Splendeurs et mis�res des courtisanes - Babelio
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Splendeurs et mis�res des courtisanes tome 0 sur 3

Pierre Barb�ris (�diteur scientifique)
EAN : 9782070364053
694 pages
Gallimard (20/06/1973)
4.16/5   854 notes
R�sum� :
F�vrier 1824. Une ancienne courtisane, Esther Gobseck, se rend au bal masqu� de l�Op�ra en compagnie de Lucien de Rubempr�, dont elle s�est �prise. En d�pit de son d�guisement, elle est reconnue et moqu�e ; d�sesp�r�e, elle tente de se donner la mort quand l�abb� Carlos Herrera survient et la sauve.
Comme Lucien, elle est d�sormais sous sa coupe, et, quand le banquier Nucingen tombe amoureux d�elle, l�abb� ne la lui c�dera qu�en �change d�un million pour perm... >Voir plus
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Splendeurs et mis�res des courtisanes, c'est d'abord un magnifique titre pour le second plus long roman d'Honor� de Balzac apr�s Illusions perdues, dont il constitue une suite ou un prolongement. Il fait du personnage central des Illusions, Lucien de Rubempr�, un personnage secondaire mais essentiel autour duquel vont graviter deux personnages successivement centraux : la courtisane tout d'abord et le mentor ensuite.

L'ouvrage est constitu� de quatre parties, � peu pr�s �quivalentes en volume, les deux premi�res centr�es sur le personnage de la courtisane et les deux derni�res sur celui du mentor. D�s � pr�sent, on pourrait remarquer que cet ensemble aurait pu constituer deux ensembles distincts et que son titre, fait en r�alit� r�f�rence uniquement � la premi�re moiti� du livre.

Ouvrage composite, ouvrage complexe car il se pr�sente comme une clef de vo�te de la Com�die Humaine. C'est une pi�ce centrale qui relie m�caniquement beaucoup de chefs-d'oeuvres de cet ensemble en ogive : les sublimes Illusions perdues, d�j� mentionn�es, mais �galement le tr�s fameux P�re Goriot, ou encore des petits romans comme Gobseck, La Maison Nucingen, L'Interdiction ainsi que quelques autres, de fa�on plus t�nue.

Splendeurs et mis�res des courtisanes, c'est une sorte de portrait en creux : le sujet �tant la r�ussite sociale et mondaine, l'accession � un poste de premier plan � l'�chelle nationale, � l'�poque de la Restauration (aux alentours de 1830). Il y est bien s�r question de la r�ussite de Lucien, qui passerait par un beau mariage, mais ce n'est pas le centre d'int�r�t de l'auteur. Celui-ci s'int�resse aux �-c�t�s de cette ascension.

En ce sens, l'analyse d'un ph�nom�ne humain sous la Restauration au XIX� s. que nous propose ce roman pourrait �tayer avantageusement et nous �tre pr�cieuse pour la compr�hension fine de ph�nom�nes humains similaires du XXI� s. tels que l'ascension vertigineuse d'un certain Emmanuel M., par exemple, mais on pourrait en cibler beaucoup d'autres. Et c'est en ce sens, quoi qu'on en pense et quoi qu'on en dise, que Balzac est vraiment tr�s, tr�s fort : il touche � des caract�ristiques universelles de la m�canique humaine, ce qu'il nommait " la com�die humaine ". Et bien qu'on ne parle plus ni de monarchie, ni du XIX�me si�cle, ses observations et ses conclusions restent valables des si�cles apr�s leur formulation et n'importe o� dans le monde. Voil� la force De Balzac.

La courtisane, tr�s comparable au personnage de Coralie dans les Illusions perdue et qui annonce grandement la Josepha de la Cousine Bette, sera ici la jolie juive, la sublimissime Esther, surnomm�e " la torpille " tant elle tape dans l'oeil de tous les hommes qui posent le regard sur ses charmes. Cette femme, cette demi-mondaine, va subir une transformation sous l'action de qui vous verrez (il ne faut pas que je vous en d�voile de trop). de sorte qu'Esther va peu � peu se muer en formidable tremplin pour Lucien. Tremplin pour quoi ? Qu'advient-il du tremplin ? �a, je vous laisse le plaisir de le d�couvrir par vous m�me, quoique, si vous �tes perspicaces, le titre vous donnera peut-�tre une l�g�re indication.

Le destin d'Esther n'est pas sans m'�voquer celui de Christine Deviers-Joncour. Rien dans le cynisme et l'utilisation incroyablement m�prisante voire humiliante des femmes aux plus hauts �chelons de l'�tat n'a v�ritablement chang� de nos jours. Combien d'Esther encore de par le monde � l'heure qu'il est ? Balzac a le m�rite de nous sensibiliser � leur triste destin, m�me s'il peut para�tre enviable, vu de loin, de tr�s loin�

Venons-en � pr�sent � la seconde moiti� du livre et � ce mentor d'exception qui souhaite � tout prix faire r�ussir Lucien. C'est bien le " � tout prix " qui compte ici. On pourrait m�me ajouter un proverbe : la fin justifie les moyens. Qui donc, parmi la galerie de portraits de la Com�die humaine a les �paules assez solides et l'audace assez haut plac�e pour ne reculer devant rien, mais ce qui s'appelle rien ? Vous l'avez reconnu ? Nom de code : Trompe-la-mort, cela �voquera peut-�tre quelques souvenirs � certains, quant aux autres, je vous invite � venir d�couvrir le personnage si vous ne le connaissez d�j� (peut-�tre sous une autre appellation).

C'est l'occasion pour Balzac de nous emmener dans les coulisses de la justice de 1830 mais dont vous constaterez qu'elle n'a pas si fondamentalement chang� depuis lors. C'est aussi l'occasion de nous �voquer l'action souterraine de la police secr�te, qu'on d�signait il y a peu encore par les deux lettres RG et qui depuis a encore chang� de nom, mais dont les attributs plus ou moins troubles demeurent.

Le romancier s'inspire tr�s fortement d'un personnage historique ayant r�ellement exist� : Vidocq. Mais, et c'est l� encore une des grandes r�ussites sociologiques de la Com�die humaine, � divers endroits du monde des 3/4 malfrats ont jou� des r�les d'auxiliaires de " justice " (avec toutes les r�serves possibles que l'on peut �mettre sur cette notion). On sait par exemple que pour chasser les banksters des ann�es 1930, Franklin D. Roosevelt a fait appel � l'un des meilleurs d'entre eux, un certain Kennedy, p�re d'un futur pr�sident am�ricain assassin�, on se demande bien pourquoi.

Plus pr�s de nous, en France, il y a peu encore, �tienne L�andri a jou� ce r�le du temps de Charles Pasqua. de nos jours, de par le monde, combien de Trompe-la-mort continuent d'officier en sous main, parfois pour la cause de leur gouvernement, parfois pour leurs int�r�ts propres ?

Bref, vous le voyez, un tr�s, tr�s grand Balzac, encore une fois, dont le projet litt�raire n'est pas si �loign� de ce qui se fait � l'heure actuelle en terme de s�ries, je pense notamment � la s�rie exceptionnelle The Wire (Sur �coute en fran�ais) de David Simon.

Litt�rairement parlant, j'aurais peut-�tre un ou deux petits b�mols � apporter, notamment dans la troisi�me partie o� les descriptions de la Conciergerie ne me semblent pas toutes indispensables. L'accent syst�matique yiddisho-alsacien de Nucingen est un peu fatigant � la longue. Certains personnages sont peut-�tre un peu exag�r�s, je pense principalement � celle qui est surnomm�e " Asie ". C'est s�rement vrai aussi de quelques autres, mais pour le reste, un vrai grand plaisir de lecture sans cesse renouvel� sur plus de 500 pages, ce qui m'incite � vous conseiller vivement la lecture de ce roman. En outre, souvenez-vous que tout ceci n'est que mon avis, splendide pour certains, mis�rable pour d'autres donc, si l'on fait une moyenne, pas grand-chose. (CQFD)
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Un Balzac giratoire !
Combien de rues, avenues, carrefours, stations de m�tro, animaux de compagnie, boutiques, restaurants ou g�teaux (ah, non le Saint Honor�, ce n'est pas lui !) portent d�j� le p�digr�e du Napol�on des Lettres ? Et pas un seul croisement ne porte sa d�dicace alors qu'il est le g�nie du carrefour litt�raire.
A quand donc le bapt�me d'un rond-point pour honorer Honor� et ce chef d'oeuvre absolu qui concentre pas moins de 273 personnages dont la plupart sont de vieilles connaissances de nos lectures scolaires plus ou moins impos�es et qui symbolise si merveilleusement le projet gargantuesque de l'inventeur du roman moderne.
Je n'aurai pas la pr�tention d'annoncer comme une ancienne ministre aux traits tr�s �tir�s, qui parle trop pour ne rien dire pour avoir le temps de lire, que j'ai d�vor� les 93 romans de la Com�die Humaine (c'est un challenge que je r�serve pour mes tr�s vieux jours) mais j'ai d�j� consomm� du Balzac sans mod�ration et Splendeurs et mis�res des courtisanes m�rite le panth�on de mes lectures.
C'est autant la suite d'Illusions Perdues que l'apoth�ose du P�re Goriot. C'est surtout la vengeance ultime du personnage de Vautrin et la victoire sans appel de l'ambition sur la morale. Fini le roman d'apprentissage et les d�pucelages de jeunes provinciaux par des bourgeoises d�soeuvr�es. Les h�ros de splendeurs et mis�res des courtisanes ont �t� d�niais�s par la vie. Rastignac est un arriviste qui est arriv�, Lucien de Rubempr� n'a plus beaucoup d'illusions et devient la marionnette de Vautrin, la belle Esther est une ancienne courtisane surnomm�e la Torpille (tout un programme !) qui ne survit que pour l'amour de Lucien et le banquier Nucingen est d�vor� par le d�mon de midi qui s'�veille plut�t dans un cinq � sept.
L'histoire ne se raconte pas, elle se d�vore. Elle a autant enrichi mon �t� qu'un voyage. Vautrin, l'ancien bagnard d�guis� en pr�tre, alias Trompe-la-Mort, alias Carlos Herrera, sosie cach� de Vidocq, sponsorise le retour de Lucien de Rubempr� dans le Grand Monde � Paris avec l'ambition de lui faire �pouser une jeune fille d'une illustre famille aristocratique, label bleu, AOC, Appellation d'Origine Cossue.
Le plan se heurte � plusieurs �cueils : Lucien est amoureux d'une ancienne courtisane, Esther Gobseck, le potentiel beau-p�re se m�fie des intentions du bell�tre, exige une caution d'un million pour autoriser le mariage et les comploteurs doivent faire face � des policiers aussi retors qu'eux. Un plan avec accrocs.
Pour financer l'op�ration, Vautrin va utiliser les charmes de la belle Esther et son esprit de sacrifice pour plumer le banquier Nucingen, lourd volatile.
Balzac offre ici avec un panache extraordinaire le mode d'emploi de la machinerie sociale de son si�cle, aussi complexe � d�chiffrer qu'un canap� Ikea. Jeux de masques et des apparences, tout est dans l'emballage. La vie chez Balzac se r�sume � une conqu�te d�pourvue de morale pour le pouvoir, les hommes ou les femmes, l'argent et le statut social. Des vertus r�duites � peau de chagrin, � faire chouiner un chouan, du d�veloppement personnel qui ne passe pas par la m�thode Cou� ou des s�ances de yoga en tenue de lycra fa�on Salami mais par une ambition impitoyable, et un d�nouement qui consacre la canaille. Balzac n'�tait pas un g�nie de la pens�e positive. Ses personnages se suicident encore plus facilement que ceux de Zweig.
Balzac �crivait des histoires pour que les gens arr�tent de se raconter des histoires. Il portait d�j� le deuil des transcendances.
Un rond-point incontournable !
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Splendeurs et mis�res des courtisanes commencent l� o� Les illusions perdues se terminent. Lucien de Rubempr�, gr�ce au soutien du myst�rieux abb� Carlos Herrera revient triomphalement dans la capitale fran�aise. Ce Paris qui l'avait d�daigneusement rejet� l'accepte maintenant les bras (presque) grands ouverts. Eug�ne de Rastignac, la comtesse de S�risy et la duchesse de Maufrigneuse en font leur prot�g�. Il est m�me question d'un mariage avec la fille de la duchesse de Grandlieu.

Attention, spoiler !

Les magouilles de l'abb� Herrera visant � faire recouvrer sa fortune � Lucien font beaucoup parler et plusieurs commencent � douter. La mort d'Esther fait s'�crouler ce ch�teau de cartes. Il appara�t que cette courtisane se prostituait et soutirait des fortunes au baron de Nucingen pour les distribuer � son amoureux Lucien. le jeune homme, emprisonn�, est trop faible et il n'arrive pas � se d�fendre correctement.

Ce roman De Balzac d�passe grandement l'histoire de Lucien de Rubempr�. D'ailleurs, celui-ci, dispara�t avant la fin du roman. Ce sont les femmes, des courtisanes, qui, si elles n'occupent pas toujours une place de premier plan, n'en ont pas moins un r�le d�terminant. D'abord, le d�sir de vengeance de Mme de Bargeton et de son cercle d'amies joue pour beaucoup. Toutefois, Esther symbolise la courtisane par excellence : elle r�ussit � merveille � exploiter la passion du baron de Nucingen. Et ce n'est pas qu'une jolie femme. Elle tente de sa racheter de son ancienne vie de prostitu�e, h�site � se donner � son soupirant, sa conscience la travaille. Il y a aussi la duchesse de Maufrigneuse qui intervient dans le proc�s de Lucien et la comtesse de S�risy qui va jusqu'� obtenir de son mari qu'il use de toute son influence dans l'affaire. D'un autre c�t�, l'�pouse du juge Camesot intrigue pour favoriser l'avancement de son mari. Bref, des femmes avec leur agenda qui tissent le destin des hommes qu'elles croisent�

Ceci dit, Splendeurs et mis�res des courtisanes est �galement une histoire de r�demption. Alors que Lucien sombre rapidement dans le d�sespoir, tout le g�nie de l'abb� Herrera se met en branle. Il joue de ruse et d'intelligence contre les forces de l'ordre qui le soup�onnent �tre nul autre que l'ancien bagnard Jacques Collin, alias Vautrin, aussi surnomm� Trompe-la-mort. Il porte le roman sur ses �paules dans la derni�re partie du roman. Quand son prot�g� commet l'irr�parable, il vit un moment de profonde tristesse et d'abattement mais se reprend vite en main. Mieux, il d�laisse le crime pour rejoindre la police.

Balzac a le m�rite de d�peindre r�alistiquement et extraordinairement bien les Paris du d�but du XIXe si�cle. Oui, oui, les Paris. Celui des pauvres gens, des chaumi�res, des ruelles sombres, des prisons, etc. Mais aussi celui de l'�lite, qu'on retrouve � l'op�ra et dans les salons priv�s. J'en retrouve l'�cho dans la Recherche du temps perdu, de Marcel Proust. Malheureusement, soit les lecteurs de l'�poque �taient ignares, soit l'auteur aimait s'�pandre en descriptions. Parfois, son c�t� p�dagogue m'a agac�, particuli�rement quand il se sent oblig� d'expliquer en long et en large la justice fran�aise, le monde des for�ats, etc. Quant � moi, quelques lignes auraient suffi. Cette lourdeur m'a ennuy� plus que tout. Mais bon, les personnages, int�ressants, complexes, surprenants, plus grands que nature, ont compens� amplement. Bref, j'ai fix� � mon agenda des rendez-vous avec d'autres tomes de cette fresque qu'est la Com�die Humaine.
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Nous avions laiss� ce petit cr�tin narcissique de Lucien de Rubempr� seul et d�sesp�r� � la fin des �Illusions perdues� - il y avait de quoi puisque l'andouille avait ruin� par sa b�tise et son �gocentrisme son adorable soeur et son brave beau-fr�re - et c'est avec un plaisir mitig� que nous le retrouvons au d�but de �Splendeurs et mis�res des courtisanes� gliss� � nouveau dans son r�le de dandy d�pensier. Comme Lucien a-t-il effectu� cette surprenante remont�e ? On se doute bien qu'il n'y est pas arriv� tout seul, allez ! Car le mignon petit chien de manchon s'est trouv� un lion pour protecteur, un redoutable personnage � la carrure du taureau et au temp�rament de b�te fauve, le myst�rieux abb� Carlos Herrera. Non content de propulser son poulain aux premiers rangs de la bonne soci�t�, celui-ci a d�cid� de lui faire �pouser une fille de duc ni trop jolie, ni trop laide, mais abondamment dot�e. H�las, Lucien s'est amourach� d'une belle courtisane, la divine Esther dites �La Torpille� pour les intimes... Il ne veut pas s'en passer ? Tant pis, on fera avec ! Mieux encore, on utilisera les charmes de la belle pour enrichir encore davantage le jeune sot et lui ouvrir ainsi un chemin tout trac� vers la gloire et la fortune. A moins que ce ne soit vers la potence, bien entendu.

Avec ce roman, nous sommes clairement dans un format beaucoup plus feuilletonnant que celui des �Illusions perdues� et du �P�re Goriot�, laissant la part belle aux rebondissements multiples et au pur divertissement. A mon sens, c'est � la fois un mal et un bien. Ce que le r�cit perd en finesse psychologique et en profondeur, il le gagne en vivacit� et en dynamisme et ces �Splendeurs et mis�res des courtisanes� s'av�rent beaucoup plus digestes que les - un poil - interminables �Illusions perdues� qui les pr�c�daient. Heureusement, la m�chancet� De Balzac est toujours l�, venimeuse et f�roce, et c'est avec un vif plaisir qu'on le verra, tout au long de sa narration, se livrer � un matraquage enthousiaste des milieux financiers, politiques et judiciaires. Balzac se moque de tout : l'amour, le sacr�, la noblesse, la richesse� M�me les quelques sc�nes path�tiques qui �maillent le r�cit m'ont sembl�es lourdes de second degr� et, m�me au coeur de la trag�die la plus noire, le cynisme rigolard ne manque jamais de pointer son nez.

�Splendeurs et mis�res des courtisanes�, c'est aussi le r�cit de la premi�re grande passion ouvertement homosexuelle de la litt�rature fran�aise. Rien que pour �a, avouez que �a vaut le d�tour ! On avait d�j� remarqu� l'int�r�t de Vautrin - r�apparaissant ici sous le masque de l'abb� Carlos Herrera - pour les beaux jeunes hommes facilement influen�ables dans les romans pr�c�dents. Ici, cet int�r�t se concr�tise et se d�pouille de toute ambigu�t�. Clairement, ce n'est pas pour son charmant intellect que le redoutable for�at a pris sous sa protection le petit dandy superficiel, mais sans conteste pour ses beaux yeux et son joli petit cul. Pas seulement cependant. Si le go�t d�plorable de Herrera en mati�re de compagnon peut surprendre, surtout venant d'un homme aussi pragmatique et brillant (Lucien est tout de m�me une incroyable petite t�te � claques), on l'expliquera ais�ment par une sorte de narcissisme � la Pygmalion. Au fond, Herrera se fout de Lucien, de sa douceur, de sa mollesse, de son �gocentrisme na�f. Au del� d'un attrait purement physique, il ne l'appr�cie vraiment que comme une extension de lui-m�me, une fa�on de prendre sa revanche sur la soci�t�, son �Moi beau� comme il le dit lui-m�me. Autant pour le romantisme.

Pas d'amour, pas de sentimentalit�, pas de po�sie, mais une vision tr�s noire et pessimiste de l'humanit�. Si vous �tes amatrice, comme moi, n'h�sitez pas une seconde, sinon replongez vous dans Victor Hugo.
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Le plus passionnant des volumes de la Condition Humaine...Il fait suite aux Illusions perdues: Lucien de Rubempr�, veule, fragile , au bord du suicide- mais � combien sexy tout �plor� et tout mouill�- y faisait la rencontre -et la conqu�te- in extremis d'un bien curieux �v�que espagnol , vraiment pas tr�s catholique, Mgr de Herrera, alias Vautrin (voir P�re Goriot) alias Trompe-la-Mort.

L'�v�que signait avec ce malheureux candidat � la noyade un pacte faustien: la gloire, la richesse, l'amour des plus belles femmes contre une ob�issance aveugle et l'abandon de tout scrupule moral..

C'est ce pacte et cette promesse que vont remplir Splendeurs et mis�res des courtisanes, livre foisonnant, aux chapitres courts, s'arr�tant toujours sur un "suspense" insupportable-car Balzac le publiait en feuilleton!

Lucien aura l'amour des dames de la haute,l'argent et la notori�t�, le pouvoir qui les accompagne, et aussi la fid�lit� passionn�e de la plus rou�e des courtisanes, Esther, dite la Torpille...

Splendeurs...est le roman des conversions et des m�tamorphoses: la gourgandine devient sainte, le pauvre ch�ri devient puissant...tant qu'il reste sous la f�rule de Herrera, mais comprendra son malheur quand il croira pouvoir impun�ment voler de ses propres ailes. Quant � l'�v�que ex-taulard, il finira dans la peau ...du chef de la police parisienne, Balzac s'�tant inspir� de Vidocq, personnage historique au destin romanesque.

Balzac tout fr�tillant de cette mauvaise compagnie -giton, pute , maquereau , indic'- nous balade avec d�lices dans un univers parisien interlope...sans r�sister aux parenth�ses didactiques -la langue des for�ats, marqu�e de la fleur de lys aurait dit Hugo son coll�gue en bas-fonds, nous est longuement d�taill�e...mais autant les parenth�ses notariales des Illusions perdues m'ont exasp�r�e -comment r�diger un avis de saisie en dix le�ons!- autant les parenth�ses exotiques dans les prisons et le bagne m'ont ravie...Mieux vaut un bad boy que dix clercs de notaire!

Autre audace: les amours homosexuelles � peine avou�es de l'�v�que et de son joli prot�g�...

Un Balzac page-turner, on vous dit!
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Citations et extraits (136) Voir plus Ajouter une citation
Il n�est pas inutile de faire observer que de si consid�rables fortunes ne s�acqui�rent point, ne se constituent point, ne s�agrandissent point, ne se conservent point, au milieu des r�volutions commerciales, politiques et industrielles de notre �poque, sans qu�il y ait d�immenses pertes de capitaux, ou, si vous voulez, des impositions frapp�es sur les fortunes particuli�res. On verse tr�s peu de nouvelles valeurs dans le tr�sor commun du globe. Tout accaparement nouveau repr�sente une nouvelle in�galit� dans la r�partition g�n�rale. Ce que l��tat demande, il le rend ; mais ce qu�une Maison Nucingen prend, elle le garde. [�] Forcer les �tats europ�ens � emprunter � vingt ou dix pour cent, gagner ces dix ou vingt pour cent avec les capitaux du public, ran�onner en grand les industries en s�emparant des mati�res premi�res, tendre au fondateur d�une affaire une corde pour le soutenir hors de l�eau jusqu�� ce qu�on ait rep�ch� son entreprise asphyxi�e, enfin toutes ces batailles d��cus gagn�es constituent la haute politique de l�argent. Certes, il s�y rencontre pour le banquier, comme pour le conqu�rant, des risques ; mais il y a si peu de gens en position de livrer de tels combats que les moutons n�ont rien � y voir. Ces grandes choses se passent entre bergers. Aussi, comme les ex�cut�s (le terme consacr� dans l�argot de la Bourse) sont coupables d�avoir voulu trop gagner, prend-on g�n�ralement tr�s peu de part aux malheurs caus�s par les combinaisons des Nucingens. Qu�un sp�culateur se br�le la cervelle, qu�un agent de change prenne la fuite, qu�un notaire emporte les fortunes de cent m�nages, ce qui est pis que de tuer un homme ; qu�un banquier liquide ; toutes ces catastrophes, oubli�es � Paris en quelques mois, sont bient�t couvertes par l�agitation quasi marine de cette grande cit�. Les fortunes colossales des Jacques C�ur, des M�dici, des Ango de Dieppe, des Auffredi de La Rochelle, des Fugger, des Tiepolo, des Corner, furent jadis loyalement conquises par des privil�ges dus � l�ignorance o� l�on �tait des provenances de toutes les denr�es pr�cieuses ; mais, aujourd�hui, les clart�s g�ographiques ont si bien p�n�tr� les masses, la concurrence a si bien limit� les profits, que toute fortune rapidement faite est : ou l�effet d�un hasard et d�une d�couverte, ou le r�sultat d�un vol l�gal. Perverti par de scandaleux exemples, le bas commerce a r�pondu, surtout depuis dix ans, � la perfidie des conceptions du haut commerce, par des attentats odieux sur les mati�res premi�res. Partout o� la chimie est pratiqu�e, on ne boit plus de vin ; aussi l�industrie vinicole succombe-t-elle. On vend du sel falsifi� pour �chapper au Fisc. Les tribunaux sont effray�s de cette improbit� g�n�rale. Enfin le commerce fran�ais est en suspicion devant le monde entier, et l�Angleterre se d�moralise �galement. Le mal vient, chez nous, de la loi politique. La Charte a proclam� le r�gne de l�argent, le succ�s devient alors la raison supr�me d�une �poque ath�e. Aussi la corruption des sph�res �lev�es, malgr� des r�sultats �blouissants d�or et leurs raisons sp�cieuses, est-elle infiniment plus hideuse que les corruptions ignobles et quasi personnelles des sph�res inf�rieures.

Deuxi�me partie : � combien l'amour revient aux vieillards.
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Quiconque a tremp� dans le journalisme, ou y trempe encore, est dans la n�cessit� cruelle de saluer les hommes qu�il m�prise, de sourire � son meilleur ennemi, de pactiser avec les plus f�tides bassesses, de se salir les doigts en voulant payer ses agresseurs avec leur monnaie. On s�habitue � voir faire le mal, � le laisser passer ; on commence par l�approuver, on finit par le commettre. � la longue, l��me, sans cesse macul�e par de honteuses et continuelles transactions, s�amoindrit, le ressort des pens�es nobles se rouille, les gonds de la banalit� s�usent et tournent d�eux-m�mes.

Premi�re partie : Comment aiment les filles.
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Il y a la post�rit� de Ca�n et celle d'Abel, comme vous disiez quelquefois. Ca�n, dans le grand draine de l'Humanit�, c'est l'opposition. Vous descendez d'Adam par cette ligne en qui le diable a continu� de souffler le feu dont la premi�re �tincelle avait �t� jet�e sur Eve. Parmi les d�mons de cette filiation, il s'en trouve, de temps en temps, de terribles, � organisations vastes, qui r�sument toutes les forces humaines, et qui ressemblent � ces fi�vreux animaux du d�sert dont la vie exige les espaces immenses qu'ils y trouvent. Ces gens-l� sont dangereux dans la soci�t� comme des lions le seraient en pleine Normandie: il leur faut une p�ture, ils d�vorent les hommes vulgaires et broutent les �cus des niais; leurs jeux sont si p�rilleux qu'ils finissent par tuer l'humble chien dont ils se sont fait un compagnon, une idole. [�] C'est grand, c'est beau dans son genre. C'est la plante v�n�neuse aux riches couleurs qui fascine les enfants dans les bois. C'est la po�sie du mal. Des hommes comme vous autres doivent habiter des antres, et n'en pas sortir. Tu m'as fait vivre de cette vie gigantesque, et j'ai bien mon compte de l'existence. Ainsi, je puis retirer ma t�te des n�uds gordiens de ta politique pour la donner au n�ud coulant de ma cravate.
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La passion d'un po�te devient alors un grand po�me o� souvent les proportions humaines sont d�pass�es. Le po�te ne met-il pas alors sa ma�tresse beaucoup plus haut que les femmes ne veulent �tre log�es ? Il change, comme le sublime chevalier de la Manche, une fille des champs en princesse. Il use pour lui-m�me de la baguette avec laquelle il touche toute chose pour la faire merveilleuse, et il grandit ainsi les volupt�s par l'adorable monde de l'id�al. Aussi cet amour est-il un mod�le de passion : il est excessif en tout, dans ses esp�rances, dans ses d�sespoirs, dans ses m�lancolies, dans ses joies ; il vole, il bondit, il rampe, il ne ressemble� aucune des agitations qu'�prouve le commun des hommes ; il est � l'amour bourgeois ce qu'est l'�ternel torrent des Alpes aux ruisseaux des plaines.
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- Adieu, mon cher, lui dit-il � voix basse et � l'oreille. Nous sommes s�par�s l'un de l'autre par trois longueurs de cadavres ; nous avons mesur� nos �p�es, elles sont de la m�me trempe, de la m�me dimension� Ayons du respect l'un pour l'autre ; mais je veux �tre votre �gal, non votre subordonn� Arm� comme vous le seriez, vous me paraissez un trop dangereux g�n�ral pour votre lieutenant. Nous mettrons un foss� entre nous. Malheur � vous si vous venez sur mon terrain ! Vous vous appelez l'Etat, de m�me que les laquais s'appellent du m�me nom que leurs ma�tres ; moi, je veux me nommer la Justice ; nous nous verrons souvent ; continuons � nous traiter avec d'autant plus de dignit�, de convenance, que nous serons toujours� d'atroces canailles.

(Vautrin � Corentin)
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Th�me : La Peau de chagrin de Honor� de BalzacCr�er un quiz sur ce livre

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