Chevaux mutilés en France : pourquoi sont-ils attaqués ? Quelles sont les pistes des enquêteurs ?

Chevaux mutilés en France : pourquoi sont-ils attaqués ? Quelles sont les pistes des enquêteurs ? Les affaires de chevaux mutilés ne cessent d'augmenter depuis plusieurs semaines en France. Quel est le profil des agresseurs ? Pourquoi s'en prennent-ils aux équidés avec une telle barbarie ? Eléments de réponse.

Les cas de chevaux mutilés en France se multiplient depuis plusieurs mois et inquiètent de plus en plus les autorités publiques comme les propriétaires d'équidés. Selon une note confidentielle du Service central du renseignement territorial (SCRT) du 26 août, que s'est procurée Le Parisien, "plus d'une trentaine de cas avérés" de cruauté ont été relevés sur le territoire depuis le début de l'année, mais les attaques pourraient être nettement plus élevées. L'auteur du document de onze pages précise dès l'introduction que les statistiques sont "sans précédent". Que sait-on exactement de ces attaques survenues en France, qui touchent de manière très singulière et avec une étonnante minutie ces chevaux en France ?

Où surviennent les attaques de chevaux ?

Le plus grand nombre d'attaques contre les équidés se sont produites dans la moitié nord du pays, depuis les départements de l'Ain et de la Charente-Maritime. Cela n'empêche pas aux éleveurs de se méfier dans toute l'Hexagone. "La majorité des cas sont dans la partie nord de la France, mais on a l'impression que n'importe qui peut être visé " a précisé Loick Crampon. Ce dernier était le propriétaire de l'âne Scipion, tué le 19 juin à Grumesnil en Seine-Maritime. L'animal a été retrouvé mort avec une oreille coupée et un œil arraché.

Quels sont les chevaux pris pour cible ?

Les solipèdes visés n'ont pas de profil particulier. Ils peuvent être à la fois des poneys, des chevaux ou encore des juments, de tous âges ou de toute valeur. Le 15 février dernier, en Vendée, un cheval de sept ans qui s'apprêtait à devenir une célébrité dans les hippodromes a été retrouvé mort dans son enclos. Son oreille droite était sectionnée, mais l'autopsie a indiqué que l'animal a fait un arrêt cardio-respiratoire. Une jeune pouliche de deux ans a aussi été tuée dans l'Aisne le 23 avril. Son oreille droite a été coupée. L'équidé était estimé à 100 000 euros. Face à ces actes barbares et de plus en plus récurrents, l'inquiétude monte au sein des éleveurs. Certains d'entre eux, contactés par Le Parisien, refusent de témoigner : "On a trop peur d'être pris pour cible si on parle".

Quel est le mode opératoire des agresseurs ?

Malgré le fait que les violences soient commises dans différentes régions de France, un mode opératoire semble souvent se dessiner. Dans une "vingtaine de cas" sur une trentaine d'agressions, une oreille est coupée selon les dires du colonel Hubert Percie du Sert, coordinateur de la sous-direction de la police judiciaire de la gendarmerie. L'oreille sectionnée peut être une sorte de "trophée" pour les meurtriers. Cette pratique fait réfléchir le SCRT depuis la fin du mois de juin, plus particulièrement car c'est l'organe auditif droit qui est souvent visé. "La découpe parfaite de l'oreille droite dans la plupart des cas reste à ce jour inexpliquée et des questions se posent sur leurs auteurs et leurs réelles intentions : superstition, fétichisme, rituel satanique, sectaire ou autre."

Pourquoi s'en prendre aux chevaux ?

Il est pour l'heure impossible d'affirmer que les attaques et les mutilations des chevaux sont l'œuvre du même individu ou du même groupe. Une source proche du dossier affirme qu'ils ne pensent pas "à un groupe unique de personnes, des faits se sont déroulés à des endroits très différents à la même temporalité". La précision pratiquement chirurgicale des découpes des oreilles laisse penser que les auteurs de ces atrocités possèdent "une grande connaissance de l'anatomie des équidés ", selon un vétérinaire sur BFMTV. D'autres acteurs soupçonnent aussi que les agresseurs soient des experts sur le sujet. Une enquêtrice bénévole à la Fondation Brigitte Bardot du nom de Sylvie affirme qu' "on n'approche pas un cheval comme ça, et c'est encore plus difficile de les mettre à terre ! Il n'y a pas de doute ce sont des connaisseurs." Serge Lecomte le président de la Fédération française d'Equitation (FFE) détient la même opinion. "Ce sont très sûrement des gens qui connaissent les chevaux. Ce n'est pas évident de tuer d'un coup un animal de 400 kilos au milieu des prés" a-t-il déclaré à Libération. Ces indications laissent penser que les malfaiteurs jouissent d'une grande force physique. Le rédacteur de la note du SCRT en est arrivé à la même conclusion, en ajoutant qu'une "arme blanche de taille importante" était utilisée par des personnes ayant une "connaissance particulière des équidés".

Le motif des attaques n'est toujours pas expliqué. Toutes les hypothèses sont pour le moment explorées. La haine des équidés et des défis envoyés en ligne sont des théories plausibles. Les autorités songent aussi au mimétisme des faits suite à la médiatisation de plus en plus importante de ces actes de cruauté. La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) "apporte son concours" à l'enquête de la gendarmerie nationale selon Marlène Schiappa. La piste de dérives sectaires est prise très au sérieux au vu du mode opératoire récurrent.

Des suspects identifiés ?

Pour l'heure, aucun suspect n'est en vue. Un homme a effectivement été interpellé lundi 7 septembre dans le Haut-Rhin, avant d'être relâché le mardi qui suivait. Il avait été arrêté suite au signalement d'un témoin qui avait affirmé qu'il ressemblait au portrait-robot établi par les forces de l'ordre. Ce dernier avait été réalisé suite aux violences faites contre deux poneys et un cheval dans un refuge du département de l'Yonne, au sud-est de l'Ile-de-France.

Combien d'enquêtes en France ?

Alors en déplacement dans l'Oise avec le ministre de l'Agriculture Julien Denormandie, Gérald Darmanin a annoncé le 7 septembre qu'il y a "aujourd'hui 153 enquêtes qui sont ouvertes partout en France dans plus de la moitié des départements." Les affaires sont coordonnées au niveau national par l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (Oclaesp). Le chef de ce service de police judiciaire de la gendarmerie, Jacques Diacono, a indiqué au micro de Libération que l'office a fait appel à des pays voisins : " Il y a eu des faits similaires en Allemagne, en Belgique, aux Etats-Unis – mais ce sont principalement des faits anciens".

Le colonel Hubert Percie du Sert précise aussi à l'AFP que des "mutilations d'organes génitaux, des lacérations avec des objets tranchants" s'ajoutent aux violences commises aux chevaux en France. En plus de ces actes de barbarie, des "investigations criminalistiques" ont permis d'établir que des "traces d'empoisonnement" ont été découvertes sur des chevaux morts et mutilés. Cette information inquiétante a été dévoilée par le document confidentiel du SCRT. Les animaux ont été trouvés les 23 et 24 août dans trois départements français, situés à plusieurs centaines de kilomètres les uns des autres, à savoir dans les Deux-Sèvres, les Yvelines et le Jura.