droit d'auteur © 1995-2011 par Eric M. Jones.
Traduction française droit d'auteur © 2011 par René et Lorraine Cantin. Tous droits réservés.
Dernière révision le 16 novembre 2011.
Dans la transcription d'Apollo 17, le commentaire de Gene Cernan dit que, selon son expérience, l'atterrissage d'un avion à réaction sur un porte-avions la nuit est plus difficile que l'atterrissage du LM. Certes, pour le LM, il avait beaucoup d'aide de la Terre; la visibilité était bonne et il n'y avait aucun vent ou des vagues pour déplacer la cible. Pourtant, le LM était un engin expérimental et le véhicule que Neil Armstrong et Buzz Aldrin ont atterri était seulement le quatrième qui n'eut jamais volé. Et, bien sûr, aucun atterrissage sur un porte-avions n'avait jamais eu tout à fait la connotation historique d'Apollo 11, de même qu'aucun atterrissage sur un porte-avions n'eu été effectué devant une si grande audience. Des milliards de gens écoutaient littéralement au fur et à mesure que tout cela se déroulait.
(Le premier LM a volé lors de la mission d'essai non habité d'Apollo 5, et les deux autres ont volé sur Apollo 9 et 10. Voir chapitre: Construire avec l'expérience.)
En deçà de 50,000 pieds au-dessus de la Lune, Apollo 11 était peu différent de 10. Armstrong et Aldrin, et le pilote du module de commande Mike Collins ont eu un lancement impeccable de la Terre, un long vol sans incident vers la Lune, et une mise à feu nominale de leur moteur pour se mettre en orbite lunaire. Comme ils passent au-dessus de la mer de la Tranquillité pour la première fois, Armstrong a fait remarquer que « les photos et les cartes ramenées par Apollo 8 et 10 nous ont donné un très bel aperçu où regarder ici. Cela ressemble beaucoup aux images, mais la différence c'est comme de regarder un match de football sur place, et de le regarder à la télé, il n'y a pas de substitut que d'être ici en ce moment. » Lors de cette première orbite, le site d'atterrissage prévu était encore lui-même dans l'obscurité, et ce n'est qu'à leur quatrième passage - pendant les vérifications du LM (4.9 Mo extrait vidéo, produit par Gary Neff) – qu'Aldrin a rapporté l'avoir vu de la fenêtre du LM.
« Quand j'ai entendu dire qu'ils donnaient l'objectif du site d'Apollo 8 à Apollo10, je suis allé voir Tom Stafford et lui ai dit : “Tu sais Tom, ce n'est vraiment pas le moyen le plus efficace pour préparer Apollo 11. D'abord, nous avons déjà vu le site d'Apollo 8, certes en orbite haute (60 milles d'altitude), et nous en sommes sortis avec une certaine confiance qui était acceptable. Deuxièmement, si nous ciblons Apollo 10 pour certifier le prochain site à l'Ouest (les sites d'atterrissages certifiés étaient espacés d'environ 12 degrés – à peu près la distance que la ligne du lever de Soleil bouge en 24 heures - dans le cas où il y avait un retard de lancement et que vous ne voulez pas avoir à attendre un mois entier), le fait qu'Apollo 10 va passer une journée supplémentaire en orbite veut dire qu'au moment où vous êtes prêt à quitter la Lune, le Soleil sera levé sur le troisième site. Ainsi, à la fin de la mission Apollo 10, nous aurons trois options pour Apollo 11.” Ce fut mon argument de base. Et Tom a aimé l'idée.»
« Alors, j'ai travaillé un peu plus sur les détails et ai commencé à promouvoir l'idée jusqu'en haut de la chaîne de commandement. Une des personnes que nous avons informées fut Jerry Hammack, le chef de récupération qui était responsable de la récupération sur Terre. Nous étions coincés quelque part dans nos argumentaires afin d'attirer son attention parce que si nous avions maintenu l'objectif du site d'Apollo 8 pour Apollo 10, nous aurions eu un (lancement) avant le lever du soleil, et un amerrissage en quasi-obscurité. Et il était nerveux à ce sujet. Nous ne savions pas comment nerveux il était, mais cela ne nous semblait pas être une bonne idée pour nous et, en le maintenant sur le site suivant, nous nous retrouvions avec un amerrissage après le lever du soleil dans le Pacifique. Et quand nous avons mis au courant Chris Kraft, la discussion a fait un va-et-vient et, comme j'étais en état d'attente, Jerry dit “Tout cela et un amerrissage de jour, aussi!” Et cela a impressionné Chris et je pense qu'il est devenu alors un défenseur.»
« Mais par la suite, nous l’avons amené à un autre niveau, tard un soir, à George Low et Sam Phillips, qui étaient en ville (Houston), et leur avons donné toute la présentation. Et quand nous avons quitté la salle, George avait mentionné qu'il ne pensait pas que c'était une bonne idée. Sam n'avait pas mentionné l'une ou l'autre, mais a dit que nous étions trop loin en bout de chemin pour changer le bloc de données. Donc, quand Tom et moi avons quitté, nous étions en quelque sorte découragés. Mais le lendemain matin, Tom m'a appelé et m'a dit que George avait changé d'avis. Et j'ai dit, “je pense que Sam Phillips a changé l'avis de George.” Mais, quelle que soit la raison, ils disent d'aller de l'avant et cibler le prochain site d'atterrissage. Et cela a fini par être la Base Tranquility. Quand nous sommes arrivés à Apollo 11, il n'y avait plus de question. Nous savions que nous avions beaucoup de temps à l'arrivée aux environs du limbe (Est), le suivi avait été fait (par Apollo 10), et nous avions vu le site de près (à partir de 9 milles au lieu de 60). Et même, je ne pouvais plus prétendre que nous devrions aller plus à l'Ouest. »
Pour les huit prochaines heures, Armstrong, Aldrin et Collins se sont préparés pour la descente. Au moment où ils sont disparus derrière la Lune pour la quatorzième fois, ils étaient habillés et séparés, et à quelques minutes de la mise à feu de 30 secondes qui mettrait le LM sur une trajectoire de descente en dessous de 50 000 pieds comme Apollo 10. Collins restera en orbite circulaire 60 milles nautiques au-dessus de la Lune et, à cause de son altitude plus élevée, c'est lui qui a été le premier à reprendre le contact radio avec la Terre. Tout s'était bien passé. Le LM tournerait à temps le coin dans un bref moment.
Il n'y avait pas de sièges dans le LM. Armstrong et Aldrin étaient debout, tenus en place par des sangles élastiques ancrées au plancher. Pendant seize minutes, ils ont regardé par les fenêtres et chronométré le passage des points de repère sous eux (au travers d'une échelle graduée sur la fenêtre d'Armstrong) pour confirmer les données de suivi que Houston recevait. Avec l'aide de Houston, ils ont aussi vérifié et revérifié la santé du LM.
Si, comme Cernan suggère, atterrir sur la Lune était plus facile que d'atterrir sur un porte-avions dans la nuit, l'un des nombreux avantages était le fait que le LM était équipé avec ce qui était – dans ces temps - un ordinateur de bord sophistiqué qui s'occupait en grande partie du travail de routine à voler le vaisseau spatial. Durant presque tout le temps, sauf les derniers instants de l'approche finale, voler la trajectoire correctement était une question d'analyse des données de navigation à partir de systèmes inertiels et de radar et ensuite d'ajuster subtilement la poussée et diriger le moteur du LM. C'était une tâche d'effort intense et du travail bien adapté pour un contrôle d'ordinateur. Ce n'est qu'après une étape appelée basculement - lorsque le vaisseau spatial a pivoté de 60 degrés de la verticale à 20 degrés – que le rôle des astronautes est devenu plus important que de surveiller et de sauvegarder.
Plusieurs fois durant la descente, l'ordinateur signalait des alarmes. La trajectoire avait l'air bien, mais plus tard le message “1202” - comme “1201” - n'était pas celui que l'équipage reconnaissait et il y eut quelques secondes intenses jusqu'à ce que Houston transmette par radio «Nous sommes O.K. sur cette alarme. » Ce qui s'est passé est qu'une partie de la mémoire de l'ordinateur était surchargée avec des données superflues du radar de rendez-vous et heureusement, non seulement l'ordinateur avait été programmé de façon à ce qu'il puisse continuer à gérer des tâches hautement prioritaires, mais également, la personne la plus qualifiée qui connaissait l'ordinateur – l'ingénieur Steven Bales – n'a eu besoin que de quelques secondes pour diagnostiquer le problème et recommander que l'atterrissage se poursuive. Plus tard, Bales se tenait à côté de l'équipage lors d'une cérémonie à la Maison Blanche et a été décoré pour sa contribution remarquable à la réussite de la mission.
L'ordinateur de bord accomplissait une variété de tâches lors de la descente et, en plus de l'engorgement des données imprévues du radar, il y avait aussi des pertes agaçantes liées à l'ordinateur dans les communications avec la Terre. Le LM était équipé d'antennes “omnidirectionnelles” à faisceaux larges, mais un taux élevé de transmission de données ne pouvait être atteint que grâce à l'utilisation d'une antenne orientable à faisceaux étroits. C'était le travail de l'ordinateur de maintenir correctement l'orientation du vaisseau spatial afin que l'antenne à gain élevé puisse maintenir le blocage avec la Terre. L'ordinateur avait été programmé pour éviter certaines orientations qui forceraient l'antenne à regarder au travers du LM et, par conséquent, perdre la force du signal de telle sorte que le “braquage ” avec la Terre serait perdu. Cependant, l'ordinateur s'est fait implanter une “carte” inexacte du LM et la perte de signal a été un problème répétitif tout au long de la descente. Parce que le point précis d'atterrissage n'était pas critique pour cette première mission, tout ce dont Houston avait besoin était suffisamment d'informations pour être certain que le vaisseau spatial fonctionnait bien et, au travers l'utilisation combinée des antennes omnidirectionnelles et les relais par voix de Collins dans le module de commande, une communication adéquate a été maintenue.
Les alarmes de programme et les ratées dans les communications étaient gênantes, mais à tout autre égard, l'ordinateur du LM et le système de navigation ont fonctionné à merveille. À huit minutes et trente secondes de la mise à feu, l'ordinateur a pivoté le LM presque à la verticale et Armstrong a obtenu son premier gros plan sur l'endroit où l'ordinateur allait les emmenés. Ils étaient à environ 5 000 pieds et à environ 20 000 pieds à l'Est de celui-ci. Comme prévu, ils avaient suffisamment de carburant pour cinq minutes de plus de vol. Chacun des astronautes avait, en face d'eux une petite fenêtre triangulaire à double vitrage. Sur la surface interne de chaque vitre de la fenêtre d'Armstrong, il y avait une longue échelle verticale graduée en degrés et à angle droit avec celle-ci, une échelle horizontale semblable, mais plus courte. Au basculement, Armstrong s'est positionné de telle sorte que les échelles verticales soient alignées, et Aldrin lui lisait les données de l'ordinateur qui indiquaient où il devait regarder sur l'échelle pour trouver à quel endroit l'ordinateur avait prévu l'atterrissage. En principe, s'il n'aimait pas l'endroit, il pourrait actionner le contrôleur à main vers l'avant ou l'arrière ou de côté et de ce fait dire à l'ordinateur de déplacer la cible d'un petit peu vers la direction indiquée. Comme planifié, Aldrin devait donner à Armstrong un “angle” toutes les quelques secondes jusqu'à ce que, à une altitude d'environ cinq cents pieds, l'échelle sur la fenêtre perde son utilité et Armstrong pris complètement le contrôle pour la descente finale.
Cependant, une fois qu'Aldrin lui avait donné un angle d'objectif initial, Armstrong s'est rendu compte que bien que l'équipe de sélection du site avait choisi une étendue plane au sol, l'analyse d'état logique de guidage durant la période d'Apollo 11 n'était pas aussi perfectionnée qu'elle l'aurait été pour les missions subséquentes, le sort et l'ordinateur amenaient le LM dans un champ de rochers sur la bordure Nord-Est d'un cratère de la taille d'un terrain de football. Nulle part sur la Lune il n'y a des cratères de cette taille à plus de quelques kilomètres de distance et, pour ce premier atterrissage, les ingénieurs de vol de la NASA n'étaient pas encore prêts pour régler la trajectoire d'approche à mieux que d'environ huit kilomètres à l'Est ou à l'Ouest de la cible et à environ deux kilomètres au nord ou au sud. “L'ellipse d'atterrissage” d'Apollo 11 contient des dizaines de cratères d'une centaine de mètres de diamètre ou plus, et le point important est que le LM avait assez de manoeuvrabilité et de propergol de telle sorte qu'Armstrong pourrait éviter même le plus large d'entre eux.
Il n'y avait aucun doute dans l'esprit d'Armstrong à propos d'atterrir dans le champ de rochers. Ce n'était pas primordial qu'il atterrisse le LM parfaitement droit. Une inclinaison d'un maximum de quinze degrés ne causerait aucun problème particulier pour un lancement. Cependant, s'il frappe la tuyère du moteur ou l'un des montants d'atterrissage sur une grosse roche, il y aurait une forte chance de causer des dommages structurels. Deux minutes après le basculement et environ deux minutes avant l'atterrissage, Armstrong a pris des mesures. Il a décidé de suivre une vieille maxime: « Dans le doute, atterrir plus loin. » Pour ce faire, il aurait à survoler le cratère et atterrir bien à l'Ouest de celui-ci, et il n'y avait manifestement pas de raison - ni vraiment beaucoup de temps - pour permettre à l'ordinateur une mise à jour via le contrôleur manuel. L'Indicatif du Point d'Atterrissage (LPD-landing point indicator) a été conçu pour un réglage de précision et ce dont Armstrong avait besoin était un grand changement. Alors, il est passé au contrôle manuel, a tangué le LM vers l'avant, et a commencé à le voler comme un hélicoptère. En quelques secondes, il avait ralenti sa vitesse de descente d'à peu près une vingtaine de pieds par seconde à environ trois et a volé le LM à environ 1 100 pieds à l'Ouest au-delà des cratères et des rochers.
Même avec l'aide de l'ordinateur, l'atterrissage d'un LM était une opération délicate, une opération qui exigeait d'innombrables heures d'entraînement dans les simulateurs au sol et dans un disgracieux “châlit volant” appelé - plus formellement - le Véhicule d'Entraînement pour Allunissage Lunaire (LLTV lunar landing training vehicle). Selon Cernan, le LLTV était actuellement plus difficile à piloter que le LM. Il était équipé d'un gros moteur à réaction qui fournissait une poussée suffisante pour contrer les 5/6e de l'attraction terrestre et ce gros moteur – faisant feu plus ou moins droit vers le bas – faisait en sorte que ce simulateur était plus instable que le LM. En effet, lors d'un entraînement, Armstrong a dû s'éjecter de l'un des LLTV. C'était le deuxième de trois simulateurs qui s'est avéré instable et qui se soit écrasé et, comme Cernan rapporte, le simulateur qu'il a volé en préparation d'Apollo 17 était le seul LLTV restant de la flotte originale de quatre. Bien sûr, les longues heures d'entraînement ont porté fruit.
Pendant qu'Armstrong volait le LM vers un bon site d'atterrissage, son attention fut totalement concentrée sur la tâche à accomplir. Aldrin a quasiment fait toute la conversation, et, lui aussi, était au travail. Il lit les données de l'ordinateur à Armstrong, en lui donnant leur altitude, leur vitesse de descente et leur vitesse vers l'avant. À Houston, le directeur de vol Gene Kranz et d'autres membres de l'équipe de soutien dans la Salle de Contrôle de la Mission regardait la télémétrie provenant du LM. Ils ne savaient pas à propos du cratère encore - Armstrong n'en discuterait qu'après l'atterrissage - mais c'était évident que l'atterrissage était plus long que prévu. En effet, à chaque seconde qui s'écoulait, il y avait une préoccupation croissante au sujet de la quantité de carburant qu'il restait. À cause des incertitudes dans les deux cas, les jauges dans les réservoirs et les estimés qui pourraient être faits à partir des données de télémétrie sur la mise à feu du moteur, la quantité de temps restant avant que le carburant soit épuisé était incertain par environ 20 secondes. S'ils se trouvaient trop bas, Kranz aurait à commander un abandon.
Une catastrophe était la dernière chose que l'on voulait pour le premier atterrissage. L'événement lui-même était assez excitant. Finalement, Armstrong a trouvé un endroit qu'il aimait et il a commencé à diminuer sa vitesse vers l'avant et laisser descendre le LM aisément, vers la surface. Comme ils approchaient 75 pieds, Duke a transmis qu'il restait soixante secondes de carburant et, dans la cabine, Aldrin avait déjà vu un voyant avertisseur lui indiquant la même chose. Mais ils étaient proches maintenant et c'était juste une question qu'ils se posent en douceur. Armstrong avait contraint presque la totalité de leur vitesse vers l'avant et maintenant, comme ils commençaient à soulever de la poussière avec l'échappement du moteur, il a demandé à Aldrin de confirmer qu'ils avançaient toujours un peu. Il voulait atterrir sur une surface qu'il pouvait voir en face d'eux, plus tôt que sur un terrain qu'il ne pouvait pas voir derrière eux. Aldrin lui donna la confirmation qu'il voulait, et, huit secondes plus tard, ils ont vu la lumière de contact. Les sondes de soixante-huit pouces de long qui pendaient du train d'atterrissage avaient touché la Lune. Une seconde ou deux plus tard, ils étaient au sol et le moteur fut éteint. Quarante secondes s'étaient écoulées depuis l'avertissement de soixante secondes, mais ils avaient déjà atterri.
(L'analyse post mission a indiqué qu'il leur restait environ 45 secondes de combustible plutôt que 20. Néanmoins, c'était la plus petite marge de tous les atterrissages d'Apollo. Notez aussi que, dans l'intérêt de réduire l'incertitude, le système de jaugeage de carburant a été amélioré pour Apollo 12.)
Malgré l'évènement dramatique du moment et les sentiments élevés d'exaltation et de soulagement qu'ils ont tous deux ressentis, Armstrong et Aldrin avaient peu de temps, autre que de préparer le LM pour un départ immédiat. Personne ne s'attendait à ce qu'ils auraient à décoller tout de suite, mais juste au cas où un problème surviendrait - par exemple, une fuite de haute pression d'hélium qu'ils utiliseraient pour pressuriser les réservoirs de propergol dans l'étage de remontée, ils voulaient être prêts. Toutefois, en dépit d'être très occupé avec des tâches dans le vaisseau spatial pendant près de deux heures après l'atterrissage, de temps en temps, ils ont jeté un coup d'œil par la fenêtre et ont décrit la scène pour l'audience radio sur Terre.
Selon le plan de vol, Armstrong et Aldrin étaient prévus pour prendre une pause de cinq heures avant de se préparer pour sortir à l'extérieur. Cependant, ce ne fut pas une surprise quand ils ont suggéré à Houston, après un repas prévu d'une heure, qu'ils se préparaient à ce qui était appelé dans le jargon de la NASA, une EVA - une période d'activité extravéhiculaire. Normalement, les préparations d'EVA étaient censées durer environ deux heures, mais parce que ceci devait être le plus court des EVA d'Apollo, personne - sauf peut-être, ceux qui attentaient, l'audience TV dans le monde - n'a été dérangé quand les préparations de l'EVA ont effectivement pris trois heures et demie.
Du plus bas de l'échelon, Armstrong a dû faire un saut de trois pieds vers le pied d'atterrissage - une éventualité envers un atterrissage moins en douceur qui aurait pu avoir compressé et raccourci la jambe d'atterrissage. Du pied d'atterrissage, il y avait seulement quelques pouces pour descendre à la surface. Il se tenait sur le pied d'atterrissage pour un instant ou deux, faisant des essais au sol avec le bout de sa botte avant l'historique “petit pas”.
Le sol était de grains très fins et avait une apparence poudreuse et, une fois qu'il a descendu, sa botte a enfoncé peut-être de quelques pouces, rendant ainsi une empreinte nettement distincte. À cause du champ de gravité relativement faible de la Lune (un sixième de celui de la Terre), le poids total d'Armstrong – moitié de l'astronaute, moitié du costume et l'appareil autonome de survie - n'était que d'environ soixante livres. Le mouvement n'était pas particulièrement fatigant, mais en raison du remarquable déplacement vers le haut du centre de sa masse causé par l'appareil de survie, il a dû se pencher vers l'avant pour garder son équilibre et cela a pris quelques minutes avant qu'il ne puisse marcher confortablement. Juste au cas où il devrait soudainement mettre fin à l'EVA, Armstrong a utilisé un outil à long manche appelé “échantillonneur de Contingence” pour racler un peu de roches et du sol dans un sac en téflon. Il a ensuite retiré le sac de l'échantillonneur, l'a plié et l'a remisé dans une poche sur le haut de sa jambe
Aldrin a rejoint Armstrong sur la surface une quinzaine de minutes plus tard et ensuite, pour la prochaine heure et quarante minutes, les deux ont examiné le LM, déplacé au loin la caméra de télévision d'environ 50 pieds, ont déployé un appareillage d'instruments scientifiques, et recueilli d'autres échantillons. Une série importante de questions devant être abordées bien sûr concernant l'habileté de l'équipage à faire le travail. Si tout se passait bien, les autres équipages pourraient rester plus longtemps sur la Lune, s'aventurer plus loin du LM et entreprendre des tâches plus ambitieuses. Pour la première demi-heure ou plus, ni Armstrong, ni Aldrin n'ont fait plus que de marcher en traînant les pieds en vaguant à leurs travaux et il était prévu qu'après cette période initiale de familiarisation, Aldrin profiterait de la gravité d'un sixième pour essayer de courir. En partant près du LM, il a d'abord couru vers la caméra de télévision, avançant d'un pied à l'autre en bondissant où, comme Jack Schmitt appele cela, une foulée de ski de fond. Puis, comme il se retourna et couru vers le LM, il a utilisé encore la même démarche, mais a changé de direction deux fois à nouveau en sortant un pied sur le côté et en poussant vers l'extérieur un peu comme un porteur de ballon au football américain. Revenant vers la caméra pour une deuxième fois, il a tenté un saut de kangourou, mais a décidé que cela ne lui avait pas donné beaucoup plus de stabilité longitudinale comme il l'a obtenu avec la démarche en bondissant. Cela démontrait qu'un équipage s'aventurant à quelques centaines de mètres du LM soit en mesure de revenir en quelques minutes si le besoin s'en faisait sentir.
En général, l'équipage d'Apollo 11 vaguait à leurs travaux avec prudence. Cependant, comme les équipages subséquents, le temps a passé, leur confiance a grandi. Généralement, ils marchaient sans délimitation et, par rapport aux équipages subséquents, leurs mouvements semblaient assez raides et restreints. Cependant, vers la fin de l'EVA, l'audience de la télévision a eu un aperçu d'Armstrong revenant d'une brève visite à un cratère de 60 mètres à l'Est du vaisseau spatial. Il y avait même un moment - un peu plus tôt dans l'EVA lorsqu'Aldrin levait les instruments scientifiques de son compartiment de rangement – lorsqu'Armstrong a paru se baisser brusquement sur un genou, une manœuvre difficile dans une combinaison rigide. De toute évidence, il était possible de faire le travail et de se déplacer avec une aisance relative. Les équipages suivants auraient plus de temps pour s'adapter et, en s'appuyant sur l'expérience d'Apollo 11, feraient leur travail avec une confiance accrue et plus grande.
Avec peu de temps seulement à leur disposition, Armstrong et Aldrin avaient seulement peu de choses qu'ils pourraient accomplir avant de refermer l'écoutille. Ils ont érigé le drapeau américain, parlé au Président des états-Unis à la Maison Blanche, ont déployé un collecteur de vent solaire, recueilli 47 lb d'échantillons et transporté un réflecteur laser et un sismomètre passif à approximativement une vingtaine de mètres au sud du LM pour être déployés. Ils ont martelé deux tubes collecteurs dans le sol, ont pris environ une centaine de photographies couleur et noir et blanc, et finalement, sont remontés avec les échantillons dans le vaisseau spatial. En raison des restrictions imposées par les combinaisons pressurisées, par le déplacement du centre de la masse, par le faible champ gravitationnel et surtout, par les encombrants gants pressurisés, le travail a été généralement plus difficile à faire qu'il l'aurait été dans un environnement en bras de chemise.
« C'était probablement au printemps ‘68. Le PSAC – “President's Scientific Advisory Committee” (le Comité Consultatif Scientifique du Président), qui était présidé par Charlie Townes – a demandé à la NASA un bloc de séance d'information qui détaillerait comment les premières missions d'alunissage seraient menées. Et la NASA n'a jamais fait cela parce qu'elle se concentrait tellement sur le fait d'avoir le vaisseau spatial prêt à voler. Et ce fut une très bonne demande; le PSAC avait vu juste. Avoir des questions comme cela, c'est la façon dont un comité consultatif scientifique peut vraiment contribuer au processus, et le PSAC a forcé la NASA à penser différemment. Donc, ce que la NASA a fait fut d'attribuer deux astronautes à chacune des trois phases de la mission: du lancement à l'insertion en orbite lunaire (LOI), du LOI à l'insertion de la trajectoire vers la terre (TEI) et puis le retour à la maison. Et Buzz Aldrin et moi avons été assignés à la partie intérimaire. Il faisait les trucs pour le vaisseau spatial en orbite et je devais mettre sur pied ce que nous allions faire une fois que nous étions sur la surface. À cette époque, la seule chose que la NASA n'avait vraiment jamais faite en détail était soi-disant une conception de mission de référence. En fait, la NASA ne l'a pas fait; Grumman l'a fait. Et ceci était une mission avec quatre EVA de 4-heures. Et la seule chose qui est arrivée depuis, fut que la NASA fit marche arrière et a dit: “Et bien, avec l'ALSEP (Apollo Lunar Science Experiment Package) abord, et l'expérimentation de géologie, nous allons avoir deux sorties extravéhiculaires.”»
« Il y avait beaucoup de discussions à ce sujet. Je veux dire, à ce même moment, certaines personnes disaient “ Et bien, peut-être que nous devrions juste faire sortir un gars relié par un cordon ombilical; c'est trop dangereux.” Slayton voulait un système de jumelage, deux gars sortant avec leurs unités de survie - et je le soutenais sur cela et j'ai été impliqué dans beaucoup d'arguments. Seigneur! Les genres de choses que nous avons traversés pour enfin y arriver. Et au même moment, Buzz Aldrin essayait d'être le premier gars à sortir. (Rires) il m'a fait travailler sur certains stratagèmes pour essayer de trouver comment dans ce monde nous pourrions justifier d'avoir lui et Armstrong changer de place dans le LM après l'atterrissage. Seigneur! Quoi qu'il en soit, en mettant ensemble le Livre de la Planification des Opérations pour l'EVA à la Surface Lunaire pour le PSAC – ce fut la première fois que quelqu'un ait essayé de faire un calendrier détaillé pour deux EVA - il est devenu de plus en plus évident que - lorsque vous exposiez des problèmes à la lumière du jour que le LM avait en termes de poids et tout - les chances de vol de l'ALSEP de 300 lb et plus étaient très minces. Donc, dans mes fiches préliminaires avant la réunion préparatoire finale, j'ai inclus certaines questions qui devaient être abordées. Et l'une d'elles était : avons-nous besoin d'un ALSEP de contingence? Quelles seraient les deux expériences que vous aimeriez avoir sur la Lune si vous n'aviez jamais une autre chance? Et, très vite, il était évident ce qu'elles seraient. L'une serait le sismomètre et l'autre, un réflecteur polyédrique. J'ai donc alors mis ces projets sur mes fiches préliminaires. »
« Nous avons fait un exercice d'essai avec la direction du JSC “Johnson Space Center” avant de la donner au PSAC. Et, quand cette fiche est arrivée jusqu'à Bill (Wilmot) Hess, il a sauté! Il ne voulait pas entendre de ne pas voler l'ALSEP. Je veux dire, le gars s'est vraiment emporté. Tout le monde le regardait d'un air hébété. Il était directeur scientifique et il ne pouvait plus se contrôler. Je ne pense pas qu'il ne m'ait jamais pardonné d'avoir fait cela. Mais le jugement de Bob Gilruth et George Low était “cela fait du sens, alors allons travailler.” De façon fondamentale, nous avions six mois - je pense - afin qu'elles soient prêtes. Elles seraient à énergie solaire et d'un poids léger. Je ne me souviens pas de leur poids. Et Bill Hess était absolument convaincu - et avait raison - que, dès que l'ensemble de contingence existerait, cela enlèverait l'ALSEP d'Apollo 11. Et bien, ma position était qu'ils allaient le faire de toute façon et, si vous n'aviez rien, vous n'alliez pas obtenir grand-chose. Seigneur, nous sommes allés de bout à bout sur cela. Et c'est pourquoi Apollo 11 n'a pas eu d'ALSEP, mais a eu quelques expériences scientifiques. »
Les restrictions de poids étaient certainement une des raisons pourquoi Apollo 11 a volé avec seulement quelques pièces d'équipements scientifiques. Une autre était le simple fait que, pour ce premier atterrissage, il était peu probable que l'administration de la NASA aurait approuvé une EVA assez longue pour permettre aux astronautes de déployer un ALSEP complet. Sur Apollo 12 et 14, le déploiement de l'ALSEP a pris typiquement la plupart du premier quatre heures de l'EVA et, comme étant le premier équipage à faire une EVA lunaire, il semble improbable qu'Armstrong et Aldrin aient été autorisés à rester à l'extérieur aussi longtemps.
La tâche qui a été probablement la moins efficace est celle qu'Armstrong ou Aldrin ont fait pendant les dernières minutes lorsqu'Armstrong a utilisé une pièce d'équipement appelé LEC “lunar equipment conveyor” Convoyeur d'équipement Lunaire pour faire parvenir les boîtes de roches - une à la fois - jusqu'à Aldrin dans la cabine. Essentiellement, c'était une corde à linge. Après qu'Aldrin ait accroché le LEC à une poulie dans la cabine, Armstrong accrocha l'une des boîtes de roches au LEC, s'éloigna du LM pour tendre la corde, puis a tiré à main-sur-main en même temps que la boîte bondissait sur son chemin jusqu'à Aldrin. C'était du travail dur. Au début de l'EVA, le rythme cardiaque d'Armstrong était d'environ 120 battements par minute et il avait baissé son rythme plus ou moins régulièrement à environ 80 lorsqu'il prenait des photos au bord du cratère à l'Est du vaisseau spatial. Avec le manque de temps, il a commencé une collecte de roches et de sol précipitée et sa fréquence cardiaque est remontée à une vitesse de battements de 120-140. Et puis, alors qu'il utilisait le LEC pour transporter les boîtes de roches jusqu'à la cabine, son rythme cardiaque a grimpé à 160 battements par minute et Houston a dû faire appel à un court repos. D'autres commandants d'Apollo n'ont pas eu à travailler aussi dur lorsqu'ils ont utilisé le LEC. L'excitation du moment et la ruée de la collecte de l'échantillonnage étaient sûrement des facteurs contributifs dans le cas d'Armstrong. Mais le LEC était un outil inefficace et, en commençant par Apollo 14, les astronautes ont transporté manuellement certains de leur équipement à la cabine. Les équipages de 16 et 17 n'ont pas fait suite à la corde à linge LEC - ayant décidé que c'était plus d'ennuis que cela en valait la peine – et ont transporté manuellement tout, sauf un sac contenant leur caméra. Ce sac, ils l'ont soulevé et abaissé avec un crochet et une corde, une simple corde qui a réussi en quelque sorte à hériter du nom de LEC.
Deux heures et 31 minutes après qu'ils aient ouvert l'écoutille, Armstrong et Aldrin ont rapporté l'avoir refermée. Il y avait encore cinq heures à faire avant que Houston ait à dire: « Bonsoir » et encore beaucoup à faire. Il y avait des échantillons à ranger, des équipements à être largués, et une longue liste de tâches d'entretien ménager à exécuter avant qu'ils puissent avoir une période prévue de repos
Ils ont dormi dans leurs combinaisons - ou tenter de - avec Aldrin recroquevillé sur le sol et Armstrong appuyés sur le couvercle du moteur monté à l'arrière de la cabine. La période de repos était, ont-ils dit, « presque une perte totale.» Ils étaient dérangés par les bruits du vaisseau spatial et par le soleil pénétrant autour du bord de la toile des fenêtres et à travers le sextant. Ils étaient gelés et mouillés dans leurs combinaisons et, bien sûr, ils étaient vraiment trop excités pour dormir. Pour Apollo 12 et les vols subséquents, les équipages n'ont pas branché leurs LCG “liquid cooled garments” Vêtements Refroidis au Liquide, au ECS “environmental control system” Système de Contrôle de l'Environnement, après le retour dans la cabine, suite à une EVA, et ont inversé le sens de la circulation de l'air dans les combinaisons de sorte que l'air frais entrait au niveau du torse plutôt que dans le casque. Ces deux changements ont remédié au problème de température, mais ce n'est pas avant Apollo 15 qu'a t'ont vraiment eu du sommeil sur la Lune. À partir d'Apollo 12 et par la suite, les équipages avaient des hamacs pour se coucher. Toutefois, ce n'est pas avant Apollo 15 que les visites lunaires furent longues - et les astronautes et planificateurs des missions avaient suffisamment confiance - que les équipages ont enlevés de leurs combinaisons pendant les périodes de repos et avec l'aide de bouchons d'oreille pour atténuer le bruit, ils ont vraiment pu dormir. Aldrin a peut-être eu deux heures de sommeil agité. Armstrong n'a rien eu.
Pendant sept heures, Houston les a laissés seuls avec leurs pensées. Puis il était temps de se réveiller, prendre un petit déjeuner rapide, et être prêt pour le lancement, le rendez-vous avec Collins, et la bienvenue des héros les attendaient à la maison. Si, d'un point de vue pratique, Apollo 11 était un vol de démonstration, un point de départ pour les missions les plus sophistiquées qui suivraient, c'était de toute évidence celui pour les livres d'histoire. Les autres équipages travailleraient dans une obscurité relative, passant brièvement sous les feux des projecteurs, mais sans laisser une impression aussi durable envers le public. Il n'y aurait jamais rien de comparable à l'empreinte du premier pas sur un autre monde, mais là aussi, il y avait encore un long chemin à parcourir avant que l'humanité ne puisse prétendre d'être plus que des visiteurs éphémères sur la Lune.
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