ELLE. - La séance photo pour ce numéro s’est déroulée à Hossegor, quel est votre rapport à l’océan ?

Estelle Lefébure. -C’est une passion, mon élément depuis toute petite. J’ai grandi pas loin de la mer, sur les côtes normandes. Le bruit des vagues a bercé mon enfance. Aujourd’hui, je passe du temps sous la mer ! J’ai commencé la  plongée sous-marine à 23 ans et je descends à quarante mètres de profondeur. J’ai fait un voyage récemment aux  Philippines, la biodiversité y est extraordinaire.

ELLE. - Justement, vous avez créé une association pour protéger les océans, de quoi s’agit-il ?

E.L. -Elle s’appelle Spero Mare. On peut le traduire de deux façons, soit l’espoir de la mer ou la mer, notre espoir. Elle oeuvre pour la protection et la sauvegarde de la faune et de la flore marines. Nos actions se passent généralement sur le terrain, en ramassant des déchets sur les plages ou alors sous l’eau, surtout en Méditerranée. Et on organise aussi des opérations de sensibilisation dans les écoles.

Je suis une vraie rurale, pas du tout une citadine

ELLE. - L’écologie, c’est quelque chose auquel vous êtes sensible depuis longtemps ?

E.L. -Ma prise de conscience date d’il y a longtemps, lorsque j’habitais en Californie. C’est paradoxal : les États-Unis sont un pays très pollueur, mais on y a trouvé des supermarchés bio bien avant qu’il y en ait en France. Très tôt, j’y ai acheté des produits non testés sur les animaux.

ELLE. - Quel est votre rapport à la nature ?

Estelle Lefébure © Jan Welters

Estelle Lefébure © Jan Welters

E.L. - Je suis une vraie rurale, pas du tout une citadine. En fait, je n’aime pas la ville. J’ai grandi en face d’une ferme, j’allais chercher le lait… Je suis proche des animaux, en particulier les chevaux. La maison de mes parents en Normandie, c’est mon ancrage, l’endroit où je me ressource. Elle a vu trois mariages, deux baptêmes. Une de mes filles a appris à marcher là-bas, moi aussi.

ELLE. - À quoi ressemblent vos vacances rêvées ?

E.L. -Elles sont en famille ! Ce sont des moments importants où l’on peut se retrouver. Ce n’est pas toujours facile de réunir ses trois enfants quand deux sont déjà adultes.

ELLE. - Que trouve-t-on dans votre valise ?

E.L. -Des casquettes, des chapeaux, c’est indispensable ! Un bon écran total. Et des livres, bien sûr.

ELLE. - Quel est votre plus beau souvenir de vacances ?

E.L. -Ma mère, qui était coiffeuse, travaillait énormément, du coup, elle m’envoyait chez sa meilleure amie en Guadeloupe. Je partais en avion, seule. C’était génial, cette femme avait un restaurant. Je me baladais dans ce resto, je servais de temps en temps. Toute petite, j’ai goûté la cuisine créole. J’ai vraiment un lien particulier avec les Antilles.

ELLE. - Vous avez écrit plusieurs livres sur le bien-être ; quel est le secret de votre équilibre aujourd’hui ?

E.L. -Cela reste le mantra de mon premier ouvrage : être, manger, bouger. Ce sont mes trois axes essentiels, même si la partie « Être » prend le dessus au fil des années. Si on accorde trop de place au paraître, on va finir par se sentir mal et, même jeune, je pense que ça vaut le coup de s’en défaire rapidement. Il y a énormément de choses à apprendre sur soi pour pouvoir ensuite rayonner. 

ELLE. - Côté nutrition, vous avez toujours cuisiné ? 

E.L. -Oui, même à 20 ans. C’est quelque chose que ma maman m’a transmis, elle était très bonne cuisinière. Ma grand-mère maternelle était boulangère-pâtissière ; un de mes oncles a travaillé chez Lenôtre. Bien manger, c’est une histoire de famille.

Je préférais profiter des réunions de famille plutôt que de faire des photos à l’autre bout de la planète

ELLE. - Reste le troisième axe, bouger. Vous avez une routine sportive exigeante ?

E.L. -Pas vraiment, je vais plutôt écouter mon corps ; avec l’âge, je ne fais plus les mêmes choses. Le fitness, le sport en salle, ça m’ennuie vite. Aujourd’hui, il faut que cela me procure du plaisir, de la détente. Mon truc, c’est la marche rapide, faire de grandes balades en forêt. Je monte toujours beaucoup à  cheval. Ça, c’est un vrai sport intensif !

ELLE. - Vous dégagez l’image d’une personne très saine. Vous ne faites jamais d’excès ?

E.L. -Non, très peu. Je peux prendre un verre de vin de temps en temps, et je n’ai jamais touché aux substances illégales. [Rires.] Il est vrai qu’à certains moments, lorsque j’évoluais dans le monde de la mode, je me sentais hors ligne. Je n’étais pas dans le moule ; j’avais envie de rentrer chez moi et pas forcément de faire la fête après la séance photo. En même temps, je me suis mariée à 23 ans, je préférais profiter mon mari, de ma maison. Et à 29 ans, j’ai eu ma première fille. J’ai vite compris que, pour mon équilibre, ma vie privée devait être aussi riche que ma vie professionnelle. J’ai refusé certains projets pour être présente. Je préférais profiter des réunions de famille plutôt que de faire des photos à l’autre bout de la planète. Avec un peu de recul, je ne regrette pas ce choix.

ELLE. - Et d’ailleurs, vous travaillez toujours !

E.L. -Oui, j’ai la chance de faire partie de ce groupe de top models qui travaillent encore. Et d’ailleurs, je suis heureuse d’être l’égérie de la marque Mixa depuis près de vingt-huit ans. Que ce soit Cindy Crawford, Helena Christensen ou Christy Turlington, on s’est toutes reconverties dans le domaine de la beauté, du bien-être, on s’implique dans des associations. Vieillir, c’est aussi grandir !

ELLE. - Parmi ces mannequins, vous avez perdu une amie…

E.L. -C’est encore très douloureux. Malgré la distance, j’étais restée très proche de Tatjana Patitz, on avait la même passion des chevaux, de la campagne. On parlait le même langage.

ELLE. Que diriez-vous à la Estelle de 20 ans ?

E.L. -Je lui dirais : « Fonce, profite et croque la vie à pleines dents parce que ça va vite. » Et aussi : « Fais confiance à ton instinct », parce que je l’ai souvent suivi, et je ne le regrette pas. Même si j’ai fait des erreurs, des choix qui n’étaient pas forcément les bons, j’ai appris de mes échecs. C’est un passage obligé.

ELLE. - Vous avez 57 ans, sentez-vous une évolution positive dans le regard que la société porte sur les femmes qui ont passé 50 ans ?

Estelle Lefébure © Jan Welters

Estelle Lefébure © Jan Welters

E.L. -Oui, ça change. On peut très bien avoir le premier rôle d’une série à 55 ou 60 ans, et c’est fabuleux ! En revanche, en France, on continue à mettre les personnes dans des cases. Moi, je suis dans la case mannequin, et c’est compliqué d’en sortir. J’ai joué pour la première fois dans un film en 2005, ça a pris un temps fou ! J’ai fait beaucoup d’essais avant, dont ceux pour « Cyrano de Bergerac », de Rappeneau. Mais je pense que les producteurs se sont dit « C’est qui, cette fille ? », et ils ont préféré Anne Brochet, qui sortait du Conservatoire. Peu de temps après, j’ai passé le casting pour le film de Nicole Garcia « Un week-end sur deux », et c’est Nathalie Baye qui a eu le rôle.

Vraiment, toute ma vie a été mise en couverture de ELLE

ELLE. - Aujourd’hui, vous jouez au théâtre…

E.L. -C’est une vraie aventure, on se lance sur scène sans aucun filet. J’ai fait aussi quelques apparitions dans des séries télé. Même si les univers restent encore très cloisonnés, je n’abandonne pas ! Je travaille dur, je n’ai pas peur de faire des essais pour convaincre. Quand les réalisateurs ou les décisionnaires voient mes essais, ils sont souvent surpris de voir l’actrice, et pourtant j’ai enchaîné des tournages et deux pièces à succès, « L’Invitation » et « Les Grandes Ambitions ». J’ai écrit un synopsis pour une minisérie. On est en train de le proposer…

ELLE. - Vous êtes grand-mère depuis peu, c’est un rôle qui vous plaît aussi ?

E.L. -C’est fabuleux. J’ai un fils de 12 ans et un petit-fils de 1 an. Ce mélange d’enfants, c’est un pur bonheur ! Mais c’est quand même assez différent, on n’a pas les mêmes obligations et je veille à respecter la façon dont Ilona éduque son fils. Les parents d’aujourd’hui sont très avertis. Ilona s’est énormément renseignée. Elle a eu une sage-femme incroyable, elle a adopté ce côté new age, hyper nature, très écolo. Alors, je n’achète que des jouets en bois ! Chez elle, tout est fait maison et bio. Les petits pots sont bannis. Je trouve ça génial !

ELLE. - Une dernière question : savez-vous que vous détenez le record du nombre de couvertures de ELLE ?

E.L. -Je crois que je suis quasiment à quarante couvertures, depuis la première, en 1985. J’ai énormément partagé de ma vie dans ce magazine : mon premier mariage, ma grossesse, la photo avec ma première fille, avec ma seconde fille, celle où j’avais les deux dans les bras, puis mon divorce. Vraiment, toute ma vie a été mise en couverture de ELLE. C’est une belle histoire d’amour et de fidélité qui continue…