Le fado, une « musique de l’âme » qui a traversé les époques

Le fado, une « musique de l’âme » qui a traversé les époques

Une fresque murale célébrant la Révolution des Oeillets d'avril 1974 dans les rues de Lisbonne (Portugal) ©Getty - Frédéric Soltan/Corbis
Une fresque murale célébrant la Révolution des Oeillets d'avril 1974 dans les rues de Lisbonne (Portugal) ©Getty - Frédéric Soltan/Corbis
Une fresque murale célébrant la Révolution des Oeillets d'avril 1974 dans les rues de Lisbonne (Portugal) ©Getty - Frédéric Soltan/Corbis
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Le Portugal commémore cette semaine les cinquante ans de la révolution des œillets, le coup d’Etat du 25 avril 1974 qui a mis fin à la dictature. Une journée où, comme souvent dans l’histoire du pays, le fado – la musique traditionnelle portugaise – a joué un rôle clé.

Il arrive parfois qu’une simple chanson change le cours de l’Histoire. C’est ce qui s’est produit au Portugal en avril 1974, lors du coup d’Etat qui a fait chuter la dictature Salazar. Dans la soirée du 25 avril, la radio officielle de l’Eglise se met à diffuser Grandola Vila Morena, un titre de José Afonso, grand artiste de fado dont la musique est alors censurée. C’est le signal qu’attendaient les militaires putschistes dans leurs casernes pour passer à l’action.

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Du jour au lendemain, cette chanson tirée d’un air rural traditionnel va devenir l’emblème de la révolution des œillets, et José Afonso – alias Zeca Afonso – sera célébré comme une légende vivante jusqu’à sa mort dans les années 1980. Son répertoire donnera lieu par la suite et jusqu'à nos jours, à un nombre incalculable d’hommages et de reprises.

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Le fado, bande-son du retour à démocratie ? Il y a là quelque chose de paradoxal, sachant que la dictature de Salazar en avait fait, dès les années 1930, un instrument de sa propagande au nom des valeurs traditionnelles du Portugal. La devise du régime, ce sont les « 3 F » : Fado, Football et Fatima. Les trois piliers du Portugal selon Salazar : l’église catholique, la passion du foot, et donc le fado, cette musique de l’âme qui exprime si bien l’essence de la nation portugaise.

Pour servir sa cause, la dictature va s'employer à domestiquer le fado. Car ce genre musical, né au début du XXè siècle dans des bas-fonds de Lisbonne, parle la langue des marins, des prostituées et des marginaux. Le régime qui s’installe va donc chercher à corseter cette expression musicale trop libre et potentiellement dangereuse. Désormais les artistes devront déclarer leurs textes à la censure avant de les enregistrer. La pratique sera très encadrée via des « maisons de fado ». Et les grands artistes du genre serviront bientôt d’ambassadeurs du Portugal à l’étranger.

Ce sera le cas de la plus célèbre de tous les fadistas, Amalia Rodrigues, adulée dans le monde entier, mais souvent accusée de servir la propagande de la dictature Salazar. Pourtant, certaines de ses chansons, comme Abandono (1962), témoignent d’une vraie indépendance d’esprit. Le texte évoque un détenu emprisonné parmi les opposants politiques. « A cause de ta libre pensée, ils t’ont enfermé au loin, là où ma complainte ne peut t’atteindre », chante Amalia. A l’époque, en 1962, la diva aurait tout à fait pu être censurée avec un texte aussi provocateur.

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Aujourd’hui, tout juste cinquante ans après la fin de la dictature, le fado est toujours bien vivant dans la culture portugaise. Mais cette musique a-t-elle encore quelque chose à dire, au-delà de son indéniable valeur touristique ? Ne court-elle pas le risque de la "muséification" ? Il faut pour cela aller chercher au-delà de la carte postale, ne pas se cantonner aux restaurants pour touristes de Lisbonne qui servent du fado à tous les repas.

Certains artistes s’efforcent de moderniser le fado tout en perpétuant la tradition. Dans les années 2000, c’était Cristina Branco ou Misia. Aujourd’hui, une chanteuse comme Lina a repris le flambeau. Son nouvel album Fado de Camoes rend hommage à un grand poète portugais chanté autrefois par Amalia Rodrigues. Un pied dans le passé donc, et l’autre bien ancré dans le présent, avec des sonorités actuelles – rock ou électro – et des collaborations originales, comme ici avec le jeune chanteur espagnol Rodrigo Cuevas :

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