Russie : qui est Andreï Belousov, le nouveau ministre de la Défense ? - Le Parisien

Russie : qui est Andreï Belousov, le nouveau ministre de la Défense ?

Le technocrate considéré comme un proche de Vladimir Poutine défend depuis plus de vingt ans la nécessité pour l’État russe de diriger son économie, loin de l’ultralibéralisme qui a eu cours après la chute de l’URSS. Il succède à Sergueï Choïgou, limogé dimanche.

    Longtemps, en dépit des échecs de la Russie sur le terrain ukrainien, on a présenté Sergueï Choïgou, indéboulonnable ministre russe de la Défense, comme un très proche de Vladimir Poutine. Mais alors que l’armée russe engrange des succès ces dernières semaines, coup de théâtre : le président russe le limoge pour le remplacer par un civil, Andreï Belousov.

    Âgé de 65 ans, Belousov n’est pas un militaire, mais un économiste. Le site Internet du gouvernement russe indique qu’il est né le 17 mars 1959 à Moscou. Cette année-là, la Russie est toujours l’immense Union soviétique, elle prend ses distances avec la Chine, à qui elle a refusé de donner l’arme nucléaire, et Nikita Khrouchtchev donne son « engagement solennel » que l’URSS ne commencera « jamais, jamais, jamais » une guerre.

    Fils d’un éminent économiste soviétique, Rem Belousov, et d’une chimiste, Alisa Pavlovna Belousova, Andreï Removich Belousov décroche en 1981, à 22 ans et avec les honneurs, son diplôme de la faculté d’économie de l’université d’État de Moscou. Il intègre un laboratoire de l’Institut central d’économie et de mathématiques de l’Académie des sciences de l’URSS. Stagiaire, chercheur junior puis major et enfin senior, il gravit tous les échelons. En 2000, il est nommé directeur général du Centre d’analyse macroéconomique et de prévision à court terme, le Camac, et conseiller indépendant du Premier ministre. Il occupe la double fonction pendant six années.

    Il gravit les strates de l’appareil technocratique jusqu’à la reconnaissance politique : en 2012, il est nommé ministre du Développement économique, et le 21 janvier 2020, il devient premier vice-Premier ministre, une fonction honorifique qui lui donne la possibilité de suppléer le Premier ministre qui vient d’être nommé, l’économiste Mikhaïl Michoustine, toujours en fonction. Belousov l’a d’ailleurs remplacé, brièvement, lorsque celui-ci a eu le Covid.

    Un civil, étatiste, à la vision « novatrice »

    Selon le média russe RBC, il a pratiqué le sambo - sport de combat créé en URSS dans les années 1930 - et le karaté dans sa jeunesse. Il n’a pas servi dans les forces armées, et n’a pas travaillé pour le KGB, contrairement à son patron.

    Depuis plus d’une dizaine d’années, Belousov est l’un des principaux conseillers économiques de Vladimir Poutine. On estime qu’il a contribué à stabiliser l’économie russe, après les folles années d’ultralibéralisme post-soviétiques, et à la faire prospérer dans le giron de l’État. Le titre de l’ouvrage économique qu’il dirige, paru en 2006, est éloquent : il s’intitule « Le miracle économique russe : nous le réaliserons nous-mêmes ». En 2017, RBC affirmait que Belousov était l’un des responsables qui avaient convaincu Poutine que l’économie numérique était cruciale pour l’avenir du pays. Il est réputé « étatiste », défendant la mainmise de l’État central sur tous les secteurs de l’économie russe, à rebours de l’oligarchie ultralibérale qui a sauvagement construit des fortunes colossales après la chute du communisme. En 2018, par exemple, il avait proposé qu’une taxe exceptionnelle soit prélevée sur les entreprises métallurgiques et minières afin de rapporter 7 milliards d’euros par an au Kremlin pour financer des investissements en infrastructures.

    Selon le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, Poutine a choisi Belousov parce qu’il a dirigé avec « beaucoup de succès » le ministère du Développement économique, et que le ministère de la Défense actuel doit « absolument être ouvert au progrès et à l’introduction de toutes les idées novatrices ».

    En tant que proche de Vladimir Poutine, Belousov fait l’objet de sanctions personnelles introduites par l’Ukraine depuis 2022 en raison de l’invasion russe. Il a été sanctionné notamment par l’Union européenne après avoir demandé aux oligarques russes de continuer à coopérer avec les banques russes sanctionnées, et parce qu’en « mars 2022, Belousov a déclaré que les sociétés étrangères cessant leurs activités et licenciant du personnel dans le pays seraient déclarées coupables de faillite délibérée, un acte qui entraîne une responsabilité administrative et potentiellement pénale en vertu de la législation russe en matière d’insolvabilité », établit le site des sanctions de la direction du Trésor du ministère français de l’Économie. Il a aussi soutenu l’annexion de la Crimée en 2014.

    Un article de Politico en janvier 2020 plaçait Belousov parmi les potentiels successeurs de Poutine, affirmant qu’il « partage sa vision du monde, proche du KGB, estimant que la Russie est entourée d’un cercle d’ennemis ».