Zazie dans le m�tro - Raymond Queneau - Babelio
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EAN : 9782070361038
186 pages
Gallimard (19/05/1972)
  Existe en �dition audio
3.59/5   3173 notes
R�sum� :
- Zazie, d�clare Gabriel en prenant un air majestueux trouv� sans peine dans son r�pertoire, si �a te pla�t de voir vraiment les Invalides et le tombeau v�ritable du vrai Napol�on, je t'y conduirai.
- Napol�on mon cul, r�plique Zazie. Il m'int�resse pas du tout, cet enfl�, avec son chapeau � la con.
- Qu'est-ce qui t'int�resse alors ?
Zazie r�pond pas.
- Oui, dit Charles avec une gentillesse inattendue, qu'est-ce qui t'int�resse ?
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Critiques, Analyses et Avis (208) Voir plus Ajouter une critique
3,59

sur 3173 notes
� - Tu causes, tu causes, c'est tout ce que tu sais faire. �

Remarque la plus pertinente du livre. Remarque qui s'adresse � tous les personnages de Zazie dans le m�tro. A part causer, ils ne font pas grand-chose. L'intrigue est r�duite � peau de chagrin, rythm�e uniquement par les rencontres de Zazie, petite provinciale venue passer quelques jours chez son oncle � Paris, et par le spectre fascinant du m�tro.


Ce n'est �videmment pas la l�g�ret� de l'intrigue qui d�finit ou non la qualit� d'un roman. Un livre peut �tre excellent, m�me s'il est b�ti autour du n�ant. En r�alit�, Zazie dans le m�tro peut se targuer d'aligner quelques aventures (insignifiantes), mais tout bien r�sum�, les personnages se contentent surtout de brasser de l'air et de parler dans le vide.
Se souviendrait-t-on encore de ce roman s'il n'avait pas �t� adapt� en version cin�matographique par Louis Malle ? Qu'est-ce qui justifie le succ�s de ce livre, sinon cette adaptation ? Les engouements sont parfois injustifi�s, et tiennent plus de la liesse populaire que de la v�ritable r�v�lation litt�raire.


Bien que Raymond Queneau soit membre de l'Oulipo, prolifique et passionn� des mots, il faut avouer que sa capacit� � donner un int�r�t dramatique � Zazie dans le m�tro est nulle, de m�me pour sa capacit� � susciter la r�flexion. Tout l'�tonnement du livre surgit de la manipulation originale des mots. Se glissant dans la peau d'une provinciale perdue dans la capitale, Raymond Queneau joue avec les mots et leur phon�tique, n'h�sitant pas � se faire l'auteur de n�ologismes inventifs qui traduisent toute la na�vet� de Zazie. Les dialogues, � tonalit� orale, b�n�ficient d'une dynamique parfois presque �puisante, mais qui traduisent la passion communicative de Queneau pour les �changes verbaux consid�r�s comme une joute oratoire.


Pour autant, cette inventivit� litt�raire ne m�rite pas � elle seule de justifier l'attrait immod�r� que peut susciter Zazie dans le m�tro. Dans le m�me registre, Orange m�canique de Burguess m�riterait tout autant (voire davantage) qu'on parle de lui. Alors ? Alors Raymond Queneau a su trouver le bon dosage des ingr�dients constitutifs de son livre : quelques aventures pas trop casse-t�te, de l'humour l�g�rement vache mais surtout bon enfant et deux-trois trouvailles stylistiques qui rassurent quant au caract�re intellectuel de la lecture. Malheureusement, le dosage ne permet pas au livre de s'inscrire d�finitivement dans le cerveau de son lecteur. Place au film peut-�tre ?

Lien : http://colimasson.over-blog...
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De ma lecture d'adolescente, je n'avais retenu que l'histoire d'une fillette un peu trop d�vergond�e, n'ayant pas froid aux yeux et employant un langage de charreti�re... Un peu une Fifi Brindacier parisienne quoi!
Mais, sous ce vernis �dulcor� par les truculentes expressions argotiques de Queneau, se cache une sorte de "road movie" dans la ville de Paris o� Zazie, au fil des rencontres et des exp�riences qu'elle va vivre sur � peine deux jours, va m�rir et devenir "adulte"...

Tout commence � la gare d'Austerlitz o� Jeanne Laloch�re qui a un nouveau jules confie sa fille, Zazie, � son fr�re, Gabriel, un colosse au grand coeur, le seul homme en qui elle peut avoir confiance... D�s le d�part, la fillette surprend par son langage ch�ti� et ses mani�res de gar�on manqu�. Provinciale, l'enfant ne r�ve que d'une chose: voir le m�tro mais, malheureusement, celui-ci est en gr�ve... le lendemain, elle part � la d�couverte de Paris... Pas facile pour son oncle et ses compagnons de la suivre, surtout qu'elle crie au satyre comme on crie au loup et place des "mon cul" � la fin de chacune de ses phrases! Faut dire qu'elle a des circonstances att�nuantes...

Comment qualifier cette re-lecture? Surprenante, haletante et quelque peu ardue...
Surprenante car j'avais compl�tement oubli� tout cet aspect initiatique du roman de Queneau. En bousculant les adultes, Zazie souligne leurs incoh�rences et essaie de comprendre ce qui se cache derri�re leurs non-dits. Tout au long du r�cit, elle s'interroge �norm�ment sur la sexualit� et se demande si son oncle est un "hormosessuel" et ce que cela signifie...
Haletante car, de r�partie en r�partie, le rythme est assez effr�n�... Cela s'apparente � une pi�ce de th��tre o� les sc�nes se suivent sans moment creux et o� l'on passe rapidement d'un d�cor � un autre... Les r�pliques sont savoureuses et les personnages ont du r�pondant. Gabriel, en ange gardien, se mue, � plusieurs reprises, en philosophe...
Quelque peu ardue enfin, car, il faut se familiariser avec ce langage propre � Queneau, m�lange d'argot, de langage populaire, de n�ologismes et de termes savants... Heureusement que j'avais internet � port�e de main!
Bref, un livre, un VRAI, qui permet des lectures plurielles selon les �ges...
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"- Il s'appelle Trouscaillon ! S'�cria Zazie, enthousiasm�e.
- Eh bien moi, dit la veuve en rougissant un tantinet, je m'appelle madame Mouaque.
Comme tout le monde, qu'elle ajouta."

Oui... sauf que dans la r�alit� quenesque, il ne s'appelle pas seulement Trouscaillon, mais aussi P�dro-surplus, ou Bertin Poir�e. Et c'est un flic. Ou un satyre.
En tout cas, il cause. Comme tout le monde.
... ils causent tous �norm�ment, d'ailleurs, dans ce livre; je dirais m�me que "c'est tout ce qu'ils savent faire" !

J'ai gard� "Zazie" longtemps sous la main, afin de trouver un bon moment pour en profiter. Mais en commen�ant, j'avais une f�cheuse impression que c'est le plus mauvais Queneau que j'ai jamais lu. C'�tait un peu comme quand vous attendez toute l'ann�e l'arriv�e de l'�t�, et apr�s vous r�lez, parce qu'il fait beaucoup trop chaud...
Ce n'est pas une histoire d'une petite fille espi�gle qui visite son tonton (qui est une tante ?) � Paris, et qui veut voir le m�tro (qui est en gr�ve).
Zazie est une d�sagr�able peste.

Et j'ai d� tourner un bon nombre de pages avant de comprendre comment le lire - comment absorber ce langage ordurier de la mouflette, ce "meurtre � la hache", ces r�p�titions incessantes du perroquet...
A vrai dire, j'ai retrouv� toute ma - quenitude ? - � la seconde o� j'ai arr�t� de me casser la t�te si Zazie, oui ou non, aurait m�rit� une bonne paire de claques !
Et j'ai enfin pu savourer ma lecture...

C'est un livre extr�mement visuel (pas �tonnant que le film a �t� un tel succ�s !) - une sorte de road movie parisien d�jant� qui boucle une boucle pour finir � son point de d�part.
Et la force du livre, justement, est que personne ne "la boucle" jamais - c'est une suite de dialogues comiques, absurdes et surr�els dans les situations qui pourraient �tre r�elles, mais qui paraissent comiques et absurdes � cause des ces m�mes dialogues. Parfois cela fait penser aux pi�ces d'Harold Pinter, tellement on est loin de la r�alit� rassurante et pr�visible.
Au moins en apparence - car combien de fois il nous est arriv� � tous de se retrouver dans une situation digne de Queneau, quand on "croit r�ver" ?
Saufxe pour de vrai... comme qui dirait Zazie.
Zazie est le personnage central du livre, mais elle n'est pas toujours pr�sente, et on s'en passe �tonnement bien.
Mais c'est la seule qui se trouve chang�e � la fin du p�riple - elle a "grandi", et elle a enfin (enfin !) trouv� la v�rit� sur la "hormosessualit�".
Grand bien te fasse, Zazie !

Alors, combien d'�toiles je te donne, petite peste � la langue bien pendue ?
Tu vas me dire : "Trois, mon cul", alors d'accord, je t'en donne quatre... mais sache que c'est gr�ce � Trouscaillon !

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Les �crivains, observateurs de leur temps, � transposeurs � de perception, nous �clairent sur les repr�sentations du statut de l'enfant dans une �poque donn�e, la leur. Leurs �crits, sont, en effet, toujours des productions en contexte, et quels que soient le propos, le temps et l'espace de la fiction, de leurs oeuvres transpirent toujours une part conjoncturelle, une part de r�el.
L'oeuvre de Raymond Queneau, philosophe, romancier et homme de lettres, cofondateur de L'Oulipo, regorge de r�f�rences explicites � l'�poque dans laquelle elle a �t� �labor�e. L'enfant, l'adolescent et le jeune adulte y sont en bonne place.
Zazie dans le m�tro voit le jour en 1959, � mi-chemin entre la Seconde Guerre mondiale et la r�volution de 1968, � l'aube de la Ve R�publique, et de la reconstruction �conomique qui l'accompagne, sous le gouvernement du g�n�ral De Gaulle, en pleine guerre d'Alg�rie.
Chemin faisant, le personnage se nourrit de la reconstruction �conomique, politique et sociale qui marque l'apr�s-guerre, Zazie est lib�r�e mais pas libre, � l'image de la France de la IVe R�publique, sous laquelle elle voit le jour.
Notre Zazie vit avec son temps, celui d'une France nouvelle, qui s'embourgeoise au rythme de l'American way of life, mais qui porte les stigmates aust�res de deux guerres mondiales � peine essuy�es. En digne enfant du baby-boom, elle aime les � bloudjins � et le soda, autrement dit le r�ve am�ricain, mais elle est provinciale, issue d'un milieu modeste qu'on imagine ouvrier. Elle se rend � Paris pour la premi�re fois, � priori, au cours des grandes gr�ves de 1950. le Paris qu'elle arpentera au cours du roman est celui des petits commer�ants d'un quartier populaire du xviiie (on se moquera d'elle quand elle �voquera Saint-Germain), qui mangent d�sormais � leur faim mais vivent encore de d�brouillardises et de petits boulots.
Zazie a une histoire de vie complexe et douloureuse, mais n'en fait ni �talage ni gloriole. Pour elle, tout semble aller de soi, il lui suffit d'une tirade pour exposer les faits, presque sans affects : apr�s que son p�re, alcoolique, tente de la violer, sa m�re l'assassine d'un coup de hache, s'ensuivent d'innombrables proc�dures judiciaires et p�nales. On subodore que Jeanne Laloch�re, la m�re de notre h�ro�ne, commet ce meurtre dans l'objectif de s'affranchir du joug d'un mari buveur et jaloux, plus que pour venir en aide � sa fille, de qui elle dira, en guise de pr�sentation � son oncle Gabriel, dans les premi�res lignes du roman : � Voil� l'objet ! �
Nous ne savons que peu de choses de sa vie quotidienne : va-t-elle � l'�cole, a-t-elle des amis ?� On imagine� Queneau est un �crivain du pr�sent, du sien et de celui de ses personnages. On ne peut que p�r�griner avec des personnages loufoques, au fil d'une construction romanesque pourtant classique o� l'unit� de temps, de lieu et d'action fait face � la fantaisie des dialogues et de la confusion identitaire. Nous n'entendons et ne voyons qu'au travers des mots de Queneau, par la bouche de Zazie. Nous pouvons donc seulement affirmer qu'elle est une petite fille, d'une dizaine d'ann�es, effront�e, d�gourdie et curieuse. Son langage et son comportement ne rel�vent en rien des bonnes mani�res, elle ma�trise parfaitement l'argot et les grossi�ret�s. Pour cheminer avec Roland Barthes dans son essai Zazie et la litt�rature [1] R. Barthes, � Zazie et la litt�rature �, dans Essais... [1] , on notera que Zazie est la garante du langage-objet, celui de l'action et du r�el, en lutte contre le m�ta-langage des adultes, qui n'est que repr�sentation, et �tat d'�me. On peut poursuivre notre lecture de Barthes et affirmer que la jeune h�ro�ne n'a de l'enfance que l'�ge et le questionnement. Elle poss�de des caract�ristiques attribu�es habituellement aux adultes : elle est d�cisionnaire et revendique une certaine autonomie, elle n'est en rien na�ve et sait m�me se montrer soup�onneuse ; ses prises de risques sont le plus souvent opportunistes. du haut de ses 10 ans, elle m�ne une troupe d'adultes en mal de rep�res. Sans montrer aucune faiblesse, elle clame � qui veut bien l'entendre qu'elle n'a peur de rien, car, elle, Zazie, en a vu d'autres ! de cette propension � mener, tout en d�routant, le monde adulte, Barthes �l�vera Zazie au rang de contre-mythe en �voquant sa jeunesse comme une abstraction, puisqu'elle r�unit l'enfance et la maturit�, et en postulant que sa fonction est de � d�gonfler � la mythologie qui l'environne. Mais de quels mythes parle-t-on au juste ? de la libert� retrouv�e, des repr�sentations du monde nouveau, de l'autorit�, de l'enfant sage ou d�linquant ? � la remarque de sa m�re � voil� l'objet �, on peut donc s'interroger. Quel objet Zazie peut bien incarner ? Est-ce celui de l'enfant-objet ?
On pourrait plut�t parler d'un enfant sujet, qui semble mener sa vie en dehors de toute autorit� ou consid�rations parentales. Zazie fait son �ducation, seule, par elle-m�me et pour elle-m�me. Les figures masculines du roman (son oncle, Charles le taximan, Pedro-surplus le flicman, le cafetier) revendiqueront ce souci d'�ducation, mais ne parviendront jamais � imposer � la demoiselle aucune marque d'ob�issance. Zazie est, certes, indisciplin�e, mais personne ne tente r�ellement de maintenir aupr�s d'elle quelques r�gles qui en soient vraiment. Par exemple, l'apr�s-midi m�me de sa � fugue � dans Paris, son oncle la laisse seule pendant qu'il joue au billard. le taximan tente bien de la raisonner pendant la visite de la tour Eiffel mais il d�clarera forfait et prendra la fuite devant son obstination, Pedro-surplus finira lui aussi par oublier la paire de blues jeans. Zazie et son imp�tuosit� inqui�tent les rangs de l'autorit�, mais elle divertit aussi.
Louis Malle, dans son adaptation au cin�ma, nous soumet une all�gorie de cette dualit�, avec la foule de badauds, qui tour � tour, prennent la d�fense d'une enfant en d�tresse, puis accusent une enfant effront�e, le tout dans un joyeux capharna�m, o� Zazie n'est qu'un pr�texte aux bavardages.
Devant le peu de constance du monde adulte, on ne sait donc pas si Zazie est autonome par disposition ou par obligation. Elle vit dans un monde encore tr�s marqu� par l'id�e que les enfants sont des � chenapans � � maintenir sous l'�gide d'une �ducation rigide et autocrate, sous couvert de bonnes moeurs. Zazie �voquera rapidement les coups que lui donne la ma�tresse. Cette situation ne semble pas tr�s bien adapt�e au caract�re cynique et imp�tueux de Zazie, qui ne se laisse pas impressionner et fait preuve d'un sens aigu� de la d�rision, envers toute forme d'autorit�, m�me la sienne, future ma�tresse d'�cole dans l'objectif unique de � faire chier les enfants �. Elle semble avoir saisi en substance la dialectique h�g�lienne du ma�tre et de l'esclave, r�duite au rang d'esclave elle abolira le discours de faux-semblant de ses pseudo-ma�tres par sa pugnacit�. Ainsi, devant les h�sitations de son oncle quant au patrimoine architectural parisien, elle d�cr�dibilisera l'emphase soudaine de Gabriel et son � Si �a te pla�t de voir vraiment le tombeau v�ritable du vrai Napol�on je t'y conduirai �, par un � Napol�on mon cul �, bref et irr�vocable.
Zazie n'est pas dupe. Et elle �volue �galement dans une soci�t� o� les adultes ont v�cu la guerre, l'occupation, et la privation. Ils prennent, tant qu'ils peuvent, leur revanche sur la libert�. Il reconstruisent leurs mythes � grand renfort de frasques. Seule parmi des adultes fantaisistes, et parfois absents � eux-m�mes, Zazie doit trouver son ancrage, son �tayage dans la r�alit�, par elle-m�me. La sc�ne du billard illustr�e comme un espace-temps onirique par Louis Malle montre une Zazie errante dans une ville o� tout semble succomber au surr�alisme et en particulier la joyeuse �quipe de joueurs. L'autonomie et la r�bellion deviennent alors une question de survie, ne pouvant compter sur la fiabilit� des adultes, elle doit faire preuve d'autres ressources. Elle les pioche avant tout dans un insatiable app�tit de la nouveaut�. Zazie est curieuse de tout, ses principaux int�r�ts portent sur les choses de la modernit� : le m�tro, les produits am�ricains, mais aussi et surtout sur les questions de sexualit�. En somme, Zazie est en qu�te, la qu�te d'elle-m�me et de l'autre par l'exp�rience et la connaissance. Elle fait parfois des raccourcis mais cerne bien la complexit� des � choses de la vie �. Ainsi, elle voit dans chaque homme un satyre potentiel et dans chaque femme une amoureuse possible. L'h�t�rosexualit� ne la surprend pas, elle est chose sue car per�ue par elle, mais l'homosexualit� reste une grande inconnue. Ce choix sexuel suppos� � son oncle par l'inconnu-satyre la questionne durant toute la seconde partie du roman.
Cependant, elle-m�me semble encore loin d'�tre � sexu�e �. En dehors de la br�ve question, plus provocante que signifiante, adress�e � Charles � et moi je te plairais ? � et de la paire de blues-jeans achet�e par l'inconnu aux puces, on ne se sait rien de son physique, ni de ses �mois, et Zazie petite fille aurait aussi bien pu �tre n�e gar�on : cheveux courts, oeil vif et genoux cagneux. Rien d'une Lolita, si ce n'est l'int�r�t pr�coce pour la sexualit�.
Queneau ne trace pas de portrait psychologique de ses personnages, leurs personnalit�s s'expriment davantage dans leurs habitus langagiers et dans leurs actes. Peu �pargn�e par la vie, elle n'en demeure pas moins joviale, tant�t na�ve parce que curieuse, tant�t goguenarde parce que connaisseuse.
Il est �vident que la sexualit� infantile est au coeur des pr�occupations de cette �poque. Freud en a d�j�, depuis plusieurs d�cennies, d�montr� l'existence et les �cueils, mais nous sommes entr�s dans une d�mocratisation de ses conceptualisations.
Le personnage de l'hyst�rique ne surprend plus, et les f�ministes ont d�j� men� � bien des actions importantes, telles que le droit de vote pour les femmes (1945) et celui de l'avortement th�rapeutique (1955).
Les questions de l'inceste, de la p�dophilie et des � d�viances � sexuelles, ne sont pas sp�cifiques � cette �poque. Mais ce qui peut �tre not�, et ce en partie gr�ce aux r�centes ordonnances sur la protection de l'enfant (1958), c'est qu'il est alors possible d'en parler. Ces sujets restent tabous, mais peuvent d'ores et d�j� �tre trait�s au fil de l'actualit�, de la litt�rature, etc.
L'adulte est au coeur de ces tabous mais l'enfant y a aussi sa part. En effet, elle semble avoir une conscience aigu� des d�sirs malveillants de certains adultes, elle en use parfois, mais ne se laisse pas abuser par leurs intentions.
La concupiscence n'est pas v�cue comme naturelle, mais bien comme irr�v�rencieuse. Zazie la tourne en d�rision. Elle n'est donc pas cette enfant pure, faible et id�alement na�ve. On peut surprendre Zazie comme faisant preuve de subjectivit� et d'objectivit�, elle est un sujet, elle est partie prenante de l'action qu'elle vit. Elle ne se d�responsabilise pas de son v�cu, ne se pose pas en victime de son drame familial, pas plus que ses parents ne passent pour des bourreaux. Il est l� question de la vraie vie, quoique fictionnelle, pas du mythe d'une enfant martyris�e, ni de celui d'une enfant provocatrice. Bien qu'elle nous apprenne que la justice l'a secourue, non sans d�boires, dans cette sombre affaire, c'est Zazie qui a la parole ; ni son p�re, ni sa m�re, ni la loi ne s'expriment en ses mots. Elle est seule d�tentrice de sa v�rit�. Elle est le � je � de son discours.
Mais Zazie, dans sa posture de sujet agissant, ne se constitue-t-elle pas comme objet social, figure st�r�otypique des enfants de sa g�n�ration ?
Plut�t que l'�manation d'un mod�le, il semblerait qu'elle incarne le fait que des enfants puissent �tre acteurs de leur quotidien et vivre en dehors de l'autocratie parentale. Cette situation peut se transposer � la soci�t� elle-m�me et au fait que des personnes (les gr�vistes s'en font l'�cho discret, dans le roman) souhaitent vivre en dehors d'une dictature d'�tat et se consid�rent seuls aptes � penser leur condition sociale.
Zazie, dans sa r�volte, est le reflet d'une soci�t�, qui n'est plus ni patriarcale ni matriarcale, mais qui entre dans l'�re de l'individualisme et du consum�risme.
Est-elle pour autant un personnage proph�tique, qui annonce les mouvements de 68, l'�re du lib�ralisme, de l'individualisme, des familles recompos�es ?
Lorsque que l'on repense au statut de l'enfant des ann�es 1950, on imagine les �coles de Jules Ferry, � leur apog�e, les internats, la non-mixit� et le bepc. On imagine moins que ce sont les cong�n�res de Zazie qui manifesteront en 1968, et qui brigueront la r�volution culturelle, sexuelle et sociale, d�j� en marche explicitement dans les textes de Queneau.
Zazie est bel et bien une petite fille ancr�e dans son �poque, et c'est l'�poque tout enti�re qui annonce d�j� la vague de renouveau des ann�es 1960. Ses go�ts pour la mode am�ricaine d�notent d�j� l'importance qu'aura la consommation de masse sur les g�n�rations suivantes. Ses intempestifs manquements � l'autorit� et ses prises de libert� effront�es sont autant de pr�mices � des comportements permissifs et d�responsabilisants qui s'initient dans les ann�es 1960. La protection de l'enfance est � l'oeuvre depuis peu et accorde � l'enfant toute la puret� et la vuln�rabilit� qu'on lui suppose encore aujourd'hui, en perdant peut-�tre de vue que c'est l� une repr�sentation d'adulte sur le monde de l'enfance. Avec Zazie, on se retrouve donc dans une situation confuse, o� les adultes, tour � tour, la victimisent ou se m�fient d'elle, et o�, sous couvert de na�vet�, une vraie curiosit� la tenaille ; et par laquelle elle affirme son autonomie, en ne se contentant pas du peu que son entourage veut bien lui distiller. de cette confusion participent plusieurs inversions identitaires (Marceline/Marcel, Gabriel /la danseuse, Pedros-surplus/le flicman, etc.), en miroir avec la confusion des g�n�rations et de leurs perceptions r�ciproques. Zazie, par sa pr�cocit�, met en relief le fait qu'elle soit une enfant se comportant comme une adulte, dans un monde d'adultes se comportant comme des enfants (c'est le contre-mythe de Barthes). La veuve Mouaque ira jusqu'� prier son indulgence et sa compr�hension du monde des adultes !
Par ailleurs, ses questionnements sur la sexualit� et la d�nonciation de la perversion sont autant d'�vocations de la r�volution sexuelle en marche et des droits et politiques de protection de l'enfant et de la femme.
Zazie annonce l'entr�e de notre soci�t� dans un monde h�t�rog�ne. La guerre a fini de ruiner les vestiges des soci�t�s dites � traditionalistes � et par le renouveau qui lui fait suite, entra�ne un cort�ge de pluralit�, que nous vivons aujourd'hui de l'int�rieur.
l'autonomie et donc � une part de libert� et de libre-arbitre. En situant Zazie au coeur des conflits parentaux et sociaux, m�me s'ils restent anecdotiques, Queneau impose l'id�e que cet enfant et sa g�n�ration sont porteurs d'un renouvellement des grands principes sociaux, tels que le droit de gr�ve, les droits des femmes et de l'enfance lib�rale
, qui pr�existent, chez Queneau, dans les rapports humains. Zazie incarne l'enfant sujet. Zazie en fait �tat, dans ses choix, ses go�ts, ses aspirations et leurs expressions sans concessions.
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Zazie, une fillette d'une dizaine d'ann�es arrive � Paris avec sa m�re. Celle-ci va voir "son Jules "ainsi nomm� dans le roman. Zazie est confi�e � son oncle Gabriel.
Elle r�ve d'emprunter le c�l�bre m�tro parisien mais son plan est contrari�. Les travailleurs sont en gr�ve.
Son oncle va lui faire d�couvrir quelques b�timents parisiens et pendant ce temps, elle ne va pas se g�ner pour poser des questions et faire des r�flexions tr�s abruptes. La pleine franchise est affich�e.
Le ton de la com�die m'a fait penser aux ouvrages de Daniel Pennac avec sa tribu des "Malauc�ne".
Raymond Queneau prend cette situation comme pr�texte pour laisser libre cours � sa fantaisie langagi�re. Il d�passe toutes les r�gles de la langue fran�aise.
Pourtant �crit en 1959, on ne peut s'emp�cher de faire le rapprochement avec le langage des textos ou des messages twitter.
On lit "lago�amil�bou" pour " la gosse a mis les bouts".
Les doubles consonnes n'existent pas "barrer" devient "barer"
Il oublie les "e" en fin de mots et j'en passe.
C'est un livre que je voulais lire depuis longtemps je peux dire qu'il m'a bien fait rire.
Je le vois parfois catalogu� comme roman jeunesse, je n'oserais pas encore le glisser dans les mains de mon petit-fils de 13 ans pour qui l'orthographe pr�sente encore des failles ou alors si,... un petit extrait.
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critiques presse (1)
Bibliobs
23 mai 2024
� Zazie dans le m�tro � a 65 ans et la question liminaire de Raymond Queneau reste plus que jamais d?actualit� : Doukipudonktan ?
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (186) Voir plus Ajouter une citation
- Alors tonton Gabriel, comment trouves-tu mes bloudjinnzes?
- Veux-tu vite enlever �a, s'�cria Gabriel �pouvant�, et les rendre au meussieu tout de suite.
- Les rendre mon cul, d�clara Zazie. Y a pas de raisons. Ils ont � moi.
Tu causes, tu causes, dit Laverdure, c'est tout ce que tu sais faire.
[...] ... - Pour faire chier les m�mes," r�pondit Zazie. "Ceux qu'auront mon �ge, dans dix ans, dans vingt ans, dans cinquante ans, dans cent ans, dans mille ans, toujours des gosses � emmerder.

- Eh bien," dit Gabriel.

- "Je serai vache comme tout avec elles. Je leur ferai l�cher le parquet. Je leur ferai manger l'�ponge du tableau noir. Je leur enfoncerai des compas dans le derri�re. Je leur botterai les fesses. Parce que je porterai des bottes. En hiver. Hautes comme �a (geste). Avec de grands �perons pour leur larder la chair du derche.

- Tu sais," dit Gabriel avec calme, "d'apr�s ce que disent les journaux, c'est pas du tout dans ce sens-l� que s'oriente l'�ducation moderne. C'est m�me tout le contraire. On va vers la douceur, la compr�hension, la gentillesse. N'est-ce pas, Marceline, qu'on dit �a dans le journal ?

- Oui", r�pondit doucement Marceline. "Mais toi, Zazie, est-ce qu'on t'a brutalis�e, � l'�cole ?

- Il aurait pas fallu voir.

- D'ailleurs," dit Gabriel, "dans vingt ans, y aura plus d'institutrices : elles seront remplac�es par le cin�ma, la t�v�, l'�lectronique, des trucs comme �a. C'�tait aussi �crit dans le journal l'autre jour. N'est-ce pas, Marceline ?

- Oui," r�pondit doucement Marceline.

Zazie envisagea cet avenir un instant.

- "Alors," d�clara-t-elle, "je serai astronaute.

- Voil�," dit Gabriel approbativement. "Voil�, faut �tre de son temps.

- Oui," continua Zazie, "je serai astronaute pour aller faire chier les Martiens. ... [...]
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- Moi, d�clara Zazie, je veux aller � l'�cole jusqu'� soixante-cinq ans. (...) Je veux �tre institutrice.
- Pourquoi que tu veux l'�tre, institutrice?
- Pour faire chier les m�mes (...). Je serai vache comme tout avec eux. Je leur ferai l�cher le parquet. Je leur ferai manger l'�ponge du tableau noir. Je leur enfoncerai des compas dans le derri�re. Je leur botterai les fesses.
- Tu sais, dit Gabriel avec calme, d'apr�s ce que disent les journaux, c'est pas du tout dans ce sens l� que s'oriente l'�ducation moderne. C'est m�me tout le contraire. On va vers la douceur, la compr�hension et la gentillesse. (...) D'ailleurs, dans vingt ans, y aura plus d'institutrices : elles seront remplac�es par le cin�ma, la t�v�, l'�lectronique, des trucs comme �a.

- Alors, d�clara-t-elle, je serai astronaute pour aller faire chier les Martiens.
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Doukipudonktan", se demanda Gabriel exc�d�. Pas possible, ils se nettoient jamais. Dans le journal, on dit qu'il y a pas onze pour cent des appartements � Paris qui ont des salles de bain, �a m'�tonne pas, mais on peut se laver sans. Tous ceux-l� qui m'entourent, ils doivent pas faire de grands efforts. D'un autre c�t�, c'est tout de m�me pas un choix parmi les plus crasseux de Paris. Y a pas de raison. C'est le hasard qui les a r�unis. On peut pas supposer que les gens qui attendent � la gare d'Austerlitz sentent plus mauvais que ceux qu'attendent � la gare de Lyon. Non vraiment, y a pas de raison. Tout de m�me quelle odeur.

Gabriel extirpa de sa manche une pochette de soie couleur mauve et s'en tamponna le tarin.
"Qu'est-ce qui pue comme �a ?" dit une bonne femme � haute voix.

Elle pensait pas � elle en disant �a, elle �tait pas �go�ste, elle voulait parler du parfum qui �manait de ce monsieur.

"�a, ptite m�re, r�pondit Gabriel qui avait de la vitesse dans la r�partie, c'est Barbouze, un parfum de chez Fior.

� �a devrait pas �tre permis d'empester le monde comme �a, continua la rombi�re s�re de son bon droit.

� Si je comprends bien, ptite m�re, tu crois que ton parfum naturel fait la pige � celui des rosiers. Eh bien, tu te trompes, ptite m�re, tu te trompes.

� T'entends �a ?" dit la bonne femme � un ptit type � c�t� d'elle, probablement celui qu'avait le droit de la grimper l�galement. "T'entends comme il me manque de respect, ce gros cochon ?"
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Jacques Jouet & Laurence Kief� -traduire Harry Mathews - "Les derniers seront les premiers" - � l'occasion de la parution de "Les derniers seront les premiers", d'Harry Mathews aux �ditions P.O.L traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Laurence Kief� et Jacques Jouet , � Paris le 6 f�vrier 2024 et o� il est question, notamment, de Harry Mathews, de traduction � deux, de contraintes et de ha�kus, de Georges Perec et de l'Oulipo, de Raymond Roussel et de Raymond Queneau.
"On peut dire de la plupart des po�mes rassembl�s ici qu'ils ont des origines biographiques, imaginaires ou d'ordre proc�dural. Une fois �tablies ces cat�gories simples, il est indispensable de ne pas tarder � les bousculer voire � les d�truire. En fait, presque tous ces po�mes entrent dans plus d'une cat�gorie et parfois dans les trois." Harry Mathews

-"Collected Poems 1946-2016", de Harry Mathews est publi� en anglais chez Sand Paper press -"The Solitary Twin", de Harry Mathews est publi� en anglais chez New directions -"Case of the Persevering Maltese", de Harry Mathews est publi� en anglais chez Dalkey Archive press
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