François Olivennes, spécialiste de l’infertilité : « Il faut rassurer les hommes »
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François Olivennes, spécialiste de l’infertilité : « Il faut rassurer les hommes »

INTERVIEW - En trente ans d’exercice, le gynécologue et obstétricien Olivennes a rencontré des milliers de couples confrontés à l’infertilité et vu les techniques évoluer. Dans son livre « Mille et un bébés, Mes histoires extraordinaires de maternité », il raconte les dessous de ses consultations les plus marquantes.

Juliette Demey , Mis à jour le
Consultation d’urologie. Photo d’illustration.
Consultation d’urologie. Photo d’illustration. © Peakstock/SciencePhoto Librar/LDA/SciencePhotoLibrary via AFP

Obstétricien et spécialiste de l’infertilité et de la PMA, le professeur François Olivennes publie un livre* nourri des rencontres en cabinet. Alors que des scientifiques alertent sur l’augmentation de l’infertilité masculine, nos modes de vie affectant à la fois la quantité et la qualité de spermatozoïdes chez les hommes, François Olivennes fait le point sur les avancées scientifiques. Le gynécologue-obstétricien appelle également à plus de sensibilisation.

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Pourquoi un tel tabou entoure l’infertilité masculine ?
C’est vrai même lorsque celle-ci est d’origine féminine : les gens restent gênés à l’idée de l’évoquer. Lorsqu’elle atteint les hommes, il s’ajoute parfois une confusion entre infertilité et virilité. Parmi mes patients, j’ai des couples dont l’infertilité est d’origine masculine, et dont le mari ne vient pas en consultation ! J’ai le sentiment que beaucoup d’hommes n’ont pas envie d’y consacrer le temps qu’il faut. Il n’est pas rare qu’une patiente me dise : « Je suis désolée, mon mari n’a pas pu venir, il travaille. » Mais elle aussi !

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De fait, même quand l’infertilité ne vient pas d’elle, la femme se retrouve en charge de la réussite du projet... C’est une inégalité de genre énorme

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Pourquoi ne recherche-t-on pas systématiquement la cause chez l’homme ?
Elle l’est plus souvent d’abord chez la femme. Sans doute parce que c’est à elle que s’adressent les traitements. De fait, même quand l’infertilité ne vient pas d’elle, la femme se retrouve en charge de la réussite du projet : échographie, prises de sang, consignes, insémination... C’est une inégalité de genre énorme. Il y a vingt ans, des couples étaient traités pour infertilité sans que l’homme ait fait un spermogramme. Heureusement, ce n’est plus le cas.

Que dire à ceux qui y sont confrontés ?
Les rassurer. La technique de la micro-injection (ICSI), depuis 1992, a révolutionné la prise en charge de l’infertilité masculine. On peut désormais traiter quasiment toutes les atteintes. Les hommes dont le sperme est déficient peuvent bénéficier d’un traitement qui va aider à obtenir un embryon transférable dans l’utérus de la femme. Chez ceux qui n’ont aucun spermatozoïde, on peut prélever du tissu testiculaire et dans 60 à 70% des cas on réussit à en extraire des gamètes.

Que vous inspirent les projections inquiétantes sur la baisse de qualité du sperme ?
Au-delà des causes connues – le tabagisme, la consommation de cannabis et de certains médicaments – sur lesquelles il est facile d’agir, un certain nombre de produits toxiques sont aussi incriminés. Il y a eu une prise de conscience du rôle néfaste de ces perturbateurs endocriniens, avec une volonté de réduire notre exposition. Mais je reste optimiste. Car à l’inverse de la femme, qui dispose d’un stock donné d’ovules qu’elle ne peut renouveler, l’homme, lui, fabrique des spermatozoïdes en permanence. Je pense qu’on mettra au point des molécules pour empêcher cette dégradation. Et la PMA donne de bons résultats.

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Peut-être serait-il pertinent de distribuer une information systématique à la population

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Êtes-vous favorable à l’instauration d’une consultation gratuite dédiée à la fertilité à 17 ans ?
Cela permettrait d’éviter quelques consultations comme j’en ai : des femmes de 42 ans qui tombent des nues lorsque je leur dis qu’elles ne peuvent pas avoir d’enfant. Néanmoins je m’interroge sur l’âge auquel proposer cette consultation. À 17 ans, à 25 ans, est-ce que beaucoup de jeunes femmes et hommes saisiront cette occasion ? Organiseront-ils ensuite leur vie en fonction de ce qu’ils auront appris ? Je ne pense pas. Peut-être serait-il plus pertinent de distribuer une information systématique à la population, à l’image de celle que l’on reçoit tous sur le dépistage du cancer du côlon ou du sein. Et d’obliger tous les élèves de terminale à assister à une conférence d’information de deux heures avec un spécialiste de la fertilité.

Pourquoi avez-vous eu envie d’écrire ce livre, après trente ans d’expérience en PMA ?
Je voulais raconter ce que sont ces consultations particulières. J’ai choisi à dessein des histoires sortant de l’ordinaire, amusants ou plus douloureux. C’était une façon de montrer les enjeux, les méthodes et de décrire concrètement ce qu’est la PMA, par le prisme humain. On se met à la place du docteur Olivennes, et on rentre dans le cabinet par une porte dérobée, avec un récit différent à chaque chapitre.

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Après 38 ans, les techniques de PMA, hormis le don d’ovocyte, ne permettent pas toujours d’obtenir un succès

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Depuis ce poste d’observation privilégié, quelles évolutions vous ont marqué ?
Quand j’ai commencé, l’âge moyen des femmes en consultation était de 32 ans. Aujourd’hui, c’est 35 ans et demi. Il s’est produit un décalage progressif de l’âge de la première grossesse, en particulier dans les grandes villes. Cela s’ajoute à un taux très important de divorce, avec de nouvelles unions de couples plus âgés. Ces deux phénomènes aboutissent à un nombre croissant de femmes de plus de 38 ans à la recherche d’une grossesse. Ces dernières représentent aujourd’hui 30 à 35% de mes patientes. C’est énorme. Or à cet âge, les techniques de PMA, hormis le don d’ovocyte, ne permettent pas toujours d’obtenir un succès. La Sécurité sociale rembourse quatre tentatives de FIV. Le taux cumulé de grossesse, c’est-à-dire le pourcentage de chances d’avoir un enfant au bout des ces quatre essais, est de 40 % pour une femme de 40 ans. Au-delà, les succès sont encore moins nombreux.

Vous écrivez qu’il faut parfois savoir renoncer…
De fait, j’ai plus d’échecs à gérer dans mon cabinet. C’est difficile à vivre. Pour le médecin, cela demande d’être psychologue, dans une spécialité où on est débordés de demandes, avec un temps pas toujours extensible. Pour certains couples, avoir un enfant est déterminant. Ils se retrouvent démunis, trouvent cela injuste. Ils ne comprennent pas pourquoi la médecine ne veut pas les aider ; d’autant qu’ils voient circuler des histoires médiatisées de femmes plus âgées qui ont eu un bébé – sans dire qu’elles ont eu recours au don d’ovocyte. Cette solution est souvent vue comme un plan B par les couples, mais c’est une option extraordinaire qui doit donner de l’espoir : elle permet quasiment à toute femme d’avoir un enfant.

Mille et un bébés, Mes histoires extraordinaires de maternité (éd. Grasset).

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