Europe

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Érosion du modèle européen, marasme hors des frontières de l'Union européenne

La Hongrie, la Grèce et les Balkans à la dérive

Statu quo pour une bonne partie des pays de l’Union européenne. Parmi eux, 16 figurent toujours dans les 30 premières places. Un résultat à première vue encourageant s’il ne masquait pas l’érosion lente d’un modèle européen confronté à ses nombreuses incohérences et à des situations inquiétantes au sein des 11 autres pays membres, dont certains évoluent aujourd’hui au delà de la 80ème place. L’hémorragie législative entamée en 2011 ne s’infléchit pas en 2012, notamment en Italie (57ème, +4) la dépénalisation de la diffamation n'est toujours pas acquise et où les institutions instrumentalisent dangereusement les « lois bâillons ». Le marasme publicitaire et les coupes budgétaires, qui entraînent une fragilisation constante du modèle économique du secteur médiatique, commencent également à faire sentir leurs effets. Dans l’attente de la concrétisation des promesses du nouveau gouvernement sur le secret des sources, l’audiovisuel public et Internet, la France (37ème, +1) maintient sa position. La Hongrie (56ème, -16) paie toujours le prix de ses réformes législatives liberticides qui ont considérablement modifié la pratique du journalisme. Plus inquiétant cependant, la chute vertigineuse de la Grèce (84ème, -14) où les journalistes évoluent dans un contexte social et professionnel désastreux. Exposés à la vindicte populaire et toujours confontés à la violence des mouvances extrémistes et des forces de police, journalistes et photo-reporters doivent désomais faire face à l’activisme ultra violent des néo-nazis du parti Aube Dorée. Le pays rejoint désormais la Bulgarie (87ème, -7) où les promesses de réformes sont restées lettre morte et où Internet n'offre désormais plus le même refuge aux journalistes indépendants. La Croatie (64ème, +4), qui doit rejoindre l’Union européenne en juin 2013, et la Serbie (63ème, +17) présentent un bilan mitigé. La poursuite des réformes législatives entraîne de fait une amélioration sans faire oublier les nombreux obstacles et la persistance des anciennes pratiques qui nuisent toujours au journalisme indépendant. L’Albanie (102ème, -6), le Monténégro (113ème, -6) mais surtout la Macédoine (116ème, -22) ferment le classement des pays des Balkans et partagent un triste constat : acharnement judiciaire basé sur la pratique d’une législation souvent inadaptée, impossibilité d’accés aux données publiques, violence physique et morale contre les acteurs de l’information, marchés publicitaires institutionnels et privés instrumentalisés, emprise de l’économie grise sur les principaux rouages du système médiatique. Autant d’obstacles au droit d’informer et d’être informé. S’inspirant par ailleurs dangereusement des exemples hongrois ou italiens, le parlement macédonien organise désormais la « légalisation de la censure », souflant en permanence le chaud et le froid sur une profession souvent esseulée.

La course vers le bas de l’Europe de l’Est et de l’Asie centrale

Des “modèles régionaux” indignes En dépit d’un paysage médiatique pluraliste et vivace, la Turquie (154ème, -6) s’enracine à une place infamante au regard du rôle de « modèle régional » auquel elle aspire. Au nom de la « lutte contre le terrorisme », la démocratie turque est aujourd’hui la plus grande prison du monde pour les journalistes. La paranoïa sécuritaire de l’État, qui tend à voir en chaque critique le résultat de complots ourdis par diverses organisations illégales, s’est encore accentuée au cours d’une année marquée par un fort regain de tension sur la question kurde. L’annonce d’une réforme de la loi antiterroriste, maintes fois promise et repoussée, et la reprise du dialogue entre les autorités et la rébellion kurde du PKK, aboutiront-elles à un réel changement d’approche ? La Russie (148ème, -6) a donné le ton d’une année 2012 marquée par des durcissements répressifs dans l’espace ex-soviétique. Si les manifestations de l’opposition, d’une ampleur inédite, ont révélé au grand jour une société civile plus vocale que jamais, l’État y a répondu par une répression tous azimuts : re-pénalisation de la diffamation, contrôle accru d’Internet, criminalisation des ONG de défense des droits de l’homme financées par l’étranger… Une nouvelle ère s’ouvre dans laquelle les rapports entre l’État et la société ne seront plus jamais les mêmes, mais pour la liberté de l’information, les défis à relever restent immenses. Alors qu’elle vient de prendre la présidence tournante de l’OSCE, l’Ukraine (126ème, -10) le pire bilan pour les médias depuis la « révolution orange » de 2004. Chroniquement élevé, le niveau de violence à l’encontre des journalistes atteint des records, dans la plus grande impunité. Ce climat malsain ne fait que renforcer la vulnérabilité des médias indépendants face à des pressions de plus en plus fortes. L’année 2012 marque un tournant au Kazakhstan (160ème, -6). Engagé dans une fuite en avant répressive, le régime du président Noursoultan Nazarbaïev se rapproche de plus en plus du « modèle » ultra-autoritaire de ses voisins ouzbek et turkmène. Marquée par des tentatives d’assassinats, des arrestations et diverses manœuvres d’intimidation à l’égard des journalistes indépendants, l’année se termine avec la fermeture pure et simple des principaux médias d’opposition nationaux. Mise en place d’une armée de « volontaires » chargés de la surveillance du Net, blocage de plus en plus régulier de sites d’information indépendants ou de Facebook… Le Tadjikistan (123ème, -1) met les bouchées doubles pour rattraper son retard sur ses voisins en matière de cybercensure. Azerbaïdjan et Bélarus : retour au statu quo La remontée de l’Azerbaïdjan (156ème, +6) et du Bélarus (157ème, +11) n’a rien de vraiment réjouissant : elle ne correspond qu’à un retour partiel au statu quo ante, après une année 2011 marquée par la violente répression de mouvements de contestation. Par dizaines, interpellations et passages à tabac de journalistes avaient alors précipité ces dictatures vers les tréfonds du classement mondial. Mais l’horizon est loin de se dégager à l’ombre des ego démesurés d’Alexandre Loukachenko et d’Ilham Aliev : journalistes indépendants et net-citoyens courent toujours de grands risques en remplissant leur mission d’information. En Azerbaïdjan, l’étau se resserre sur ce qui reste de la presse d’opposition et plusieurs journalistes croupissent en prison, sans avoir été jugés, dans des conditions de détention déplorables. 2013 s’ouvre avec de nouvelles arrestations et brutalisations massives, qui promettent une nouvelle glissade du pays dans la prochaine édition du classement. En queue de classement, Turkménistan et Ouzbékistan restent un enfer pour les journalistes En Ouzbékistan (164ème, -7) et au Turkménistan (177ème, 0), les années passent et se ressemblent. Alors qu’elle parfait son contrôle d’Internet, la sinistre dictature du président ouzbek Islam Karimov maintient toujours une mainmise étroite sur les médias et une dizaine de journalistes emprisonnés dans des conditions effroyables. La proclamation officielle du multipartisme et de la liberté d’expression n’a rien changé en pratique au totalitarisme du régime turkmène, qui voisine comme chaque année avec la Corée du Nord et l’Érythrée dans le Classement mondial. « Réélu » triomphalement avec 97% des voix en février 2012, le président Gourbangouly Berdymoukhammedov, désormais officiellement qualifié de « protecteur » de la nation, accélère la mise en place de son propre culte de la personnalité. Un « peloton de tête » très étalé, des défis similaires Malgré leur importante dispersion dans cette édition du classement mondial, la Moldavie (55ème, -2), l’Arménie (74ème, +3), la Géorgie (100ème, +4) et le Kirghizstan (106ème, +2) partagent un certain nombre de caractéristiques communes. Marqués par un pluralisme important et un faible degré de censure étatique, ces pays ont encore d’importants défis à relever en matière d’indépendance des médias et de climat de travail des journalistes. Souvent pris à partie dans des sociétés fortement polarisées, ces derniers restent la proie facile de divers groupes de pression.
Publié le
Updated on 20.01.2016