Les femmes qui ont marqué la Bretagne. 3. Louise de Keroual, favorite de Charles II | Le Télégramme

Les femmes qui ont marqué la Bretagne. 3. Louise de Keroual, favorite de Charles II

Par Erwan Chartier-Le Floch

Issue de la petite noblesse du pays de Brest, Louise de Keroual a eu un destin peu ordinaire. Dame de compagnie de la belle-sœur de Louis XIV, elle est envoyée en Angleterre dans le but de conquérir le cœur de Charles II Stuart. Son fils, bâtard royal, se verra attribuer les terres de Richmond, dans le Yorkshire, ancien fief des ducs de Bretagne.

Louise de Keroual, née Louise-Renée de Penancoët. Photo DR
Louise de Keroual, née Louise-Renée de Penancoët. Photo DR

Pour nombre de chroniqueurs anglais du XVIIe siècle, Louise de Keroual reste la « putain française », la favorite de l’un des derniers Stuart dans une Grande-Bretagne alors très puritaine. De surcroît, elle aurait réussi à convaincre son amant de se convertir au catholicisme à la fin de sa vie et à influencer la couronne anglaise pour qu’elle reste l’alliée de Louis XIV contre les Néerlandais et Guillaume d’Orange. 

Quel destin pourtant que celui de cette jeune demoiselle, née Louise-Renée de Penancoët (le « bout du bois » en breton) de Keroual, en 1649, dans le manoir éponyme de Guilers. 

Au service de « Madame »

 Sa famille appartient à la noblesse du Léon, fière de son histoire et de ses aïeux, mais dont les revenus sont peu en rapport avec ses ambitions. La jeune fille reçoit une pieuse éducation, particulièrement à Sainte-Ursule de Lesneven. La jolie adolescente est remarquée par le duc de Beaufort, grand maître de la navigation et cousin du roi. Il la courtise, mais elle résiste. Point trop rancunier ou calculateur, il lui trouve une place de dame de compagnie auprès de « Madame », Henriette d’Angleterre, duchesse d’Orléans et belle-sœur du jeune roi de France Louis XIV.

 « Madame » occupe une place particulière à la cour de France. Exilée pendant la révolution de Cromwell, elle a connu les princes français dans son enfance et son adolescence. En 1660, avec le retour des Stuart sur les trônes d’Écosse et d’Angleterre, elle est mariée à Philippe d’Orléans qui n’est guère intéressé par les femmes. En revanche, le frère de Philippe, le jeune Louis XIV est séduit par la princesse anglaise. « Madame » a sans doute été la maîtresse du roi de France et elle constitue un enjeu diplomatique majeur depuis que son frère, Charles II Suart, est devenu le roi Charles II d’Angleterre. 

En 1669, Louise de Keroual devient donc sa demoiselle d’honneur. Louis XIV remarque les charmes de la jeune Bretonne - tous les observateurs de l’époque reconnaissent la beauté de Louise -, mais plutôt que d’y goûter, il préfère les utiliser. Quelques mois plus tard, en effet, « Madame » est chargée d’une importante mission diplomatique auprès de son frère. La réception est fastueuse et Charles II Stuart accepte de se rapprocher de la France, recevant une aide financière et militaire de Versailles. Le Stuart n’est pas non plus insensible à Louise, la jolie dame de compagnie de sa sœur Henriette que l’on envoie offrir un présent au souverain. En la voyant, Charles II aurait déclaré : « Voici le seul bijou que je désire ! » 

La cour de Londres 

« Madame » décède quelque temps après son succès diplomatique. Bien informé et soucieux de ne pas rompre les liens avec Londres, Louis XIV persuade Louise de Keroual de traverser à nouveau la Manche. Charles II est ravi et l’installe dans un grand appartement dans le palais de Whitehall. Pendant près d’un an, il vient faire sa cour à la jeune Bretonne qui résiste à ses avances. Louise de Keroual est en effet très pieuse. De plus, elle est dame de compagnie de Catherine de Bragance, l’épouse que Charles II délaisse car elle ne lui donne pas d’enfants. 

Louis XIV finit par s’impatienter. « Conseillez à cette demoiselle de consentir tout ce que le roi désire », écrit-il à son ambassadeur à Londres. C’est chose faite en octobre 1671, lors d’une réception à Euston, par la comtesse d’Arlington, Charles II se présente seul et rejoint la belle Bretonne. Un simulacre de mariage est organisé avec Louise. La nuit de noces est en revanche plus concrète et Louise devient la favorite du roi. 

Agent d’influence 

En 1672, Louise de Keroual donne un fils au roi : Charles Lennox. Le souverain adore l’enfant qu’il crée, en 1675, duc de Richmond. Louise devient duchesse de Portsmouth et baronne. Elle dispose de plusieurs dizaines de milliers de livres de revenus. Plus important, jusqu’à la mort du roi en 1685, elle conserve une oreille attentive auprès du souverain, même si ce dernier a d’autres maîtresses. 

Plus qu’une espionne de la France, Louise de Keroual est un agent d’influence de Louis XIV et de Rome. On murmure en effet que c’est elle qui aurait persuadé Charles II de revenir au catholicisme à la fin de ses jours. Ce qui lui vaut de nombreuses jalousies et inimitiés à Londres. 

Après la mort de Charles II, Louise de Keroual revient en France. Depuis un an, Louis XIV l’a faite duchesse d’Aubigny, un fief dans le Berry qui était autrefois la terre des Stuart en France. En 1684, elle a également acheté le château de Trémazan, à Landunvez, en Bretagne. 

Elle s’éteint à Paris en 1734, au terme d’une vie bien remplie, laissant une descendance souvent prestigieuse, parmi laquelle on recense la princesse Lady Di, donc les actuels princes royaux, ou la chanteuse Jane Birkin. 

Pour en savoir plus

- Alain Boulaire, « Louise de Keroual », Brest, Editions du Télégramme, 2011. 

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- Joël Raguenes, « Lady Louise, le roman de Louise de Keroual », Paris, J.-C. Lattès, 2006.

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