Tout le Portugal défile au mariage de l’infante Maria Francisca de Bragance

Une petite montée de fièvre royale

Tout sourire, le très sympathique président portugais semblait s’amuser de cette nouvelle fièvre monarchique au Portugal en foulant le tapis rouge tandis qu’aux mats flottaient les drapeaux bleu et blanc de la monarchie lusitanienne abolie un 5 octobre en 1910… 113 ans jour pour jour exactement !

« Un bon président est un président qui se comporte comme un roi », avait l’habitude de répéter l’ancien président Mario Soares dont l’épouse assista, il y a 28 ans, au mariage des parents de Maria-Francisca. « Nous cohabitons parfaitement comme l’ancien et le nouveau Testament ! », plaisantait-il.

J’espère que le mariage fera la promotion de la cause monarchique.

Duarte de Sousa Araújo Martins

Imaginerait-on ailleurs que la télévision – la chaîne indépendante TVI – retransmette en direct l’intégralité des cérémonies de ce qui est là qualifié de « mariage royal » ?

« C’est l’héritage de notre Histoire », commentait sobrement la jeune infante à la veille de ses noces, tandis que son futur mari, un avocat d’affaires qui doit la conduire à Londres où ils vivront, faisait remarquer : « Quel que soit le système politique actuel, je crois que les Portugais sont inexorablement attachés à leur identité unique et rare : nous sommes un peuple lié à Dieu, à la terre, à notre histoire et à notre culture. Ce sont des éléments qui nous unissent d’une manière particulière les uns aux autres. J’espère que le mariage fera la promotion de la cause monarchique car il rappelle le fondement de cette identité que nous avons construite et héritée. »

Cérémonie au palais de Mafra, inscrit au patrimoine de l’Unesco

Aussi bien lui que Maria Francisca – affectueusement surnommée « Chica » dans sa famille – souhaitaient que leur union soit l’occasion de mettre à l’honneur les talents du Portugal. C’est la raison pour laquelle ils ont choisi de se marier au palais-couvent de Mafra, à 30 kilomètres de Lisbonne, ancienne résidence royale construite en 1717 par D. João V, en accomplissement d’un vœu si son épouse lui donnait une descendance.

Gigantesque palais de 40 000 m2 avec en son centre une basilique inspirée de Saint-Pierre de Rome coiffée d’une coupole culminant à 70 mètres, Mafra est inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. Petite revanche sur l’Histoire, les Bragance reviennent en grande pompe en ce lieu où le dernier roi de la dynastie, D. Manoel II, passa sa dernière nuit avant de partir en exil, suite à la proclamation de la République.

La foule des grands jours

En ce samedi 7 octobre, sur la place D. Joao V, la foule se presse dès les premières heures, agitant des bannières royales aux couleurs bleu et blanc frappées de l’écusson des Bragance couronné. Les badauds veulent à tout prix apercevoir les invités en jaquette de cérémonie, pour les hommes, robes et chapeaux, pour les dames. Ils ne seront pas déçus.

Les socialistes Pedro Santana Lopes ou Carlos Moedas, charismatique maire de Lisbonne, les anciens ministres Pedro Passos Coelho ou Pedro Portas, l’ancien Premier ministre et président de la Commission européenne, José Manuel Durão Barroso, les présidents de la région de Madère, Miguel Albuquerque, les figures républicaines de la politique portugaise de tous bords défilent devant eux.

Et aussi, parmi les chefs d’État présents, le président de la République du Timor oriental, José Ramos-Horta ou Fra’John Dunlap, nouveau 81e grand maître de l’Ordre Souverain de Malte.

Le gotha royal au rendez-vous 

Tandis que les groupes de danses folkloriques « ranchos » animent la place, le gotha prend place dans la basilique : les princes Louis et Sébastien de Luxembourg, le prince et la princesse Philippe von und zu Liechtenstein, la princesse Gloria von Thurn-und-Taxis escortée par son fils le prince Albrecht, les princes de Ligne, le duc de Wurtemberg, le prince Ludwig et la princesse Sophie de Bavière...

Sont également présents le prince Georg Friedrich de Prusse, l’archiduc Georg d’Autriche, ambassadeur de Hongrie en France, le prince Jean d’Orléans et la princesse Philomena (qui attend son sixième enfant) comte et comtesse de Paris, le prince Leka d’Albanie, le grand-duc Georges de Russie avec son épouse Rebecca Victoria et sa mère, la grande-duchesse Maria Vladimirovna, sans compter la nombreuse parentèle brésilienne des Orléans-et-Bragance, tous réunis pour une cousinade de plusieurs centaines de membres.

Une robe en mikado de soie dessinée par Luzia de Nascimento

Quand la calèche tirée par des chevaux lusitaniens transportant l’infante Dona Maria Francisca et son père Dom Duarte se présente sur la place, la foule l’acclame, au cri de « Viva o rei » (Vive le roi) tout en agitant frénétiquement des bannières royales.

Moderne et minimaliste, avec des lignes droites et un léger décolleté, la robe de la mariée, dessinée par la styliste Luzia de Nascimento, amie de la duchesse Isabel de Bragance, est en mikado de soie, avec une traîne de trois mètres et un voile en tulle de soie retenu par le diadème historique aux 800 diamants de la reine Amélie de Portugal – une princesse d’Orléans, française – qui l’avait reçu pour son mariage en 1886 et qu’elle légua à son filleul D. Duarte, duc de Bragance.

Le président portugais enfin arrivé, père et fille foulent le tapis rouge jusqu’à la basilique et remontent l’impressionnante nef jusqu’à l’autel où le haut clergé portugais va célébrer la consécration du mariage, D. Manuel Clemente, patriarche de Lisbonne et primat de l’Église en tête, avec le cardinal Americo de Aguiar. La messe est magnifiquement ponctuée de chants interprétés par la soprano Maria Isabel Seabra Galante D’Avilla de Goes Vilallonga.

Émotion familiale

Au moment de l’échange des consentements, l’émotion qui étreint le père de Maria Francisca, D. Duarte, soudain plus frêle à 78 ans, est palpable, tandis que ses deux fils, D. Afonso, prince de Beira et son frère cadet, D. Dinis, duc de Porto, peinent à cacher leur trouble de voir leur sœur quitter le nid familial. La bénédiction apostolique du pape François vient clôturer la cérémonie religieuse retransmise sur grand écran devant le palais de Mafra.

Nous voulons que notre mariage exalte la culture portugaise

Maria Francisca

Le premier geste des jeunes mariés sera d’aller à la rencontre de ce public qui les acclame : « Viva os noivos » (Vive les mariés). Réalisé par le chef Hélio Lourenço, le premier gâteau, un délice aux noix ayant nécessité 60 kg de ce fruit à coque et 250 œufs, sera partagé avec tous. Sa décoration s’inspirait du célèbre filigrane de Gondomar.

Dans le cloître du palais-couvent, un second gâteau attend les invités, ainsi qu’un festival de saveurs dont des verrines de bacalhau-a-bras, des favas, du veau de Barrosa, des pasteis de nata, des queijadas de Sintra, des croquettes de viande… autant de délices de la cuisine lusitanienne.

Voyage de noce au Maroc... pour de l'humanitaire

« Nous voulons que notre mariage exalte la culture portugaise », avait dit Maria Francisca qui, chaque année, remet un prix de Peinture et Sculpture au sein de l’Université de Porto. Après la soirée dansante qui se prolongea à Sintra, Duarte et Maria Francisca se sont envolés pour une courte lune de miel au Maroc…

Ils doivent y prêter main-forte aux volontaires qui secourent encore les victimes du récent tremblement de terre. « Nous sommes ici pour servir », dit le jeune couple animé par la même foi catholique et l’envie d’être utiles aux autres. Peut-être est-ce de cela que sont aussi faits les contes de fées, fussent-ils princiers…