Les familles nombreuses sont de plus en plus rares au Québec. Un parent entouré de quatre, cinq, voire six enfants, ça pique la curiosité des gens. À l’occasion de la fête des Mères, La Presse a réuni trois femmes plusieurs fois maman qui ont accepté de parler de leur intrigante réalité. Discussion animée autour d’un café.

La surprise. C’est souvent ce que Nerlande Gaëtan voit dans les yeux de ses interlocuteurs lorsqu’elle parle de sa famille, qui compte six enfants âgés de 18 mois à 23 ans.

Assises à ses côtés au Théo Café, à Longueuil, Sandryne Pellerin et Carryanne Pépin opinent de la tête. Difficile de passer inaperçu lorsqu’on se promène avec l’équivalent d’une petite équipe sportive autour de soi.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Sandryne Pellerin, 35 ans, mère de cinq enfants

« Je pourrais compter sur ma main les réactions négatives », précise toutefois Sandryne Pellerin, mère de quatre garçons et d’une fillette, âgés de 3 à 14 ans. La maraîchère de 35 ans reçoit couramment des félicitations de la part de ses clients. « Pour eux, c’est que de la beauté. Ils trouvent ça le fun de voir nos enfants avec nous, de voir une famille heureuse. »

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Carryanne Pépin, 31 ans, enceinte de son septième bébé

La ribambelle d’enfants de Carryanne Pépin, 31 ans, lui vaut aussi son lot de compliments. Mais la mère, enceinte de son septième bébé, est également parfois la cible de jugements. « Tu es trop jeune pour en avoir autant. Quand est-ce que tu arrêtes ? », font partie des remarques plus désagréables avec lesquelles doit composer la propriétaire de la boutique Fillettes et Fiston, située à Saint-Lazare, en Montérégie.

« Comment faites-vous ? »

« Ce que j’entends beaucoup de la part de parents, c’est qu’ils ont arrêté à deux enfants à cause du coût de la vie. Les gens demandent : comment faites-vous ? […] Il y a toujours moyen de s’arranger. Si chaque fois qu’on a une enfant, ça changeait l’équilibre financier familial, on ne le ferait pas », indique Carryanne Pépin.

PHOTO ANDRÉE-ANNE GUY, FOURNIE PAR CARRYANNE PÉPIN

Carryanne Pépin entourée de ses enfants et de son mari

Dans une famille nombreuse, tous les membres sont appelés à faire des compromis. Un exemple ? Les activités parascolaires. Les trois mères ont décidé de limiter les inscriptions, non seulement pour des raisons financières, mais aussi pour une question d’horaire. « Et puis, c’est bon pour eux de se rendre compte que dans la vie, on ne peut pas tout avoir », croit Nerlande Gaëtan, 38 ans, mère et belle-mère six fois. « Je pense qu’en étant dans une famille nombreuse, ils comprennent que tu n’as pas tout ce que tu veux en claquant des doigts. […] Ils apprennent à s’adapter. Je pense que ça fait qu’ils deviennent plus conciliants en grandissant », abonde dans le même sens Sandryne Pellerin.

Place à l’entraide…

Un autre apprentissage que les trois mères observent beaucoup chez leurs enfants, c’est l’entraide.

« Mes plus grands sont super autonomes. Ils font leur lavage. Ils nous aident beaucoup dans les tâches. Ils vont aussi aider les petits. Par exemple, si on finit de manger et que les petits n’ont pas ramassé leur assiette, ils vont passer derrière eux pour le faire », illustre la propriétaire de la ferme écologique Nos racines, située à Saint-Hugues, près de Saint-Hyacinthe.

Si l’entraide est essentielle dans une famille nombreuse, les mères rencontrées font attention pour que leur aîné n’ait pas l’impression d’être un parent substitut.

« J’ai été la grande sœur, celle qui doit gérer, remplacer maman… et j’ai détesté ça, révèle Nerlande Gaëtan, qui a passé son enfance en Haïti. C’est pour ça que je suis très à l’écoute de mes grandes filles quand elles veulent une pause. […] Ma mère tenait trop pour acquis que j’allais m’occuper de mes petites sœurs. »

PHOTO FOURNIE PAR NERLANDE GAËTAN

Une partie des enfants de la famille de Nerlande Gaëtan

Pour Sandryne Pellerin et Carryanne Pépin, l’entraide vient également de leur entourage. Certains grands-parents sont très présents, mais aussi des parents des amis de leurs enfants. « Je ne sais pas comment on a fait pour vivre sans eux », affirme Carryanne Pépin en riant. Son quartier compte quelques familles nombreuses qui n’hésitent pas à s’échanger la tâche de reconduire les jeunes à leurs activités.

Mais selon elle, l’un des éléments les plus importants lorsqu’on a plusieurs enfants, c’est d’être capable de lâcher prise. « Il n’y a aucune place pour la rigidité, croit Carryanne Pépin. Descendre tes attentes, c’est primordial sur certaines choses [comme le ménage]. Ta vaisselle, c’est promis, elle va t’attendre. »

… et à l’action

Des compromis, de l’entraide, une bonne dose de lâcher-prise : on écoute les trois mères discuter et on se rend compte que leur réalité n’est pas si éloignée de celle de tous les parents. Est-ce très différent, être à la tête d’une famille nombreuse ? « J’ai trouvé la marche tellement plus haute de passer d’un enfant à deux. Quand on a eu notre deuxième, on dirait que là, mon cerveau apprenait pour la première fois à concilier deux enfants, deux prises de rendez-vous… Faire toute la gestion en double. […] On s’est trouvé une routine et quand le troisième est arrivé, c’est comme si ça n’a rien changé. Troisième, quatrième, cinquième, on dirait que tout était rodé », répond Sandryne Pellerin.

PHOTO FOURNIE PAR SANDRYNE PELLERIN

La famille de Sandryne Pellerin

Elle admet cependant qu’avec cinq enfants, les moments calmes sont rares. Bébé, sa plus jeune avait d’ailleurs besoin d’être entourée de bruits pour s’endormir.

On aime l’action et on s’adapte à toutes les situations.

Sandryne Pellerin

Nerlande Gaëtan est d’accord. Ancienne candidate à la mairie de Saint-Léonard, elle est très impliquée dans différents organismes, et ce, même si elle travaille aussi à temps plein. Elle aime quand ça bouge et entraîne ses filles avec elle dans ce mouvement perpétuel.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Nerlande Gaëtan

« Mes enfants sont partout. Elles sont tout le temps impliquées avec moi », affirme celle qui avoue avoir de la difficulté à s’arrêter.

Un peu à l’image de notre discussion entre mères, qui s’est finalement étirée sur plusieurs heures.

Étonnée que la matinée ait passé si vite, Sandryne Pellerin fait remarquer aux autres qu’il est rare de rencontrer des femmes de leur âge avec autant d’enfants. Elle a aimé échanger avec elles. Un plaisir partagé par Carryanne Pépin et Nerlande Gaëtan.

Lisez « L'enfant qu'on ne voit pas »

Trois questions sur leur rôle de mère

Avez-vous toujours voulu avoir plusieurs enfants ?

Moi et mon mari, on est ensemble depuis le secondaire. Dans son album de finissants, j’ai écrit, à la blague : ‟Tu es mieux de faire un gros salaire pour payer les broches de nos six enfants.” C’était une blague, mais là, on a le septième qui s’en vient.

Carryanne Pépin

Qu’est-ce que la maternité vous a apporté ?

Être maman, ça m’a fait extrêmement grandir. Ça m’a fait me remettre en question aussi. Qu’est-ce qui est important pour moi ? Qu’est-ce qui me fait du bien ? Si on ne fait pas attention à soi, ça va avoir un impact sur les enfants. […] Ça m’a appris à prendre soin de moi afin de leur apprendre à prendre soin d’eux.

Sandryne Pellerin

Quelle qualité doit-on avoir lorsqu’on est à la tête d’une famille nombreuse ?

La patience. Même si tu veux que tout aille vite, les enfants ont tous leur propre rythme. Il faut leur laisser le temps dont ils ont besoin.

Nerlande Gaëtan

En savoir plus
  • 21 %
    Proportion de familles qui ont trois enfants et plus, selon les données de 2022. En 2016, c’était 27 %.
    source : Institut de la statistique du Québec
    1,38
    Taux de fécondité chez les femmes au Québec, en 2023. Il se situe près du creux historique de 1,36 enregistré en 1987.
    source : Institut de la statistique du Québec
  • 77 950
    Nombre de bébés nés au Québec en 2023, en baisse de 3 % par rapport à 2022
    source : Institut de la statistique du Québec