On raconte que les ouvriers peinaient à venir y travailler, les tavernes étant trop éloignées du chantier du Pavillon royal de la Muette. Pourtant, celui que l’on appelle le « Petit Trianon de Saint-Germain-en-Laye » est bien là, 250 ans plus tard, perdu au cœur de la forêt. Lieu de chasse privilégié par Louis XV, Louis XVI et Napoléon 1er, il signe cette année sa résurrection, ayant survécu aux abandons et outrages du temps.

Ordonnée par Louis XV, la construction du pavillon royal débute en 1767, d’après les plans conçus par l’architecte du roi Ange-Jacques Gabriel, à qui l’on doit également le Petit Trianon, le château de Compiègne et l’Ecole militaire. Aimant chasser – et plutôt loin de Versailles -, le roi a besoin d’un pied-à-terre dans cette forêt connue pour ses sols sablonneux qui lui évitent de glisser durant les chasses d’hiver.

Un pavillon « viril »

Les similitudes avec le Trianon de Versailles du même architecte sont nombreuses : leur façade mesure 53 mètres, les sous-sols sont identiques, tout comme l’enfilade des fenêtres. Toutefois, « la Muette est plus rustique, plus sobre et virile, remarque Benoît d’Halluin, l’un des deux propriétaires du lieu. L’un a été conçu pour le plaisir de la chasse, l’autre pour le plaisir d’une femme, Madame de Pompadour. »

Achevé en 1774, le Pavillon de la Muette aura aussi servi au roi Louis XVI, héritant de son grand-père le goût de la chasse. Le pavillon, classé monument historique en 1921, subit les outrages du temps, et ceux des hommes. La Muette sombre peu à peu dans l’oubli, racheté après la Seconde Guerre mondiale par l’Office national des forêts (ONF). Mais celui-ci le délaisse, faute de moyens, au tournant des années 1970. Ce sont finalement Emmanuel Basse et Benoît d’Halluin qui vont l’acquérir en 2019 pour 1,6 million d’euros.

« Il était à l’abandon », se souviennent les promoteurs immobiliers. Quand le plafond du premier étage a cédé, ce sont les planchers qui se sont effondrés, invitant la pluie à tomber dans les intérieurs. « Le rez-de-chaussée, lui, a été momentanément squatté », relatent les propriétaires. Le mérule rouge, ce champignon visqueux, a, quant à lui, élu résidence dans les murs et boiseries.

Ouverture au public

Les deux hommes se lancent alors dans « cinq années de travaux compliqués, angoissants mais exaltants », entrepris par des artisans des Compagnons du devoir et des Ateliers de France. Ils ont d’abord consolidé les charpentes puis les planchers, cloué chacune des tuiles et traité les surfaces affaiblies par le parasite. Ils ont ensuite déposé le plafond du grand salon octogonal avant de le restituer à l’identique et de s’occuper des cheminées – dont l’une provient du Grand Trianon- et des caves voûtées.

Au total, six millions d’euros, dont une partie provient de la Drac, ont été réunis. Le Pavillon royal de la Muette s’ouvre au public dès septembre, une journée par semaine. Emmanuel Basse et Benoît d’Halluin le souhaitaient : « On n’est jamais véritablement propriétaire d’un lieu historique. On est des passeurs d’histoire pour les générations futures. »