Christophe Dechavanne : « Je ne mords jamais le premier »
Portrait

Rendez-vous avec Christophe Dechavanne : « Je ne mords jamais le premier »

Les années fric, TF1, son hélicoptère, ses enfants, sa mère, ses psys, son chien… Depuis son divan, l’animateur du PAF dit tout au « Point ».

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Temps de lecture : 9 min

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Il nous donne rendez-vous dans ses bureaux, situés dans une petite rue tranquille non loin de la place de Clichy (17e arrondissement de Paris). Voilà plusieurs années que Christophe Dechavanne a installé Coyote, sa boîte de production, ici. Sa fille aînée Pauline accueille le visiteur et le guide dans son antre. L'animateur se pose sur le canapé face à un plat de nouilles chinoises « non caloriques » qu'il compte bien déguster pendant notre entretien.

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Celui qui a fait son grand retour, à 66 ans, la saison dernière aux côtés de Léa Salamé sur le plateau de Quelle époque !, sur France 2, sort un livre autobiographique, Sans transition (Flammarion). Il accepte donc de se prêter à un exercice pas toujours simple : parler de soi, de ses tourments, de ses émois, de sa carrière, devant un inconnu. Son attachée de presse l'accompagne. Il semble à la fois à l'aise et irrité, sympathique et parfois mordant. Presque déroutant. 

« Ce bouquin, je devais le rendre en octobre, mais je n'étais pas prêt. J'ai passé des heures à l'améliorer, à chercher le bon mot, à traquer les coquilles, comment dire ou ne pas dire certaines choses… » explique-t-il avant de s'assurer que nous l'avons bien lu. « Et alors ? »

J'ai vécu 20 ans avec Le Lay et Mougeotte dans une ambiance assez dingue

Ce qui frappe dans son ouvrage, quand on en vient aux années TF1, c'est la dureté, l'âpreté de ses échanges avec son patron Patrick Le Lay, la résistance, la force qu'il fallait lui opposer. Dechavanne, fin 1980-début 1990, est alors l'étoile montante du PAF, présentateur vif et énergique qui va s'imposer grâce à une émission de débats sociétaux, Ciel mon mardi !. « Quand Étienne Mougeotte me balance : « Tu vois bien que les gens ne veulent plus de toi, mets-toi au vert ! », psychologiquement, c'est pire que l'autre qui me secoue. J'ai vécu vingt ans avec Le Lay et Mougeotte dans une ambiance assez dingue… » 

PARIS: CHRISTOPHE DECHAVANNE, PATRICE CARMOUZE ET PIERRE PALMADE LORS DE L'EMISSION "COUCOU C'EST NOUS", PARIS. 
 ©  T.F.1-BEDEAU/SIPA / SIPA / BEDEAU/TF1/SIPA
PARIS: CHRISTOPHE DECHAVANNE, PATRICE CARMOUZE ET PIERRE PALMADE LORS DE L'EMISSION "COUCOU C'EST NOUS", PARIS.  © T.F.1-BEDEAU/SIPA / SIPA / BEDEAU/TF1/SIPA

« Et je suis le seul mec à leur avoir collé un procès, tout en continuant à travailler avec eux. On s'est battu, engueulé, si on me maltraite, je me défends. Je ne mords jamais le premier. Ce livre a failli s'appeler « Je parle chinois aux Chinois » avec en sous-titre « Finnois aux Finnois », blague qu'à mon avis personne n'aurait comprise… » énonce-t-il en observant l'effet qu'elle produit. Et de poursuivre : « Il y avait énormément d'argent en jeu, bien plus que maintenant. On a arrêté mon émission alors que je faisais 36 % d'audience. Ce chiffre était un échec. Aujourd'hui, je serais le roi du pétrole ! »

Sur le juste dosage entre anecdotes nécessaires et révélations croustillantes, Christophe Dechavanne a tenu une ligne : « Ne pas faire du bashing ! » Il semble d'ailleurs un brin agacé quand on lui rappelle le nom de Stéphane Courbit, puissant patron de Banijay, immense entreprise de production de contenus télévisuels. Ce dernier commença comme stagiaire chez Coyote, avant que les deux hommes ne se brouillent. Dechavanne ne distille rien de la fâcherie potentielle. « Il a commencé au Minitel chez moi ! Il est aujourd'hui le plus grand producteur de télévision du monde, voilà. Un magazine était venu m'interroger à son sujet, j'avais répondu pendant une heure et demie, ils n'ont gardé que des anecdotes sensationnalistes. Donc, dorénavant, sur ce garçon, je ne m'exprime plus. »

La proposition indécente d'Elkabbach

À l'époque, Courbit, associé avec Arthur à la tête de la société Endemol, qui produisait de la téléréalité au kilomètre, avait proposé à son premier employeur 125 millions de francs pour racheter Coyote et l'intégrer dans son périmètre. Refus de Dechavanne. Lui jure ne pas le regretter.

Est-ce vrai ? « Si j'avais accepté, je serais peinard, c'est certain ! J'ai raté plein de trucs. Un jour, Jean-Luc Reichmann est venu me proposer une émission qui ne m'emballait pas follement. J'ai laissé traîner, ça s'appelait Attention à la marche [le jeu cartonnera pendant des années sur TF1, NDLR]… Moi qui adore gratter 20 centimes sur un sandwich, j'ai manqué des vrais coups industriels. C'est de ma faute. Pour en revenir à la proposition de Stéphane Courbit, je ne regrette pas même si c'est complètement con. »

SON DIMANCHE IDÉAL : À la campagne, dans le Berry, où il file chaque week-end rejoindre ses animaux, son jardin, ses roses. « Franchement, c'est magique. Je peux vous montrer ! »

Autre temps fort de sa trajectoire, la proposition indécente de Jean-Pierre Elkabbach, alors patron de France Télévisions, pour qu'il le rejoigne sur le service public. Dechavanne songe, prépare les contrats avec ses équipes, demande des précisions sur le temps d'antenne, rien n'avance durant trois mois. Finalement, il invite Elkabbach et ses deux adjoints chez lui pour en discuter. Ils n'ont pas lu les contrats, l'improvisation domine, jusqu'à ce que le patron lui suggère une chose impossible. Dechavanne n'accepte pas. Tous partent, au milieu de la nuit, l'affaire capote. Quelle était cette offre interdite ?

« Je ne peux pas vous le révéler, je serais immédiatement attaqué en diffamation. Et après tout, on s'en fiche. On comprend bien qu'il y a eu un souci. J'arrivais à la fin des recrutements, il n'y avait plus d'oseille… »

L'ami Jean-Luc Delarue

C'est ainsi que Christophe Dechavanne n'est pas devenu un « voleur de patates », pour reprendre le fameux sketch des Guignols qui moquait les sommes folles négociées par Arthur, Nagui et Jean-Luc Delarue pour débarquer sur France Télévisions. D'ailleurs, Dechavanne évoque gentiment l'ami Delarue, disparu en 2012. Il compare leurs « Noëls Cartes bleues », expression qui résume les affres que chacun des deux traversait dans leurs familles respectives, quand une partie des membres se reposaient sur leurs importants revenus…

« Oui, c'est triste. S'il vivait, Jean-Luc serait resté mon vrai pote. On était rock and roll tous les deux. Après une soirée Sidaction, nous nous sommes fâchés. Il était brillant, drôle, mais il se faisait du mal. Je jouais un peu le pépé à lui faire des remontrances. Et je me suis retrouvé à son anniversaire, avec Giscard d'Estaing entre autres, dans son appartement face à la Seine. On s'est mis à papoter, on s'est réconciliés deux ans avant sa mort », se souvient-il, avec émotion.

Comment je vais me débrouiller pour garder mon hélicoptère ?

Dechavanne a fermé le « Ciel » après quatre ans d'antenne, « par peur de devenir trop mécanique, de perdre en spontanéité ». Surgit sur le tapis la question de la drogue, bien sûr, car sa réputation était d'en consommer pas mal. Ce qu'il évacue en quelques phrases floues, sans nier ni admettre une quelconque consommation. « Vous ne connaissiez pas ma réputation ? Vous êtes bien la seule. Ce n'est pas propre au milieu de la télévision, que l'on arrête avec ça : Michel Drucker, Jean-Pierre Foucault, Patrick Sabatier n'ont jamais rien pris… Pour Jean-Luc Delarue, c'était une pathologie. »

Christophe Dechavanne se confie sans détours.
 ©  Castel Franck/ABACA / Castel Franck/ABACA POUR « LE POINT »
Christophe Dechavanne se confie sans détours. © Castel Franck/ABACA / Castel Franck/ABACA POUR « LE POINT »

Après les années fastes, les programmes qui cartonnent, Dechavanne a vécu des périodes sombres au tournant des années 2000. « Des trous de carrière assez profonds, des galeries même ! Je ne me réveillais pas en pleurant, mais pas loin. J'étais sans doute en dépression. Je me disais : Comment je vais faire pour aider les miens ? Comment je vais me débrouiller pour garder mon hélicoptère ? Je le pilotais moi-même, j'ai dû le vendre, je ne m'imaginais pourtant pas vivre sans ! J'étais dans cette sorte de spirale  », avoue-t-il, à la fois gêné et honnête à propos d'un tel enjeu, si peu concernant pour le Français moyen. « C'était le luxe suprême. Michel Drucker aussi pilotait mais, lui, sur l'autoroute [il éclate de rire] ! Moi, je traversais les Alpes… »

Ma mère était particulière

Le rebond viendra d'une roue, celle de La Fortune, qu'il accepte de tourner. Il conçoit le trio avec Victoria Silvstedt et son chien Adeck – qui fera le succès de ce jeu ultra-populaire – contre l'avis de TF1. La chaîne aurait préféré une figure de la téléréalité plutôt que cette blonde superbe au français approximatif. Dechavanne a insisté. Au fil des pages se dessine un homme volontaire, coriace, dirigiste, professionnel, solitaire et angoissé. Ce qu'il confirme : « Ma mère était particulière. C'était une femme qui s'empêchait d'être heureuse. Elle nous a transmis cette incapacité. Je ne peux toujours pas ouvrir mes cadeaux en public par exemple. On ne peut pas dire que je transpire le bonheur… Même si je peux être déconneur, me marrer, me sentir bien. » Il confie avoir épuisé plusieurs psys, « six, je crois. Je les ai fatigués. La dernière m'a viré. Je ne devais pas être assez impliqué ». On hésite à en rire, même s'il signale d'emblée que ce n'est pas marrant, car c'est sa vie.

L'animateur s'est marié deux fois, les unions ont à peine duré plus d'un an. La star de télévision a multiplié les conquêtes, il en relate certaines assez cocasses – le chapitre relatant une séance de massage aux Seychelles vaut le détour –, avant de revenir sur le fracas de sa vie privée : « Sans ma notoriété, je n'aurais peut-être pas eu autant de fiancées, qu'elles soient formidables ou barrées. Bizarrement, je suis attiré par des femmes un peu abîmées, qui vont creuser mes failles. Pourquoi ? Vous voulez qu'on aille en séance ? Ça fait 25 ans… »

Son combat pour sa fille Ninon

Christophe Dechavanne a eu trois enfants de trois femmes différentes. Il est fâché depuis quelques années avec son fils, il n'en dévoile pas les raisons. « J'ai écrit tout ce que je pouvais écrire. Je l'ai moi-même été avec ma mère pendant cinq ans. Elle venait au bureau et… mon assistante lui mentait, en disant que je n'étais pas là. C'était terrible. Mais nécessaire. » S'il se montre mutique sur cette blessure, il se veut plus disert sur son combat pour sa cadette Ninon, 26 ans, qu'il a élevée seul à partir de ses huit ans, pour cause de mère « défaillante », comprend-on. « Treize années de parcours judiciaire, avant d'obtenir la garde officielle, que j'assurais déjà. Je souhaitais la protéger. L'autre personne n'était pas d'accord. J'ai traversé le feu, parfois… Je ne peux pas tout raconter, même si Ninon m'a autorisé à le faire. Il faut conserver un minimum de pudeur. »

L'idéal, c'est de kiffer !

Christophe Dechavanne a avalé ses nouilles, il s'est parfois allongé sur le canapé, puis redressé, il s'est aussi étonné de l'aspect parfois décousu de l'entretien. Au terme de ce dialogue, la question rituelle de ce qu'il peut bien fabriquer de ses dimanches, ce jour de la semaine parfois propice à la mélancolie, l'amuse autant qu'elle l'agace : « Je n'ai pas de dimanche idéal, tout comme je n'ai pas de femme idéale, ni de plat idéal, parce que je trouve cela ridicule et trop limitatif. L'idéal, c'est de kiffer ! Et donc, moi, je pars à la campagne depuis vingt ans. Je deviens vraiment un croûteux. »

Il possède un vaste domaine dans le Berry où, chaque week-end, il file rejoindre ses animaux, son jardin, ses roses. « Franchement, c'est magique. Je peux vous montrer ! » Et le gamin de Montmartre, qui a grandi rue des Saules face au cimetière de Saint-Vincent où sont enterrées sa mère et sa sœur, de sortir son téléphone, pour mettre en route une vidéo prise là-bas. On l'entend se réjouir de la présence de mouflons, sur une terre à perte de vue. Lui qui ne chasse plus depuis 2019 se réjouit de l'arrivée prochaine d'un chat, s'inquiète d'une tumeur possible de son chien. La télévision, les soubresauts de l'époque, les futures émissions de Sophie Davant à produire, tout semble alors si loin.

« Sans transition », de Christophe Dechavanne, Éditions Flammarion.

Chaque dimanche, Le Point a Rendez-vous avec des personnalités connues et moins connues du monde de la culture, de la télé, du cinéma, de la gastronomie, du sport, de l'entreprise… Ils et elles se prêtent au jeu de l'entretien intime, nous racontent leur parcours, parfois semé d'embûches, nous livrent quelques confidences et nous donnent leur vision de la société.

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Commentaires (16)

  • straight...

    "Il accepte de se prêter... " (etc. ). On croit Le Point, c'est vraiment là trop d'honneur et le reste de l'article accouche d'un certain nombrilisme, assez complaisamment servi.
    Ce n'est "coyotte" qu'il aurait dû prendre pour nom de son entreprise, mais "cabot"...

  • La Vache

    Quelle déception ce Dechavanne ! Pourquoi sont-ils tous obligés de nous faire connaître leur appartenance politique ? Le mec le plus décevant du PAF.

  • olifan12

    Que Le Point fasse un article sur cette nullité de Dechavanne en dit long sur ce que cette revue est en train de devenir.
    Un détail amusant. Dans les années 80, Dechavanne était "jugé" au "Tribunal des Flagrants Délires", formidable émission de France Inter qui, vu l'état d'esprit actuel, serait peut-être impossible à diffuser aujourd'hui. Lors de cette émission, la main sur le cœur, Dechavanne a juré que jamais, au grand jamais, il ne travaillerait sur TF1. Un homme de parole... ; -)