Olivier Père

Cette sacrée vérité de Leo McCarey

Leo McCarey (1898-1969) fut à la fois le réalisateur le plus discret, le plus modeste et le plus génial de l’âge d’or du cinéma hollywoodien. D’abord chansonnier, puis gagman et « inventeur » du couple Laurel et Hardy, il a exercé son talent dans le domaine du mélodrame (les deux versions de Elle et Lui) et de la comédie (La Soupe au canard, le meilleur film des Marx Brothers), sans compter quelques chefs-d’oeuvre inclassables comme Place aux jeunes. Cette sacrée vérité (The Awful Truth, 1937) est un classique absolu de la comédie américaine. Situé dans la lignée de Lubitsch, le film se révèle la fois hilarant et sophistiqué, burlesque et d’une classe folle grâce à ses deux interprètes, Cary Grant et Irene Dunne. Le film fait partie des sept comédies repérées par le philosophe Stanley Cavell pour établir dans son fameux essai A la recherche du bonheur – Hollywood et la comédie du remariage (1981) le genre de la « comédie du remariage ». Il ne s’agit plus, comme dans la comédie classique, d’unir un jeune homme et une jeune femme et de les conduire au bonheur malgré des difficultés extérieures, mais de « ré-unir » deux personnes (mariées ou non) après une séparation, dans la recherche d’un bonheur nouveau et différent, en dépit d’obstacles intérieurs. Dans le film de McCarey, une situation de départ plutôt triste (un couple se soupçonne mutuellement d’infidélité et décide de divorcer) bascule dans la comédie (ils se disputent la garde de leur chien), avec un enchainement de gags et de quiproquos de plus en plus drôles. Il est permis de considérer que Cette sacrée vérité porte à sa perfection la « screwball comedy », qu’on pourrait traduire par « comédie loufoque ».  Cette perfection repose, et c’est important de le préciser, en grande partie sur l’improvisation d’acteurs géniaux, encouragé par leur metteur en scène. McCarey, qui avait été formé sur des courts métrages muets burlesques, travaillait sans script, une méthode totalement atypique dans le système des studios des années 30, qui rendait fou son producteur et déconcerta dans un premier temps Cary Grant.

 

Wild Side Vidéo a édité ce très beau coffret (combo BR/DVD) dans sa collection consacrée aux classiques du cinéma américain. La critique Charlotte Garçon se livre à une présentation de l’art de McCarey ainsi qu’à une analyse du film, toutes deux remarquables. Un livre richement illustré avec des documents et archives d’époque retrace l’histoire et la production du film : une mine de renseignements pour les cinéphiles.

 

Catégories : Actualités

Un commentaire

  1. Samuel Attias dit :

    Bonsoir Olivier,

    C’est vraiment génial ! En effet, McCarey est véritablement le roi de la screwball comédie. Cary Grant est extraordinaire dans celui-là. Je l’adore aussi dans une autre screwball faite bien plus tard : « Monkey Business » de Hawks. Cette fois-ci, sa partenaire n’est pas Irene Dunne mais Ginger Rogers, et il y a même Marilyn Monroe ! Un peu plus tôt, en 1933/34, je crois, il y a eu aussi « It Happens One Night » avec Gable et Claudette Colbert. Je trouve que dans ce film, les thèmes sont assez intéressants par rapport à la comédie classique !

    Merci également pour l’anecdote au sujet du mode de travail de McCarey… J’ignorais sa méthode assez atypique d’improvisation pour les années 30 à Hollywood. Avez-vous une petite liste à nous faire parvenir en matière de screwball ? Je vous remercie et bonne fête. Bien à vous.

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