Les crises des DOM-TOM et l'euro - Le Bondosage
17 mai 2024 5 17 /05 /mai /2024 15:30

 

La France multiplie les crises dans tous les sens sans que les énergumènes qui font semblant de diriger le pays n'esquissent même un semblant de début de compréhension sur la crise que nous traversons. Ils continuent comme s'il n'y avait aucun rapport entre les politiques menées depuis plus de quarante ans et les catastrophes à répétition que nous connaissons. La crise actuelle en Nouvelle-Calédonie n'est pas qu'une crise uniquement liée à des particularismes locaux ou à de l'ingérence étrangère. Ces deux paramètres comptent bien évidemment. Il faut rappeler que l'île est une grosse réserve de nickel, presque un tiers des réserves mondiales connues. Or comme l'a expliqué récemment l'agence internationale de l'énergie, le nickel est l'un des métaux dont les besoins mondiaux vont exploser dans les années qui viennent en particulier à cause de leur rôle dans la production de batteries électriques. À l'heure actuelle la première utilisation de ce métal se fait dans l'acier inoxydable, mais cela pourrait changer à moyen terme avec la restructuration vers les voitures électriques.

 

Usage actuel du Nickel
Evolution des besoins en métaux pour la transition énergétique selon AIE

Entre l’identité locale des autochtones, et les ressources en nickel qui deviennent un sujet d'intérêt économique puissant, on a là deux facteurs qui poussent à ce genre de crises. Les puissances étrangères pouvant utiliser les populations les plus radicales pour faire partir la France et peut-être ensuite récupérer l'exploitation locale dans leurs intérêts. On voit des candidats potentiels à la manœuvre comme la Chine ou même l'Australie. La Chine n'hésite pas à soutenir les indépendantistes à Okinawa, la célèbre île japonaise qui revêt un intérêt essentiellement stratégique. Il n'y est pas exclu qu'elle fasse la même chose en Calédonie. Mais finalement cette ingérence n'est possible que par le comportement et le déclin des puissances tutélaires de ces territoires. Dans le cas d'Okinawa la population locale a eu l'impression d'être des citoyens de seconde zone à qui on a imposé la langue japonaise. Dans le cas français, c'est probablement plus la misère et la pauvreté qui jouent un facteur primordial. On retrouve d'ailleurs des problèmes partout dans les DOM-TOM et ce n'est pas un hasard.

 

Car la Nouvelle-Calédonie c'est un peu l'arbre qui cache la forêt. Tous les DOM-TOM vont très mal dans leur ensemble, criminalité , chômage, incapacité de l'état à faire appliquer la loi. La Guyane a un taux de meurtre absolument délirant et l'état est toujours incapable de protéger les locaux contre les orpailleurs illégaux provenant du Brésil. Le désengagement de l'état est général en France, on le voit avec la désertification progressive sur le plan médical. C'est le double produit de l'idéologie libérale et de la contrainte européenne qui assèche la croissance et donc les rentrées fiscales. L'état européiste préfère subventionner les entreprises que d'assurer le régalien. Mais bien évidemment les DOM-TOM étant les territoires les plus excentrés, ce sont ceux qui subissent l'affaiblissement de l'état français le plus fortement. Loin des yeux, loin du cœur comme on dit. Et dans ce cas-là, c'est plus le faible poids politique des DOM-TOM qui joue les politiciens n'ayant d'yeux que pour leurs élections le cas des territoires d'outre-mer a toujours été largement négligé. C'est pourtant une grave erreur d'un point de vue national, les DOM-TOM étant des territoires de très grand intérêt pour le pays largement sous-exploité par la nation française. Mais pour en arriver à un tel raisonnement encore faut-il avoir à cœur l'intérêt de la nation et pas seulement l'intérêt pour les élections à court terme.

 

L'euro a détruit les DOM-TOM

 

En un sens, les DOM-TOM sont le point de révélation de la situation française. Ils sont en quelque sorte par effet d'amplification les révélateurs de la crise profonde de la nation soumise à des politiques économiques stupides depuis 50 ans et à une monnaie suicidaire depuis 20 ans. Parce que ces territoires étaient les plus fragiles, ils sont ceux qui ont été frappés le plus durement par les effets du libre-échange, de la dérégulation économique, du franc fort, puis de l'euro. Nous en avions déjà longuement parlé dans un texte consacré à la situation à Mayotte en 2023 dans ce texte. Mais il est important de le répéter, l'euro a été un désastre pour les DOM-TOM. L'unification monétaire européenne a entraîné un désastre pour la production française. Comme nous n'avions aucun point fort et aucun avantage comparatif, l'unification européenne a entraîné un vaste plan de désindustrialisation du pays sans mouvement de population à l'échelle européenne concomitant.

 

Comme je l'ai déjà souvent expliqué, les unifications monétaires normalement sont le dernier point d'unification d'une nation. Elles ne sont pas trop problématiques dans le cadre d'un territoire homogène sur le plan culturel et linguistique parce que les populations parlant toute la même langue et ayant des traditions similaires, elles peuvent se déplacer facilement dans les zones les plus attractives sur le plan économique. C'est ainsi que les Bretons ou les Auvergnats ont dépeuplé leur région de base pour nourrir en partie le bassin parisien plus dynamique économiquement par exemple. Certaines régions françaises sont mortes à cause de l'unité du pays et l'unité monétaire. C'est plus parlant encore quand on regarde des pays comme l'Allemagne ou l'Italie. Alors que le sud de l'Italie était autrefois très riche, l'unification monétaire italienne a entraîné une concentration des richesses vers le nord. En Allemagne, l'Est a été détruit par l'unification monétaire trop rapide suite à la chute du mur entraînant aujourd'hui des phénomènes électoraux propres à l'est de l'Allemagne comme la poussée de l'AFD.

 

Les processus d'unification monétaire accompagnés du libre-échange et de la libre circulation des capitaux sont des processus extrêmement violents. Or on a nié cette violence en faisant comme si tout ceci allait se passer simplement. Si dans le cadre d'une nation cette violence peut être tempérée par de la redistribution ou des aides, à l'échelle de l'UE ce n'est pas possible. Ajoutons à cela que la mobilité des populations est très faible à cause des barrières linguistiques et culturelles. Rares sont les Français à vouloir bosser en Allemagne. Pourtant la logique même de l'UE et de l'euro devrait pousser une grande partie des Français à quitter leur pays qui ne peut plus leur fournir d'emploi convenable dans le cadre européistes. Les défenseurs de la construction européenne ne le disent jamais ouvertement, mais dans le cadre européen la France devrait se dépeupler au profit de l'Allemagne, des Pays-Bas, ou de l'Autriche. C'est la logique même de l'unification européenne. Ce projet est donc totalement indéfendable du point de vue de l'intérêt national. Il n'a de sens que si vous partez de l'idée que la France doit disparaître et qu'elle n'a aucun intérêt à perdurer. C'est cela le sens du projet européiste si cher à Emmanuel Macron, mais il ne le dit pas comme ça.

 

Et la même logique s'applique aux DOM-TOM avec plus de violence encore puisque ces territoires exigus et lointains ont encore moins d'avantages comparatifs que les régions métropolitaines plus proches du cœur productif européen. Pire que ça, en leur donnant une monnaie encore plus surévaluée que ne l'était le franc pour elles, l'euro, elles peinent à pouvoir concurrencer les territoires concurrents dans les régions où elles se trouvent. Même sur le plan du tourisme l'euro renchérit le coût pour les touristes qui vont plutôt aller dans les territoires proches, mais possédant une monnaie qui leur est propre. Pourquoi payer plus cher en allant dans les DOM-TOM français quand vous pouvez aller sur une île proche dont le coût de la vie est nettement plus faible grâce en grande partie au différentiel monétaire ? Non seulement l'euro est pire que l'ancien franc pour les DOM-TOM, mais en plus la construction européenne empêche tout favoritisme économique vis-à-vis de nos régions d'outremer. Pas question de faire du protectionnisme pour valoriser leur production par exemple et ainsi lutter contre le chômage local. Il y aurait pourtant tant à produire sur ces territoires pour garantir notre autonomie nationale.

 

 

De fait, l'UE et l'euro ont transformé ces territoires qui étaient des atouts en boulet économique d'un point de vue collectif. Des territoires à chômeurs, où les trafiques, l'économie informelle et la violence explosent. Et il est probable que les imbéciles qui nous dirigent les voient ainsi. Alors on donne dans le délire indépendantiste un peu comme en corse où la situation est un peu similaire même si l'état de la Corse n'est pas aussi dramatique que celle des DOM-TOM. Les néolibéraux qui nous dirigent voudront se débarrasser de ces territoires au nom de l'efficacité économique ne comprenant pas que le cœur du problème est avant tout l'UE l'euro et l'idéologie néolibérale du laissez-faire. Car demain, une fois perdus les anciens DOM-TOM au profit très probable d'autres puissances, ce sont les territoires nationaux qui seront bradés au nom de la même logique. Et la mécanique continuera inlassablement jusqu'à la disparition du pays tout entier dissous dans le grand machin européen.

 

Alors quels seraient les remèdes à la situation des DOM-TOM ? Et bien les mêmes que pour la métropole. Tout d'abord une sortie de l'UE et de l'euro. Une politique protectionniste valorisant ces territoires qui peuvent produire une grosse partie des produits exotiques agricoles que nous consommons par exemple. L'on pourrait également imaginer des monnaies locales plus adaptées aux besoins de ces territoires. Certains verraient dans ce mécanisme le début de l'indépendance, mais il faut sortir de l'idée à mon avis archaïque qu'une nation égale une seule monnaie. On peut très bien imaginer une nation avec plusieurs monnaies régulées par une banque centrale. L'objectif étant d'offrir un outil puissant pour réguler les économies locales. Mais c'est une autre débat. Quoiqu'il en soit, il est important en cette période de crise avec les DOM-TOM de rappeler que tout ceci n'est pas le fruit du hasard, mais d'un pourrissement constant produit par des politiques économiques absurdes. La crise en Calédonie n'est en définitive qu'une énième jacquerie comme les gilets jaunes provoqués par le modèle économique mis en place à partir de Giscard et qui n'a fait que dégrader le pays depuis. Plus le temps va passer et plus la violence va s’accroître jusqu'au point de rupture final. Et nul ne peut savoir ce qui sortirait d'un violent mouvement national contre les apparatchiks au pouvoir.

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