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Un criminel proche des Hells derrière la manif de Québec

Stéphane Gagnon, un cambrioleur récidiviste, est aussi membre des motards Devils Ghosts



L’une des «vedettes» des manifestations contre les mesures sanitaires à Québec est un criminel au lourd casier judiciaire, proche des Hells Angels.

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Le 5 février, Stéphane Gagnon a entamé un discours enflammé de sept minutes devant le parlement en se présentant à la foule comme l’un des organisateurs du «convoi Saguenay/Lac-Saint-Jean» ayant attiré 700 manifestants dans la capitale nationale. 

  • Écoutez Félix Séguin à l’émission de Richard Martineau tous les jours en balado ou en direct à 8h45 via l’app QUB et le site qub.ca :  

Stéphane Gagnon portait une tuque aux couleurs de sa bande de motards en discutant avec Bernard «Rambo» Gauthier à Saguenay. Photo Agence QMI, Roger Gagnon

Fondateur du groupe identitaire Les Patriotes Saguenay/Lac-Saint-Jean, Gagnon a dit qu’il se donnait «corps et âme» depuis deux ans à participer aux manifestations «pour la liberté de choix et de droits».

Or, le militant jonquiérois traîne aussi un passé de cambrioleur récidiviste dans la capitale où il a été condamné au criminel à 39 reprises, a appris notre Bureau d’enquête.

Il a écopé de peines de prison de six mois à deux ans après avoir commis plusieurs vols par effraction et quelques crimes avec violence à Québec, entre 1986 et 1996.

Les Devils Ghosts du Québec tiennent un rassemblement annuel au Saguenay depuis 2015. Photo d'archives, Agence QMI

  

  • Écoutez la revue de l'actualité de Philippe-Vincent Foisy et Alexandre Moranville-Ouellet diffusée chaque jour en direct 6 h via QUB radio :   

Devils Ghosts

Gagnon est fiché comme l’un des 10 membres ou aspirants d’un club-école des Hells Angels, soit les Devils Ghosts du chapitre Saguenay, selon des documents policiers auxquels nous avons eu accès.

Photo Agence QMI, Roger Gagnon

Fondés il y a dix ans pour exécuter les basses œuvres des Hells sur le terrain en matière de violence et de stupéfiants, les Devils Ghosts sont maintenant basés à Montréal, en Outaouais, en Estrie et au Saguenay–Lac-Saint-Jean.

D’après nos sources, Gagnon, surnommé « Floyd », en mènerait large au sein de cette bande de motards.

Le 3 février dernier, devant des représentants des médias, il portait ouvertement une tuque sur laquelle le nom des Devils Ghosts était bien en vue pendant qu’il discutait avec un autre organisateur vedette du convoi de manifestants, le syndicaliste Bernard « Rambo » Gauthier, à Saguenay.

Gagnon a déjà milité pour le Parti libéral du Québec, ce qui lui a permis de se faire photographier avec l’ex-premier ministre Philippe Couillard en 2008. Photo tirée de Facebook

Miraculé de la médecine

Sur les réseaux sociaux, Gagnon décrie aussi avec véhémence le gouvernement caquiste et ses mesures contre la pandémie.

Le 21 décembre dernier, sur sa page Facebook, il traitait la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, de « grosse vache » parce qu’elle demandait l’assistance des Forces armées canadiennes pour accélérer la vaccination des Québécois alors que le variant Omicron menaçait la capacité des hôpitaux.

Gagnon sur son lit d’hôpital, où il s’est fait greffer un nouveau foie en 2016. Photo tirée de Facebook

Pourtant, Gagnon, 54 ans, est lui-même un miraculé de la médecine, ayant fait la une de l’hebdomadaire Le Courrier du Saguenay après avoir subi avec succès une greffe de foie à l’hiver 2016. 

Le ministère de la Santé estime qu’au moins 125 000 chirurgies ont dû être reportées depuis le début de la pandémie pour pouvoir soigner des patients infectés par la COVID-19.

Le 5 février, Gagnon profitait de son discours pour demander au premier ministre François Legault de démissionner.

«J’ai trois enfants pis chu tanné qu’ils mettent des masques pour aller à l’école», scandait celui qui se dit détenteur d’un baccalauréat en travail social. 

Joint hier soir par notre Bureau d’enquête, Stéphane Gagnon a confirmé être membre des Devils Ghosts, ainsi que son passé judiciaire.

«L’association que vous faites n’a pas sa place présentement, il se passe tellement de choses au Québec. [...] Je n’irai pas faire sauter le parlement, je ne suis pas innocent», a-t-il affirmé.


♦ Gagnon a aussi fait savoir qu’il entend retourner manifester à Québec ce week-end avec ses « patriotes ».

39 condamnations criminelles                          

  • Stéphane Gagnon se dit travailleur social à Saguenay (arrondissement Jonquière)             
  • Fondateur des Patriotes du Saguenay/Lac-Saint-Jean             
  • Membre du club de motards Devils Ghosts, chapitre Saguenay, qui soutient les Hells Angels             
  • Son casier judiciaire recèle 39 condamnations en matière criminelle, dont 22 pour introductions par effraction, 5 pour vol, une pour voies de fait armées et une pour menaces de mort                        
  • Écoutez aussi l'édito judiciaire de Félix Séguin diffusé chaque jour en direct 8 h 50 via QUB radio :   

Un dangereux groupe de motards                           

  • Les Devils Ghosts forment l’un des plus importants clubs supporteurs des Hells Angels parmi la trentaine que ces derniers comptent au Québec, a témoigné un expert en bandes de motards devant le tribunal en 2018.             
  • C’est le « club-école » des Hells qui compte le plus de chapitres au Québec.             
  • Depuis sa fondation en 2012, cette bande a été la cible de nombreuses enquêtes policières en matière de trafic de drogues, d’extorsion et de violence.             
  • Leur premier chapitre (Montréal) a été parrainé par l’ex-leader des Hells, Salvatore Cazzetta.             
  • Le « parrain » du chapitre Saguenay, Benoit (Ben) Plourde, vétéran membre en règle des Hells Angels, purge une peine de sept ans de pénitencier pour avoir contrôlé le marché des stupéfiants dans cette région entre 2016 et son arrestation en 2018.             
  • Un de leurs membres fondateurs, Sergio Piccirilli, incarcéré pour trafic de drogues et possession d’armes prohibées, dont la tête avait été mise à prix par la mafia montréalaise, a survécu à une tentative de meurtre par empoisonnement au pénitencier de Drummondville en 2019.                           

Habillés aux couleurs des Hells              

Il n’y a pas qu’à Québec où l’odeur des Hells Angels plane sur les manifestations anti-mesures sanitaires.

Un membre du groupe complotiste et contre les mesures sanitaires Les Farfadaa impliqué dans plusieurs altercations en marge du siège du « convoi de la liberté » au centre-ville d’Ottawa affiche ouvertement son soutien aux motards criminels. 

Balou est membre du groupe de complotistes Les Farfadaa, mené par Steeve « L’artiss » Charland. Photo tirée de Facebook

L’individu, qui se présente sous le nom de Frank Balou, porte fièrement un chandail de supporter du chapitre montréalais des Hells Angels sur lequel est imprimé « Support 81 Montréal ». 

Le nombre 81 représente les initiales du groupe de motards, soit HA, respectivement la huitième et la première lettre de l’alphabet. La vente de ce genre de produits est autorisée par les membres en règle de l’organisation. 

Dans trois publications récentes sur les réseaux sociaux, Balou a également affiché son soutien à la section World de la bande de motards et à la section South située en Montérégie. 

Le colosse a aussi été dénoncé récemment pour avoir menacé une femme, sur Facebook.

« Prochaine affaire que j’entends, je te le dis... t’as trouveras pas drôle, la grosse. C’est-tu clair ? » l’entend-on dire dans une vidéo qu’il a publiée. 

Un ancien de La Meute

Frank Balou est une émule du leader du groupe des Farfadaa, mené par Steeve « L’artiss » Charland, un ancien dirigeant du groupe identitaire d’extrême droite La Meute. Charland est un habitué des manifestations anti-mesures sanitaires. Il s’est récemment mis en vedette aux rassemblements d’Ottawa.

Jusqu’à tout récemment, les Farfadaa étaient reconnus pour porter des vestes de cuir, avec une « patch » dans le dos faisant un doigt d’honneur, reproduisant le style des motards criminalisés. 

Or, le groupe a annoncé qu’il cessait cette pratique dans les derniers jours, accusant les médias de « mettre le trouble » entre leur mouvement et des clubs de motards, alors que cette pratique y aurait fait des mécontents.

Aux États-Unis, il est fréquent que des motards criminels se rapprochent des groupes identitaires d’extrême droite et de suprémacistes blancs, selon le chercheur David Morin de l’Observatoire sur la radicalisation et l’extrémisme violent de l’UNESCO.  

Le professeur tenait à être présent à la manifestation du 5 février organisée à Québec par Bernard « Rambo » Gauthier et soutenue par le motard Stéphane Gagnon (voir texte plus haut). 

Il dit y avoir remarqué plusieurs familles qui ignoraient le véritable profil de certains de ses organisateurs. 

« Mais pour plusieurs, la “cause” est suffisamment importante pour serrer la main du diable », fait-il remarquer.

Si vous avez de l’information sur cette affaire contactez Félix Séguin en toute confidentialité: felix.seguin@protonmail.com et 514-618-6784 (cellulaire, Signal).

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