Scandale McKinsey : cinq questions pour comprendre cette polémique

Le cabinet de conseil américain McKinsey, sollicité par l'État, est au cœur d'une polémique. Il est accusé notamment de ne pas avoir payé l'impôt sur les sociétés pendant 10 ans.

Suspecté d'optimisation fiscale, le cabinet de conseils McKinsey est dans le viseur du Sénat
Suspecté d’optimisation fiscale, le cabinet de conseils McKinsey est dans le viseur du Sénat (©Illustration Adobe Stock)
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Un cabinet de conseil qui murmure à l’oreille d’Emmanuel Macron. Une expertise payée des millions d’euros. Une suspicion d’évasion fiscale. 

Voici, en substance, le scandale McKinsey qui éclabousse la majorité présidentielle depuis plusieurs mois.

Qu’est-ce que McKinsey ? 

Surnommé « La firme », McKinsey est un cabinet de conseil américain privé qui possède deux bureaux en France : Lyon et Paris.

Sur son site internet, il est indiqué qu’il « aide ses collaborateurs à réaliser pleinement leur potentiel et compte parmi ses alumni, nombre de dirigeants de grands groupes comme de startups en plein essor ». Comprenez des entreprises mais aussi des chefs d’États. 

La plupart du temps, ces experts agissent dans l’ombre et peuvent apporter à leurs clients, des recommandations ou même participer à la mise en place de projets. 

À titre d’exemple, l’expertise de McKinsey a été sollicitée dans le cadre de la réforme du calcul des APL. Cette dernière a été reportée à plusieurs reprises en raison des « lacunes informatiques de la Caisse National des Allocations Familiales puis de la crise sanitaire », indique la Commission d’enquête du Sénat. En février 2020, le cabinet dresse ainsi une série de mesures pour respecter le calendrier de la réforme (qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2021, Ndlr).

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Coût total de l’opération : 3,88 millions d’euros.

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Pourquoi a-t-on commencé à parler de McKinsey ? 

Accenture, McKinsey, Bain, Boston Consulting Group… Les cabinets de conseil ont, depuis des années, été sollicités par l’État afin de les guider dans certains dossiers stratégiques. Là où le bât blesse, c’est que ces sollicitations auraient explosé sous le quinquennat d’Emmanuel Macron, notamment pendant la crise sanitaire

Ce qui a réellement mis le feu aux poudres ? Le rapport de la Commission d’enquête du Sénat, publié le 16 mars 2022, dénonçant des recours « tentaculaires » aux cabinets de conseil.

En 2021, les dépenses de conseil de l’État au sens large ont dépassé le milliard d’euros, dont 893,9 millions pour les ministères.

Commission d'enquête du Sénat

Et d’indiquer : « recourir à des consultants est devenu un réflexe, y compris pour les principales réformes du quinquennat ».

Dans le viseur des sénateurs figure en haut du podium McKinsey, le cabinet qui s’est sans doute payé la plus grosse part du lion puisque l’État aurait dépensé au total 12.33 millions d’euros pour ses services pendant la crise sanitaire

Déjà en janvier 2021, le Canard Enchaîné, Mediapart, le Point et le site Politico révélaient que plusieurs cabinets, dont McKinsey, avaient été requis par le gouvernement pour des conseils en lien avec la stratégie vaccinale

Parmi les « missions » de McKinsey figurait la mise en place d’une « tour de contrôle stratégique » à Santé publique France (605 000 euros).

À l’époque, Olivier Véran, ministre de la Santé, s’était défendu face aux Sénateurs : « À aucun moment, McKinsey ne m’a fait prendre une décision en lien avec la crise sanitaire ou la campagne vaccinale. »

Quelle est la polémique aujourd’hui ? 

Mais il y a aussi, une affaire dans l’affaire. Pour cause : McKinsey est suspecté de ne pas avoir payé l’impôt sur les sociétés (IS) et ce, pendant 10 ans, indique le rapport du Sénat. 

Pourtant, « son chiffre d’affaires sur le territoire national atteint 329 millions d’euros en 2020, dont environ 5% dans le secteur public », insistent les sénateurs dans un document envoyé à l’AFP. « Il semble qu’il s’agisse d’un exemple caricatural d’optimisation fiscale. »

Pour arriver à ce constat, les sénateurs ont contrôlé plusieurs pièces au sein du Ministère de l’Économie.  

Entendu à ce sujet le 18 janvier 2022, Karim Tadjeddine, l’un des directeurs associés de McKinsey en France, a martelé l’inverse :

Je le dis très nettement : nous payons l’impôt sur les sociétés en France et l’ensemble des salaires sont dans une société de droit français qui paie ses impôts en France.

Karim TadjeddineDirecteur associé McKinsey

Vendredi 25 mars, les sénateurs ont saisi la justice, à la suite de l’enquête du Sénat et des propos du directeur associé, pour « suspicion de faux témoignage« .

Que dit McKinsey ?

Le lendemain, samedi 26 mars, McKinsey s’est fendu d’un communiqué de presse dans lequel il assure avoir payé plus de 422 millions d’euros d’impôts et de charges sociales entre 2011 et 2021.

Toutes les entités de McKinsey en France sont assujetties à l’impôt sur les sociétés. Ainsi, sur la même période, sa filiale de mise en œuvre a payé 6 ans l’impôt sur les sociétés.

McKinsey

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Que répond Emmanuel Macron ? 

En pleine campagne présidentielle, le président-candidat Emmanuel Macron a balayé du revers de la main le dossier : « s’il y a eu manipulation, que ça aille au pénal », a-t-il lâché dimanche 27 mars sur France 3. « On a l’impression qu’il y a des combines, c’est faux. Aucun contrat n’est passé dans la République sans qu’il respecte la règle des marchés publics​. »

La semaine dernière, Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, assurait qu’il ne s’agissait pas d’un scandale. « Ça fait des décennies que c’est utilisé (les cabinets de conseil, Ndlr), dans tous les pays », lançait-il sur RMC.

Il n’en fallait pas moins pour que les candidats à la présidentielle s’engouffrent dans cette brèche. Jean-Luc Mélenchon parle d’emblée d’un « scandale d’état ». Un terme repris également par Marine Le Pen et Eric Zemmour.

De son côté, Yannick Jadot dénonce « une dérive totale de la place des cabinets de conseil, y compris américains, qui sont au cœur des politiques publiques françaises ».

Une importante polémique donc qui pourrait bien se transformer en scandale d’État, à moins de 15 jours du premier tour de l’élection présidentielle.

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