Le low cost : un business model toujours pertinent ? | Entrepreneurs
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Le low cost : un business model toujours pertinent ?

Le low cost revêt l'habit de business model providentiel au vu des succès de certaines firmes comme EasyJet ou Ikea. Mais baisser les coûts à tout prix n'est parfois pas une solution durable, voire éthique.

Le low cost : un business model toujours pertinent ?
Publié le 5 juin 2015 à 06:00

En création d'entreprise, une bonne idée n'est pas forcément synonyme de bon concept. Alors que certains ont à tout prix besoin de la trouvaille inédite susceptible de révolutionner la consommation, d'autres plus pragmatiques préfèrent réfléchir à l' innovation en matière de business model sur un concept déjà existant. Le business model est censé résumer la façon dont une entreprise peut gagner de l'argent. S'il est étudié en profondeur, il peut être une solide source de différenciation, tant pour des entreprises en perte de vitesse que celles en cours d'installation. Couplé avec le low cost, celui-ci peut faire naître de nouvelles façons de concevoir la commercialisation d'un produit, ou ses modes de consommation. Malheureusement, dans certains cas, il porte aussi son lot de désillusions.

EasyJet : l'exemplaire

Pionnier des low costers, EasyJet est l'exemple par excellence de ce modèle d'entreprise qui cherche à offrir l'essentiel. La compagnie aérienne créée en 1995 possède une flotte de 258 Airbus A320, et rien d'autre. Outre des achats en gros qui permettent de faire baisser les prix, la compagnie économise également sur la formation de son personnel (tous formés sur le même avion) et sur son stock de pièces de rechanges. Résultat : 564 millions d'euros de marges nettes en 2014 pour une entreprise qui emploie 8 000 personnes et possède un hangar en guise de siège social sur l'aéroport de Luton, à Londres.

La quête de simplicité

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A ce titre, le low cost est la star des business models. En travaillant à la simplification d'un concept, et en mettant à contribution le consommateur, certaines enseignes réussissent à casser les prix et révolutionnent ainsi les modes de consommation. C'est le cas d'Aldi, enseigne pionnière dans la distribution « hard discount ». Présent dans le monde entier, le réseau restreint son offre à 1 000 références pour des magasins de 700 m² sans fioriture ni mise en valeur de produits. Ces derniers sont de même qualité que chez les distributeurs classiques, mais moins chers car achetés en plus grosses quantités.

« Les consommateurs acceptent de faire des sacrifices pour se tourner vers les low costers », estime Jean-Paul Tréguer, PDG du groupe Lowcost 360 à l'occasion d'une conférence à Franchise Expo 2015. Il identifie dix règles à suivre pour être un bon acteur du secteur. La simplification du concept, la simplicité d'utilisation du service ou du produit, la facturation de suppléments, la standardisation des prestations et l'utilisation maximale des actifs sont, selon lui, quelques-unes des règles primordiales à respecter pour devenir low coster, et le rester. Lui-même a adapté le modèle pour monter un groupe de publicité dédié au low cost. Composé d'une équipe sénior qui ne nécessite pas de formation, le groupe revendique sur son site Internet des « sacrifices sur l'accessoire, jamais sur l'essentiel ». Il propose par exemple des campagnes menées de A à Z par un seul consultant en lien avec une base mondiale de spécialistes audiovisuels, ou encore des achats aux enchères en temps réel d'espaces invendus sur internet (Real Time Biding).

Mikit l'a aussi compris. L'enseigne qui vend des maisons en kit s'inspire directement d'Ikea, et n'hésite pas à mettre ses clients au travail pour les finitions de leur futur domicile. En fonction du degré de travaux que le client consent à réaliser lui-même, le réseau de franchise propose ainsi jusqu'à 30 % d'économies sur le prix d'une maison.

Le low cost à quel prix ?

Pourtant, nombre de contre-exemples invitent à prendre du recul sur les avantages du modèle low cost. Surtout en franchise, où les économies se font parfois sur le dos des franchisés.

A l'inverse d'Aldi la franchise Dia constate que son modèle n'attire plus la clientèle. Selon diverses estimations, le groupe espagnol perdrait entre 5 et 10 millions d'euros par mois. C'est pourquoi en mai 2014, la branche française a décidé de se retirer du marché français, cédant la totalité de ses magasins au groupe Carrefour.

Outre le vieillissement du modèle, d'autres raisons internes au réseau peuvent expliquer l'échec de l'enseigne. Selon le constat de certains franchisés, les prix fixés en magasins l'ont parfois été de manière informatique donc imposée, ce qui ne respecte pas le Code du Commerce français. De plus, ces derniers ont observé que les promesses de marges de 20 % sur les produits sortis d'entrepôt ne sont pas respectées. Pire, certains salariés du réseau, installés par la suite en franchise, ont remarqué que le franchiseur leur proposait pour des reprises, des points de vente en propre dont ils connaissaient les difficultés de rentabilité. En juin 2014, réunis autour du syndicat professionnel Sefag, ils avaient révélé les abus auprès de plusieurs médias, dont Les Echos de la franchise.

Autre preuve que le low cost ne marche pas à tous les coups : la vague de premiumisation qui inonde actuellement le secteur de la restauration rapide. Burger, kebab ou sandwich qui étaient autrefois évincés des assiettes d'une clientèle rebutée par la malbouffe, deviennent des mets consommables car composés de produits tracés de meilleure qualité. Même si cet engouement peut être considéré comme une mode éphémère, il faut bien reconnaître le succès de Big Fernand qui a récemment ouvert des points de vente en Chine, ou de King Marcel qui souhaite désormais conquérir l'ensemble du territoire français. Même le géant mondial du fast-food, McDonald's, commence à tester des concepts premium.

Et pour ceux qui préfèrent manger chez eux, le low cost sévit aussi sur le marché des cuisines. Aviva, inspiré directement des stars du low cost, proposait des « cuisines à petits prix ». Pourtant, le réseau de franchise est lui aussi une preuve que ce modèle n'est pas forcément un choix durable. D'essence low cost, il repositionne depuis 2013 son image pour monter en gamme en réaction à un marché plus concurrentiel du fait de l'arrivée de gros réseaux comme But ou Conforama.

Payer le temps, plus le produit

Si la recherche du coût le plus bas ne fait pas recette, c'est peut-être parce qu'elle est déjà dépassée. Pour Laurence Lehmane-Ortega, professeure affiliée à HEC et spécialiste des stratégies et politiques d'entreprise, innover dans un business model rime avec analyser la valeur du service ou du produit que le concept propose. En d'autres termes, elle suggère d'effectuer un travail commercial et marketing sur la manière dont le produit est commercialisé. L'objectif est de concevoir une nouvelle façon de proposer une prestation : en simplifiant la vie du client, en ajoutant de l'émotion dans l'offre ou en changeant le modèle de revenu.

« A Paris, AntiCafé propose une facturation au temps passé dans le café, plutôt qu'aux boissons consommées », donne en exemple la professeure à HEC. Le choix est laissé à une clientèle adepte du travail en café de payer à l'heure (4 euros), au jour (16 euros), à la semaine (75 euros) ou au mois (230 euros). Ici, le business model n'est plus fondamentalement basé sur le low cost mais renverse totalement la proposition de valeur en ne monétisant plus un produit, mais une temporalité.

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Eliminer des étapes

Retravailler la partie opérationnelle de l'entreprise peut également être une solution. « Repenser l'architecture de valeur nécessite de travailler sur la façon de délivrer un produit ou un service », explique Laurence Lehmane-Ortega. Cet aspect touche à la logistique pure et les différents corps de métiers qu'une entreprise peut contenir. Des exemples concrets se retrouvent sur des segments de marché permettant la vente à domicile. En lingerie par exemple, ce type de commerce se répand car il supprime les magasins, donc les contraintes d'immobilisation ou d'inventaire.

Dans l'architecture de valeur, une autre issue, qui se rapproche du low cost, consiste à éliminer une étape dans la chaine de valeur. L'enseigne de coiffure, Beauty Bubble, applique à la lettre ce procédé en se passant des points d'eau, donc de l'étape du lavage. Ainsi, pour 12 euros, le client peut se faire couper les cheveux en dix ou quinze minutes dans une structure capable de s'installer n'importe où. Seule condition : venir avec des cheveux propres.

Sur ces types d'innovation, se creuser la tête pour trouver le concept auquel personne n'avait pensé n'est plus nécessaire. Chercher celui qui coûtera le moins cher non plus. Il faut seulement tenter d'aller à rebours des modèles connus pour éviter de se reposer sur ses acquis. Sur ce point, la spécialiste en stratégie d'entreprise met en garde : « Plus un business a été bon dans le passé, plus il est difficile d'en voir un autre. Pour innover, il faut se forcer à voir au-delà de ce que l'on voit ».

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Shutterstock

Quentin Velluet

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