Handball 25 ans après être devenu champion du monde, Stéphane Stoecklin raconte ses souvenirs
Que reste-t-il aujourd’hui de ce titre de champion du monde ?
« Ça paraît loin, vingt-cinq ans après, mais pas tant que ça car on nous en parle souvent. On ne l’oubliera jamais. C’est en nous pour toujours. Des souvenirs, des images reviennent parfois. Tout a été presque dit, écrit sur ce titre. Que dire de plus ? »
Vous êtes-vous rassemblé dernièrement, entre joueurs, pour fêter cet anniversaire ?
« Non, la dernière que l’on s’est retrouvé, c’était lors de l’inauguration de la salle à Bourgoin-Jallieu (le gymnase Stéphane Stoecklin a été inauguré le 10 juin 2017). Ça devient difficile car tout le monde est aujourd’hui à droite et à gauche. Pour les vingt-cinq ans, ça me paraît compromis mais ce serait peut-être une bonne chose de se réunir pour fêter les 30 ans (en 2025). »
Avec le recul, avez-vous conscience d’avoir marqué l’histoire du sport français ?
« Oui, mais le handball n’avait pas à l’époque la place qu’il a aujourd’hui en France. On a marqué les esprits par notre état d’esprit un peu décalé tout autant que par notre titre. »
N’est-ce pas frustrant, en tant qu’athlète, d’être réduit à une bande de déjantés alors que le sport de haut niveau, c’est aussi beaucoup de travail ?
« On ne peut pas réussir à ce niveau sans une excellente forme physique. Et qui dit forme physique dit tours de piste, séances de musculation, entraînements à la dure. On n’a pas gagné sous l’effet d’un coup de baguette magique. Mais entre nous, ce que l’on retient de cette aventure, ce sont les conneries que l’on a faites ensemble. Du moment que l’on se rappelle de nous, moi, ça me va. »
Est-ce qu’aujourd’hui vous revendiquer encore ce statut de Barjots ?
« Sans doute que si l’on n’avait pas été Barjots, on n’aurait pas été champions du monde. Moi, je le revendique haut et fort. »
C’est cette folie qui vous a permis d’aller au bout de votre rêve ?
« D’abord, cette folie nous donnait l’envie de se retrouver. Lors des stages, lors de compétitions, on savait qu’on allait faire les cons. On allait bosser comme des chiens mais on savait qu’en dehors, on allait bien se marrer. C’est comme quand on partait en colo avec des potes. »
Cette folie était-elle redoutée de vos adversaires ?
« Cette folie faisait de nous une équipe complètement atypique. Nos adversaires se demandaient à quelle sauce ils allaient être mangés. Notre caractéristique, c’est que l’on pouvait être champions du monde et perdre ensuite contre les Belges. Nos adversaires ne savaient pas à quoi s’attendre. Nous non plus d’ailleurs, la plupart du temps… (rires). »
Le groupe champion du monde en 1995 n’a pas poursuivi sur sa dynamique des JO d’Atlanta un an plus tard. Cela restera à jamais une frustration ?
« Certainement. Et Daniel (Costantini, le sélectionneur national qui avait écarté des cadres tels que Gardent, Munier, Perreux) l’a certainement aussi cette frustration. Il aurait dû maintenir la confiance dans le même groupe jusqu’aux Jeux. Maintenant, il a voulu faire des changements… On ne peut pas refaire l’histoire mais cette équipe aurait pu être championne olympique en 1996 (4e). Ou finir huitième aussi. On ne le saura jamais. »
Le problème justement, c’est qu’il n’existait aucune vérité avec ce groupe ?
« C’est ça. On ne savait jamais ce qu’il allait se passer. Vraiment… »
Quand un Barjot rencontre un autre Barjot aujourd’hui, le titre de champion du monde revient obligatoirement au fil des discussions ?
« Pas forcément… On évoque plus facilement de la cuisson de la côte de bœuf qui nous attend ! On reparle plus de ce qui nous liait à l’époque que le championnat du monde en lui-même. On aime à se rappeler qu’en finale, on avait tué les Croates. Mais sinon, on se remémore surtout nos conneries d’alors. »
Avez-vous fait des choses qui n’étaient pas racontables il y a vingt-cinq ans qui le sont aujourd’hui ?
« C’est comme aux États-Unis, cela sortira quarante ans après les faits. Il faudra donc être encore patient (rires). Je ne peux pas ouvrir le dossier. »
Stéphane Stoecklin en bref
- Né le 12 janvier 1969 à Bourgoin-Jallieu
- Arrière droit
- Clubs successifs : Bourgoin-Jallieu (1976-1985), Chambéry (1985-1988), Montpellier (1988-1990), Nîmes (1990-1994), PSG-Asnières (1994-1996), Minden (All, 1996-1998), Honda Suzuka (Jap, 1998-2003), Chambéry (2003-2006).
- 238 sélections en équipe de France, 898 buts
- Palmarès : deux fois champions de France (1991, 1993), vainqueur de la Coupe de France 1994, cinq fois champion du Japon (de 1999 à 2003), deux fois - vainqueur de la Coupe du Japon (1999, 2003).
- Médaille de bronze aux JO de 1992, champion du monde 1995, médaille d’argent au championnat du monde 1993, médaillé de bronze au championnat du monde 1997.
- Élu meilleur joueur du monde en 1997
LA FINALE
À Reykjavik, le 21 mai 1995, France bat Croatie 23-19 (mi-temps : 11-6). Arbitres Oie et Hogsnes (Finlande). 4900 spectateurs.
France : Gardiens : Martini (4 arrêts), Delattre (8 arrêts). Buteurs : Mahé, Volle (1), Lathoud (2), Kervadec (3), Monthurel (3), Anquetil (3 dt 2 pen.), Quintin, Munier (1), Richardson (2), Stoecklin (8 dt 2 pen.). Entraîneur : Costantini.
Croatie : Gardiens : Sola, Matosevic (22 arrêts). Buteurs : Perkovac, Smajlagic (4), Jovic (1), Nacinovic (1), Farkas (1), Bilic (5), Puc, Cavar (5), Goluza (1), Saracevic (1). Entraîneur : Zovko.
Évolution du score : 2-0, 2-1, 5-1, 8-3, 11-6 (mi-temps), 11-8, 13-10, 16-10, 16-12, 18-14, 20-14, 22-16, 22-18, 23-19.