«682 Jours» de Roselyne Bachelot, le récit d’une tata flingueuse et combattante inlassable de la culture - Le Parisien

«682 Jours» de Roselyne Bachelot, le récit d’une tata flingueuse et combattante inlassable de la culture

Roselyne Bachelot raconte ses presque deux ans passés comme ministre de la Culture lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron dans un livre à la fois sérieux et croustillant par ses saillies.

Roselyne Bachelot se livre avec humour sur ses deux années rue de Valois, notamment sur sa rencontre en 2020 avec Emmanuel Macron. (Illustration) LP/Fred Dugit
Roselyne Bachelot se livre avec humour sur ses deux années rue de Valois, notamment sur sa rencontre en 2020 avec Emmanuel Macron. (Illustration) LP/Fred Dugit

    Le 5 juillet 2020, Roselyne Bachelot, alors âgée de 73 ans, rencontre Emmanuel Macron qui lui confirme sa nomination au ministère de la Culture : « Chemise blanche sans col, il paraît encore plus jeunot que sur les photos avec sa mèche blonde, ses dents du bonheur et son regard bleu glacier. » C’est le ton de « 682 Jours » (éditions Plon, 288 pages, 20,90 euros), entre le journal, le vécu d’un ministère au jour le jour et l’analyse d’avoir essayé de porter un monde de la culture dévasté en pleine pandémie.

    Dans cet ouvrage, sous-titré « le Bal des hypocrites », l’ex-ministre ne règle aucun compte avec le président mais témoigne de la vie complètement folle dans un ministère alors que la tempête épidémique fait rage. Régler des problèmes, « c’est vider la mer à la petite cuillère », écrit-elle.

    « 682 Jours », le livre de Roselyne Bachelot aux éditions Plon.
    « 682 Jours », le livre de Roselyne Bachelot aux éditions Plon. DR

    Son franc-parler des « Grosses Têtes », émission dont elle est sociétaire, affleure souvent, quand elle parle d’un journaliste « qu’il faut se retenir de ne pas gifler », d’experts médicaux assimilés à « une camarilla » ou des « techno-sanitaro-cinglés » — oui, ces grands pontes que l’on écoutait religieusement à la télé à l’époque des applaudissements de 20 heures —, et explose dans son morceau de bravoure le récit de la soirée des Césars 2021.

    Un double crochet droite gauche pour Anny Duperey

    « Cela donne toujours à voir le même scénario : des messieurs dames dans des toilettes à plusieurs milliers d’euros, coiffés, chaussés, bijoutés et maquillés par les meilleurs professionnels de Paris, affichent leurs engagements politiques bien-pensants et accusatoires, parsèment leurs interventions de bons mots laborieux concoctés par un gagman épuisé, conchient le ministre recroquevillé sur son fauteuil comme un boxeur sonné au coin du ring puis se précipitent au Fouquet’s, dont on connaît les tarifs de restaurant ouvrier. »

    Elle rend les coups, Roselyne. Un double crochet droite gauche pour Anny Duperey, coupable de s’en être prise à elle et d’avoir cru à tort qu’elle avait quitté la cérémonie : « Après les aides auditives, elle pourrait se reconvertir dans les publicités pour lunettes. » Un uppercut maintenant : « Les gags de Blanche Gardin et de Laurent Lafitte étaient annoncés laborieusement par une Marina Foïs qui roulait des yeux exorbités comme si elle avait été sommée de jouer le rôle de l’animatrice ratée et totalement dépourvue de talent, un rôle de composition bien évidemment… » Un dernier direct : « Laure Calamy bafouilla dans le plus pur style César des années 1980. » On en passe.



    Mais on ne peut réduire « 682 Jours » à des portraits mordants d’un monde culturel que Roselyne Bachelot vénère — surtout l’opéra, l’art lyrique et le théâtre — et qui ne le lui a pas toujours rendu. Beaucoup de passages émouvants, son Covid grave — « Il y a comme un éléphant qui marche sur ma poitrine » — ou la restitution d’un tableau de Klimt aux héritiers juifs du propriétaire spolié, un combat dans lequel elle s’est engagée de toute son âme, en fille de résistants.

    Ce livre allègre passe de piques à des analyses fines de la politique, la vraie, l’invisible, les arbitrages ministériels au couteau dans des bureaux où les journalistes n’ont pas accès et où, là non plus, Roselyne Bachelot ne se laisse pas mettre KO. Les vrais hypocrites, pour elle, ce sont ces hommes, parfois ministres ou conseillers de l’ombre, qui n’ont pas compris que la septuagénaire n’avait pas besoin, elle, d’un appareil auditif : « Qu’est-ce qu’elle fout là, Bachelot ? » dit l’un à une réunion. Elle écoute, et elle balance.