Le jour où le maréchal Ney s’est caché à Saint-Alban-les-Eaux - Roanne (42300)
Histoire

Le jour où le maréchal Ney s’est caché à Saint-Alban-les-Eaux

Le jour où le maréchal Ney s’est caché à Saint-Alban-les-Eaux
Le maréchal Michel Ney, de la gloire au déshonneur ! © Nomade Jean-Paul
En fuite pour la Suisse, Michel Ney s’est réfugié quelque temps au Grand hôtel, à Saint-Alban-les-Eaux.

Engagé volontaire en 1788, général en 1796, surnommé « le brave des braves », le maréchal Ney est l'un des plus célèbres maréchaux de l'Empire. Duc d'Elchingen (1805) et Prince de la Moskova (1812), c'est un fidèle de l'Empereur. Ney participe à presque toutes les campagnes napoléoniennes. Surnommé « l'infatigable », Ney est blessé, mais il protège la Grande Armée lors de la campagne de la Bérézina. Il participe à la bataille de Leipzig, puis à la campagne de France qui sonne la défaite de l'Empereur face à l'Europe coalisée.

Le Maréchal Ney est désigné comme traître pour avoir rejoint Napoléon 1er

À Fontainebleau, Ney fait partie des généraux qui pressent Napoléon d'abdiquer. Il abandonne Napoléon et se rallie à Louis XVIII, qui le comble d'honneurs et le nomme Pair de France… Trahison, opportunisme, le vent a tourné comme disait Edgar Faure ! Mais l'Empereur revient pour les Cent Jours et débarque à Golfe-Juan. Ney promet au Roi de ramener Napoléon « dans une cage de fer » ! En fait, il se rallie à son Empereur le 18 mars 1815 à Auxerre après une déclaration fracassante, « La cause des Bourbons est à jamais perdue… ».

À Waterloo, sa tactique est très discutée et conduit à la défaite

L'entrevue avec Napoléon est orageuse ! À Waterloo, sa tactique est très discutée et conduit à la défaite… Napoléon et Ney battent en retraite ; l'épopée est finie. Ney est détesté ou admiré ! En effet, Ney est désigné, parmi une liste de 110 noms, comme traître pour s'être remis au service de Napoléon I er avant le 20 mars 1815 (date à laquelle Louis XVIII avait quitté la capitale). Désormais proscrit, il doit se cacher.Proscrit, en fuite pour la Suisse, le Prince de la Moskova se cache à Saint-Alban-les-Eaux, mais il est reconnu.

Le maréchal Louis-Nicolas Davout, duc d'Auerstadt, prince d'Ecmülh, commandant général de l'armée après le désastre de Waterloo, lui a remis un billet signé notifiant « un congé illimité » et Joseph Fouché, ministre de la Police, un passeport au nom de Michel-Théodore de Neubourg.

Arrivé à Lyon, les routes sont surveillées par les troupes d'occupation, le passage en Suisse est impossible.

Reconnu au Grand hôtel de Saint-Alban

Nous connaissons à peu près les circonstances de son arrivée dans le village de Saint-Alban-les-Eaux. Interrogé le 14 septembre 1815, Ney raconte :

« J'ai quitté Paris le 6 juillet, à l'entrée des alliés dans la capitale. Mon intention était de me rendre en Suisse : j'avais des passeports du ministre de la police générale et un congé illimité du ministre de la guerre, qui m'autorisait à me rendre dans ce pays pour y rétablir ma santé. J'avais appris en route que Lucien Bonaparte, qui avait passé par Lyon, avait dîné chez le général en chef de l'armée autrichienne, comte de Bubna, et probablement, sur le rapport qu'il a fait du passage de ce personnage, il avait été arrêté à Turin.

Le commissaire général de police de Lyon me prévint qu'il était à craindre que je ne fusse arrêté par les Autrichiens, et me conseilla d'aller aux eaux minérales de Saint-Alban, près Rouanne (sic).

Le commissaire général de police de Lyon étant venu me rendre visite, me prévint que toutes les routes qui conduisaient en Suisse étaient gardées par les Autrichiens ; qu'il était à craindre que je ne fusse arrêté par eux, et me conseilla ou de leur demander des passeports, ou d'aller aux eaux minérales de Saint-Alban, près Rouanne (sic), en attendant des nouvelles de Paris ; à quoi je répondis que s'il n'y avait pas sûreté pour moi d'aller en Suisse, je préférais rétrograder sur Paris. »

Reconnu par un jeune officier de marine

D'après Abel Chorgnon (fondateur avec son père du Journal de Roanne), Ney, qui réside au Grand Hôtel, est reconnu par un jeune officier de marine, Augustin Jal, qui décrit Ney : « Je me trouvais en présence d'un homme de taille moyenne, vêtu d'une longue redingote d'un drap couleur de noisette, et qui se promenait un livre à la main. Jal en parle à son père : "J'étais ému" ; mon père ne fut pas sans le remarquer.

- Eh bien, me dit-il, qu'as-tu donc ?

- Votre comte de Neubourg que je viens de voir, savez-vous qui il est ? Peut-être…, c'est…. C'est le maréchal Ney ! »

"Ney était très préoccupé des dangers qui menaçaient l'indépendance nationale, très peu des siens propres. Une fatalité déplorable semblait l'entraîner à sa perte."

Jean-Jacques Baude (sous-préfet)

Le jeune homme (parent du directeur de l'établissement de bains), accompagné de son père, va à sa rencontre. Ils s'entretiennent avec le maréchal. Puis M. Lorange, percepteur à Saint-André-d'Apchon, l'incite à se cacher. Ney refuse et avertit le sous-préfet Jean-Jacques Baude, qui a quitté Saint-Étienne le 16 juillet pour revenir sur Roanne. Accompagnés du général Chabert, ils rejoignent Ney avec « deux feuilles de passeport ».

D'après les souvenirs de Baude : « Il était très préoccupé des dangers qui menaçaient l'indépendance nationale, très peu des siens propres. Une fatalité déplorable semblait l'entraîner à sa perte. Il avait dix voies pour se sauver et n'en voulut prendre aucune. Il partit dans la nuit. »

Ney échappe 
à ses poursuivants

La présence à Saint-Alban du sous-préfet Jean-Jacques Baude (homme politique sulfureux qui deviendra préfet de police de Paris - Le Pays du 10 décembre 2020) n'est pas une coïncidence : Ney a bénéficié de complicité et de soutien pour échapper à ses poursuivants.

Il laisse sur sa banquette le sabre turc que lui a offert l'Empereur pour son mariage

Il trouve refuge chez la cousine de son épouse, au château de Bessonies. Le 29 juillet 1815, Ney arrive donc aux confins du Lot et du Cantal dans un vieux château maltraité par la Révolution. Pour les serviteurs, Ney est devenu M. d'Escaffre et ne sort de sa chambre que pour les repas. La légende raconte qu'il commit l'imprudence de laisser sur sa banquette le sabre turc que lui a offert l'Empereur pour son mariage, ce qui le fit repérer puis dénoncer.

Dernier refuge, arrestation et exécution

Le 3 août, dès la pointe du jour, 14 gendarmes cernèrent le château. Ney se livra sans aucune résistance et le 4 août, il fut enfermé à l'Hôtel de Ville d'Aurillac avant d'arriver à Paris, sous escorte, le 19 août 1815.

Soldats, droit au cœur !

Traduit devant la cour des Pairs, il est condamné à mort et fusillé le 7 décembre à neuf heures du matin près de l'observatoire du jardin du Luxembourg. Selon une belle légende, devant le peloton d'exécution, il aurait même eu le cran de commander : « Soldats, droit au cœur ! »

Mais où repose le corps du maréchal Ney ?
Le corps du maréchal a été enterré, de nuit et en toute discrétion, au cimetière du Père-Lachaise. Sa sépulture devient un lieu de pèlerinage. En 1903, sa sépulture est transférée à l’emplacement actuel dans la 29e division et un nouveau monument est construit.
Lors du relèvement, le cercueil aurait été retrouvé vide. Les hypothèses les plus fantaisistes circulent : le maréchal n’aurait pas été exécuté ; les balles étaient à blanc et avec la complicité des francs-maçons (la tradition voulant que l’on laisse le corps à terre pendant un quart d’heure), Ney aurait pu rejoindre les États-Unis. D’ailleurs, un Américain, Peter Stuart Ney, Français d’origine, prétendra, jusqu’à sa mort, en 1846, être le maréchal Ney.

Jean-Paul Nomade


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