CRITIQUE - Faut-il aller voir "Le Jeu de la reine" de Karim Aïnouz ?

CRITIQUE - Faut-il aller voir "Le Jeu de la reine" de Karim Aïnouz ?

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CRITIQUE - Faut-il aller voir "Le Jeu de la reine" de Karim Aïnouz ?

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"Le Jeu de la reine" de Karim Aïnouz avec Jude Law et Alicia Vikander
"Le Jeu de la reine" de Karim Aïnouz avec Jude Law et Alicia Vikander
- Brouhaha Entertainment

Après "La Vie invisible d'Eurídice Gusmão" et "Marin des Montagnes", Karim Aïnouz signe un thriller féministe en costume mélangé à du gore, adapté du best-seller de la romancière anglaise Elisabeth Fremantle. Les critiques du Masque & la Plume sont partagés.

Il était une fois un roi colérique et malade qui régnait sur un royaume corrompu. Tel est le décor planté par une voix off dès le début du film. Nous sommes dans l'Angleterre du XVIᵉ siècle, lors des derniers mois du règne d'Henry VIII qui répudia, ou fit décapiter, plusieurs de ses épouses. Il s'intéresse à la sixième et dernière d'entre elles, à savoir Catherine Parr. Brillante et réformiste, réussira-t-elle à survivre au milieu des cruautés de la cour et face à la monstruosité de son mari ?

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29 min

Le procédé de la femme qui est plus ou moins enfermée dans un château avec un homme qui risque de la tuer, ça reste très léger selon la critique des Cahiers du cinéma, qui a finalement assez peu marché. Elle fustige également une dramaturgie très très longue : "J'ai assez peu marché avec le suspense, l'idée étant que le roi se meurt puisqu'il est atteint de la gangrène à la jambe, et on comprend bien qu'il y a quelque chose de pourri dans son royaume. Mais cette idée 'est-ce qu'il mourra à temps, avant de la faire décapiter ?', j'ai trouvé ça très long. C'est un peu fâcheux d'être soporifique pour un film sur les Tudors.

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Mais ce qui m'a surtout étonnée, c'est que Karim Aïnouz, qui a signé des films très différents ces dernières années, est finalement ramené dans le lit de l'académisme. Plusieurs fois, Jude Law est très bon, mais au fond, on le reconnaît très vite comme étant Henry VIII dans un tableau d'Holbein. Il y a des références visuelles attendues, notamment la musique et la façon de filmer, mais tout cela s'avachit. Le film dure deux heures, il aurait pu en durer cinq, il n'est basé que sur cette idée de survival un peu délitée."

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Au contraire, le critique de 7e Obsession a été totalement séduit par l'idée d'insuffler de l'horreur psychologique dans un film historique : "Effectivement, Henri VIII, c'est Barbe-Bleue, c'est un serial killer qui a inventé pratiquement le principe, qui a tué son épouse. Il n'y a aucun suspense, car on sait qu'elle a survécu, donc après on admet bien volontiers ce qu'on peut raconter d'autre à ce sujet si ce n'est que de ramener le film historique sur un terreau d'horreur, de conte de fées morbide. On dirait presque du Mylène Farmer !

Il y a quelque chose d'absolument savoureux dans ce film. J'aime que ce soit gangrené par le stupre, par la violence, par le gore, que ça sente mauvais. J'aime qu'il aille poser sa caméra jusque dans la grenouille que dissèque la future Élisabeth Fremantle, fan déjà de science et d'esprit. C'est aussi ça l'histoire du film, ce n'est pas tant qu'elle survive, c'est l'héritage qu'elle va porter à Élisabeth, qui est celle qui va peut-être porter ses promesses un jour sur le trône."

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Si le critique et journaliste passionné d'histoire a bien aimé l'aspect relativement répugnant du film, il regrette que le film passe à côté d'un parti-pris féministe qui aurait pu grandement servir la dramaturgie : "Les scènes de sexe sont génialement monstrueuses, c'est assez fascinant. Mais il faut préciser que c'est une fiction historique où tout est faux. Et ce qui est intéressant, c'est l'idée de porter un parti-pris féministe là-dessus, qui fait du roi un monstre et de Catherine Parr une sorte de femme pure, pleine d'élan, de générosité. Sauf que le film dessert paradoxalement les rôles féminins, car en face, les personnages intéressants sont les hommes méchants à l'image de Jude Law qui est extraordinaire en tyran épuisé et monstrueux."

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C'est la première fois qu'un film consacre, selon elle, un biopic féministe de cette forme-là à une femme de l'époque médiévale et rien que pour ça, le film mérite d'être salué : "Henry VIII, il y a eu des pièces de théâtre, des films, beaucoup de choses et Catherine Parr, c'est la première fois qu'on la met au cœur d'un film. Je pense que l'histoire, à la limite, que ce soit proche ou pas de l'histoire, on s'en fiche. C'est une relecture de l'histoire qui veut nous raconter autre chose, c'est-à-dire la condition des femmes et notamment de cette classe aristocrate où les femmes étaient essentiellement là pour leurs fonctions reproductrices.

C'est très intéressant parce que d'abord Catherine Parr, c'est la première femme en Angleterre qui a jamais publié un livre. On déplace tout à coup le regard sur une femme de ce XVIᵉ siècle et on montre qu'une femme de ce temps-là peut être érudite, qu'elle n'est pas complètement sotte, qu'elle est vive.

Le film s'appelle "Le jeu de la reine" parce que c'est un jeu d'échecs en permanence, sauf qu'elle ne joue pas pour le plaisir intellectuel, elle joue pour sauver sa peau. Cette tension-là marche absolument bien dans le film."

16 min
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🎧 Écoutez l'ensemble des critiques échangées à propos de ce film sur le plateau du Masque et la Plume :

"Le Jeu de la reine" de Karim Aïnouz

7 min

► Toutes les autres critiques de films du Masque et la Plume  sont à retrouver ici.

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