Orléans : les collections exceptionnelles du Centre Jeanne d’Arc célèbrent leur cinquantenaire

Historia - Quelle est l’origine du Centre ?

Virginie Chevalot - Avant tout, il faut rappeler que depuis le XV^e siècle, l’histoire du souvenir de Jeanne d’Arc a connu des périodes d’intérêt mais aussi de dédain, de passion, comme de méfiance. Son souvenir est maintenu vivace très tôt au travers de publications et productions artistiques. Devenue incarnation de la Nation sous Louis XV, elle s’efface au profit de Marianne. Jeanne d’Arc est ensuite utilisée à des fins politiques et religieuses, l’histoire de sa vie fait l’objet d’écrits très diversifiés. Au milieu du XIX^e siècle, l’étude historique évolue grâce au chartiste Jules Quicherat qui rassemble les sources de son histoire. Le domaine des arts n’échappe pas à l’intérêt croissant pour Jeanne d’Arc avec la production de nombreuses œuvres peintes et sculptées. Après la guerre de 1870, elle devient symbole des provinces perdues tout en faisant l’objet d’une procédure de canonisation initiée en 1874 par l’évêque d’Orléans Mgr Dupanloup et qui aboutira en 1920. Il est également à l’origine du programme des verrières (1897) dans la nef de la cathédrale d’Orléans. Jeanne d’Arc est à l’apogée de sa gloire dans les années 1890. Il paraît un livre par jour sur elle en 1890 et environ 10 000 titres sont publiés entre 1890 et 1920. En 1894, le Musée Jeanne d’Arc exposant des œuvres sur la Pucelle est créé à Orléans ainsi qu’une bibliothèque johannique. En juin 1940, le musée est ravagé par un incendie suite aux bombardements allemands. Dans la même rue, la Maison de Jeanne d’Arc est également détruite. Durant la période de la Reconstruction, des centres spécialisés commencent à apparaître en France pour répondre aux besoins de la recherche. L’idée de créer un centre d’études sur Jeanne d’Arc est suggérée par le conseiller de la République Michel Debré en 1957. La question de sa localisation se pose alors : un château de la Loire, les villes de Reims et Rouen ? Ce sera Orléans. Sollicitée pour travailler sur ce projet d’ampleur l’historienne médiéviste Régine Pernoud en sera la première directrice.
Le centre Jeanne d’Arc est inauguré le 18 octobre 1974. L’ancien ministre des Affaires Culturelles André Malraux accepte la présidence du comité d’honneur qui compte de hautes personnalités locales, nationales et internationales.
Le but premier du centre Jeanne d’Arc est alors de rassembler sous forme de micro-fiches toute la documentation du XV^e siècle éparpillée dans diverses institutions en France et à l’étranger pour la rendre accessible au public. L’importante bibliothèque de 4500 documents reconstituée par l’ancien conservateur du Musée Jeanne d’Arc Pierre Jouvellier et les nombreux dons de collections particulières constituent la base du fonds sur Jeanne d’Arc, son époque et son souvenir.  Complété par l’acquisition de publications sur la période du XIV et XV^e siècles et la veille documentaire, cet ensemble qui n’entre dans aucune polémique religieuse ou politique n’a cessé de s’enrichir depuis 50 ans.

Combien de documents sont conservés au Centre ?

V.C. - Le centre compte à ce jour autour de 39 000 documents et objets divers. Les documents les plus anciens sont des lettres datant du XV^e siècle dont plusieurs de la main du duc Charles d’Orléans, cousin de Charles VII. La collection regroupe une grande variété de supports au fil des siècles :
ouvrages (sources, études, poésie, théâtre, roman, illustré, livres scolaires, bandes dessinées, mangas…), thèses, brochures, articles, gravures, affiches, musique enregistrée et partitions, films, cartes postales, statues, médailles, objets…
Sans oublier les caricatures depuis les début de la presse au XIXe siècle. Nous avons, plus récemment l'exemple d’une Greta d’Arc ou Greta Thunberg en Jeanne d’Arc militante face au changement climatique !
Reconnu sur le plan international comme plus grande collection existant sur le sujet, le centre Jeanne d’Arc vise l’exhaustivité pour maintenir son rang et répondre aux demandes les plus spécifiques. Chacun peut contribuer à son enrichissement et rendre vivant ce patrimoine qui est aussi valorisé lors d’expositions.
Ces prochains jours, le centre va s’enrichir d’un ensemble exceptionnel de 1500 documents grâce à un généreux donateur belge, la collection de toute une vie d’un bibliophile passionné par le sujet. Quel plus beau cadeau pour ce 50^e anniversaire du centre !

Mesurez-vous aussi la notoriété de Jeanne d’Arc à l’étranger ?

V.C. -Nous sommes contactés par des visiteurs qui viennent du monde entier. Nos statistiques ont comptabilisé 90 nationalités. Jeanne est internationalement connue. Ce personnage traverse les siècles, reflète l’état de la société et les préoccupations de chaque époque. C’est un sujet inépuisable. La collection qui poursuit son enrichissement approfondit la connaissance et satisfait la curiosité suscitée par cette jeune fille qui au-delà des frontières et des siècles n’en finit pas de faire parler d’elle.

Le Centre est-il ouvert à tout le monde ?

V.C. - Le centre de recherches Jeanne d’Arc est un service de la ville d’Orléans à vocation culturelle, scientifique et pédagogique. Il est ouvert à tous, aux chercheurs comme aux curieux, aux scolaires qui découvrent une collection patrimoniale, à des groupes de primo-arrivants curieux de connaître l’histoire de cette femme en armure qui occupe une grande partie de l’espace public dans la ville d’Orléans avec ses noms de rues, ses statues etc… L’accueil au centre est sur rendez-vous car l’espace de consultation ne permet pas de recevoir de grands groupes. La salle multimédia au rez-de-chaussée est accessible aux Personnes à Mobilité Réduite et il est possible de montrer des documents et objets en les descendant de la salle de consultation du 1er étage pour n’exclure aucun public. Le centre participe chaque année aux Journées Européennes du Patrimoine et organise des ateliers pour enfants et famille toujours autour des collections patrimoniales pendant les vacances et bien sûr durant les fêtes de Jeanne d’Arc en mai.
Il permet aussi aux personnes de puiser dans nos ressources pour des créations comme la composition d’un opéra par une universitaire roumaine, l’écriture d’un scénario de film, l’inspiration pour des produits dérivés à partir de notre fonds iconographique. Il y a quelques semaines, les créateurs d’images de l’espace architectural Artslide ont consulté notre grande collection de bandes dessinées et mangas pour la préparation de la projection sur la cathédrale d’Orléans « Jeanne, Lumière des arts » (projections les 7,10,11 et 12 mai puis du 5 juillet au 15 septembre 2024).