Robin des Bois, héros de la lutte des classes

Robin des Bois, héros de la lutte des classes

Robin des bois, du brigand à la lutte des classess
Robin des bois, du brigand à la lutte des classess
Robin des Bois, héros de la lutte des classes
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Robin des Bois, héros de la lutte des classes

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Brigand révolutionnaire ou hors-la-loi au grand cœur, Robin des Bois incarne aujourd'hui un idéal de justice sociale. Pourtant à l'origine, ce voleur anonyme n'avait rien d'un héros.

Robin des bois incarne aujourd’hui un idéal de justice sociale, pourtant dans les récits médiévaux, le hors-la-loi est tout sauf un héros au grand cœur. Voici comment un simple brigand anonyme est devenu au fil des siècles un symbole de la lutte des classes.

Laurence Belingard, autrice d’une thèse sur Robin des bois : “Ça peut être un héros nationaliste, ça peut être un héros qui défend la démocratie, ça peut juste être un trickster (poil à gratter) qui embête tout le monde et qui ne se fixe pas sur une lutte en particulier, ça peut être un chevalier… Tout le monde peut lui faire dire ce qu’il veut.” 

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On trouve sa première trace dans un document judiciaire du XIIIe siècle en Angleterre. Y sont recensés les méfaits d’un certain bandit nommé Robert.

Laurence Belingard : “On le voit sous la forme de William Robert Hood, certains critiques pensent qu’il s’agit d’une mauvaise graphie et que c’est William Robert, que c’est une façon commune de mentionner le fils de quelqu’un 'William son of Robert’. Ça montre qu’à cette époque déjà 'Robert Hood' serait un surnom ou un synonyme de 'voleur'. Par la suite, on a toute une flopée de Robert Hood, Robin Hood avec des graphies très fantaisistes qui reviennent dans les documents officiels.”

Un écho aux révoltes paysannes

Un véritable folklore populaire se développe autour de ce personnage mystérieux, ses exploits fantaisistes sont racontés en rimes et perpétués par la tradition orale. Robin Hood acquiert vite une dimension subversive qui fait écho aux révoltes paysannes de l’époque contre les petits seigneurs.

Laurence Belingard : "Le personnage a cristallisé des demandes, des soucis de ces paysans. Il a servi d’exutoire pour la population qui était contrainte par différentes lois. Des lois royales qui disaient qu’une grande partie des forêts d'Angleterre appartenait au Roi et donc on n’avait pas le droit de venir y chasser. Et de quoi sont composées les premières ballades de Robin des bois ? Précisément de ça : un homme, dans la forêt qui chasse."

Des ballades du XVe siècle décrivent Robin des bois comme le chef d’une bande de hors-la-loi qui règne sur la forêt. Mais il ne vole jamais les riches pour donner aux pauvres.

Laurence Belingard : "C’est l’humeur de la contestation, de la guérilla, on va en ville, on se frotte aux officiels, on se moque d’eux, on se promène sous leur nez et on revient dans la forêt."

La bande se livre même à des actes violents et anti-chevaleresques : meurtre, décapitation d’un moine, mutilations. Robin s’en prend au shérif, aux petits chefs locaux, aux autorités ecclésiastiques. Pourtant, il respecte la hiérarchie royale, et se prosterne même devant le roi.

Le brigand est représenté dans des saynètes populaires et des processions carnavalesques. Un homme déguisé en Robin des bois y récolte de l’argent et de la nourriture pour le reverser ensuite aux indigents. Dans le folklore originel, Robin des bois n’est pas un noble, c’est un yeoman.  

Aude Mairey, Historienne médiéviste :“C’est une couche intermédiaire entre la noblesse et la paysannerie. Ça peut être un paysan riche, un archer militaire, ça peut être un artisan et c’est aussi les yeoman de la forêt, ceux qui gardent la forêt royale. C’est cette couche intermédiaire qui aimerait bien avoir accès à la politique.”

Pourtant, au XVIe siècle, Robin des bois est "anobli" dans les pièces du théâtre élisabéthain

Laurence Belingard : "C'est une figure du désordre donc il faut la contrôler. Il va être repris par les dramaturges dans une version anoblie, digestible. Le théâtre populaire est une chose, mais le théâtre élisabéthain en est une autre chose. On l’apprivoise en fait. C’est vraiment le schéma classique : il a été dépouillé injustement par le roi, mis hors-la-loi et son travail va être de demander sa restauration.”

Le héros saxon

Le rebelle sans cause devient le héros déchu luttant contre un pouvoir illégitime. En 1819, Walter Scott publie un grand roman médiéval, Ivanhoé, dans lequel apparaît Robin des bois.  

Aude Mairey : “On est vraiment à l’époque du développement du nationalisme. Il le présente comme un Saxon qui combat les Normands qui ont envahi l’Angleterre. C’est ce personnage-là tel qu’il est devenu au XIXe siècle qui va être représenté au cinéma dans la première moitié du XXe siècle”.

Le mythe Robin des bois est relu au XXe siècle par des historiens marxistes faisant passer notre brigand du vert au rouge.

Aude Mairey : "Eric Hobsbawm, qui n’est pas du tout un médiéviste, a fait de Robin des bois le symbole du brigand révolutionnaire qui s’attaque à saper le fondement des autorités en place. Mais maintenant ces analyses sont un peu contredites à propos de l’interprétation qu’on fait des révoltes de la fin du Moyen Âge qui sont au moins autant politiques que sociales. C’est un mythe qui est très plastique, encore plus que le mythe arthurien. Quand on voit toutes les adaptations films, séries, littérature, on en fait vraiment ce qu’on en veut selon ce qu’on a envie de montrer."

La Transition
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