Silvio Berlusconi est mort à 86 ans – DW – 12/06/2023
  1. Aller au contenu
  2. Aller au menu principal
  3. Voir les autres sites DW
PolitiqueItalie

Silvio Berlusconi est mort à 86 ans

Kersten Knipp | Diane Merveilleux
12 juin 2023

L'ancien chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi est mort ce matin. Le sulfureux milliardaire était soigné à Milan pour une leucémie. Retour sur le parcours de cet éternel revenant encore élu sénateur en 2022.

https://p.dw.com/p/4STQ5
Silvio Berlusconi au Sénat italien à Rome le 26 octobre 2022
Silvio Berlusconi au Sénat italien à Rome le 26 octobre 2022Image : Andrew Medichini/AP Photo/picture alliance

On se souviendra surtout de lui pour ses frasques. Par exemple en 2002, lors d'un sommet informel de l'Union européenne, lorsqu'il a tendu deux doigts derrière la tête du ministre espagnol des Affaires étrangères, Josep Piqué - un geste qui en Italie symbolise un mari trompé.

Ou bien lors d'une conférence de presse à Paris, en 2008, quand il a passé ses mains derrière le cou du président français de l'époque, Nicolas Sarkozy, comme s'il voulait l'agresser.

Enfin, il y a eu la manière dont il a reçu, en Sardaigne, le Premier ministre britannique Tony Blair, durant l'été 2004, avec un bandana noué sur la tête.

Silvio Berlusconi pose avec Tony Blair et sa femme, Cherie Blair, en Sardaigne en 2004
Silvio Berlusconi pose avec Tony Blair et sa femme, Cherie Blair, en Sardaigne en 2004Image : AP

Un côté immature, farceur et espiègle qui semblait séduire de nombreux Italiens. Silvio Berlusconi se donnait ainsi l'image d'un homme politique qui n'aurait pas été aussi rigide que les autres, plus spontané.

Mais en réalité, ce n'était pas le cas, comme l'a écrit le journaliste italien Giuseppe "Beppe" Severgnini, qui a consacré un livre au phénomène Berlusconi.

Giuseppe Severgnini est convaincu que les gestes de Sylvio Berlusconi étaient calculés, tout comme ses dépassements de limites. De nombreux Italiens en étaient gênés, sauf lui et ses partisans.

"Berlusconi comprend que les critiques de l'étranger et l'embarras de certains de ses compatriotes ne font qu'augmenter sa popularité dans les classes inférieures - auprès de ceux qui votaient autrefois à gauche et qui votent désormais pour lui".

Silvio Berlusconi au lycée, à 18 ans, le 11.05.1954
Silvio Berlusconi au lycée, à 18 ans, le 11.05.1954Image : Berlusconi Family Album/Zuma/picture alliance

De quoi "rêver"

Et ses compatriotes votaient pour lui en masse. En 1994, lorsqu'il se présente pour la première fois au poste de Premier ministre, il obtient près de 43% des voix. La question de savoir pourquoi tant d'Italiens ont alors misé sur lui mène tout droit à ces domaines où la politique cesse d'être rationnelle.

Cette année-là, le publiciste Ernesto Galli della Loggia écrit dans le journal Corriere della Sera que Silvio Berlusconi n'a pas de programme politique solide : "L'homme politique Berlusconi dégage un faux goût de plastique. Les idées qu'il avance ne sont que de simples généralités. Et pourtant la politique a à voir avec le cœur et l'imagination. Avec l'espoir, avec le matériau dont sont faits les rêves. Et c'est ce qui manque si cruellement au bloc modéré en Italie actuellement".

Au milieu des années 1990, les Italiens ont désespérément besoin qu'on leur offre matière à rêver. La désindustrialisation mène l'économie au bord de la récession. Les privatisations entraînent des licenciements massifs, le marché du travail est dérégulé.

A cela s'ajoute la dépression politique : au printemps et à l'été 1992, les procureurs Giovanni Falcone et Paolo Borsellino sont assassinés par la mafia.

Les relations de certains hommes politiques avec le crime organisé ne sont pas au-dessus de tout soupçon, la corruption est un phénomène très répandu. Le terme "Tangentopoli" (ville de la corruption), qui s'applique d'abord à la ville de Milan est devenu le symbole de ces années-là.

Silvio Berlusconi porté par des joueurs de l'AC Milan dont il était le président à la fin de la finale la coupe d'Italie gagnée par le club le 15/10/1988.
Silvio Berlusconi porté par des joueurs de l'AC Milan dont il était le président à la fin de la finale la coupe d'Italie gagnée par le club le 15/10/1988.Image : Ferdinando Meazza/AP/picture alliance

De fortes attentes

C'est alors qu'arrive le populiste Silvio Berlusconi : "Il Cavaliere", le chevalier, comme il est très vite surnommé. Le self-made-man qui promet de remettre de l'ordre dans le pays avec son parti Forza Italia.

Le richissime entrepreneur et milliardaire annonce qu'il réitérera au niveau national ses propres succès dans le domaine économique. 

Les électeurs le croient, surtout parce qu'ils en ont désespérément besoin. Ils espèrent un miracle nommé Berlusconi. Ils lui pardonnent donc de laisser en suspens certaines questions sur l'origine de sa fortune, ainsi que les conflits liés à ses fonctions politiques et à ses intérêts économiques.

"Silvio Berlusconi est entré en politique pour défendre ses propres entreprises", annonce son adjoint Marcello Dell'Utri en décembre 1994. Mais cela n'intéresse que peu ses électeurs, qui se sentent toujours représentés par lui.

Silvio Berlusconi, déjà magnat des médias à Paris en 1985
Silvio Berlusconi, déjà magnat des médias à Paris en 1985Image : MICHEL CLEMENT/AFP

Finalement, Silvio Berlusconi, écrit Giuseppe Severgnini, est l'autobiographie mise à jour des Italiens : "une autobiographie pleine d'omissions et d'auto-indulgence".

Tentative de retour au niveau européen

Les Italiens ne sont rebutés ni par les 30 poursuites judiciaires engagées contre lui, ni par son arrogance : "Je dis en toute sincérité que je crois que je suis et que j'ai été de loin le meilleur président du Conseil des ministres que la République d'Italie ait eu en 150 ans d'histoire", déclarait Berlusconi en 2009, lors de son quatrième mandat.

Ses liaisons avec de très jeunes femmes n'irritent que très peu ses partisans.

Au contraire : le terme "Bunga Bunga", acronyme ironique désignant les soirées sexuelles que le Premier ministre organisait dans sa villa près de Milan, et auxquelles participaient des prostituées mineures, s'est frayé un chemin dans la culture populaire.

En 2013, Silvio Berlusconi est reconnu coupable de fraude fiscale. Il écope d'une interdiction d'occuper des responsabilités politiques pendant six ans. Une sanction judiciaire levée en 2018 pour "bonne conduite".

Le magnat médiatique et homme politique se présente rapidement à nouveau à une élection - non pas pour le poste de chef du gouvernement, mais en tant que premier candidat de Forza Italia aux élections européennes de 2019.

Silvio Berlsuconi vote lors des élections régionales de Lombardie à Milan le 12 février 2023
Silvio Berlsuconi vote lors des élections régionales de Lombardie à Milan le 12 février 2023Image : Piero Cruciatti/Anadolu Agency/picture alliance

Silvio Berlusconi s'était déjà présenté aux élections européennes de 1994, 1999, 2004 et 2009. Mais il n'a siégé au parlement que de 1999 à 2001. Les trois autres fois, il a préféré céder le mandat à des collègues du parti qui montaient.

Mais en 2019, Berlusconi veut participer aux décisions sur le sort de l'UE et entre au Parlement européen en tant que candidat italien avec le plus de voix. Il a 82 ans.

"L'Immortale"

Un an plus tard, il devient clair que Silvio Berlusconi aussi vulnérable. Début septembre 2020, il annonce avoir contracté la Covid-19. Peu de temps après, les médecins diagnostiquent chez lui une pneumonie.

Silvio Berlusconi sort de l'Hôpital San Raffaele à Milan le 14 septembre 2020
Silvio Berlusconi sort de l'Hôpital San Raffaele à Milan le 14 septembre 2020Image : Luca Bruno/AP/picture alliance

Mais l'homme politique récupère et se présente aux élections législatives de l'été 2022 en tant que premier candidat du parti Forza Italia. La formation politique avait auparavant formé une alliance avec les postfascistes de Fratelli d'Italia et la Lega d'extrême-droite.

Cependant, les conservateurs de Berlusconi ne sont pas en mesure de s'appuyer sur leurs succès antérieurs - seuls 8% des électeurs votent pour eux. Le parti ne joue plus un rôle dominant dans les négociations de coalition.

Silvio Berlusconi n'est pas en mesure de faire passer la plupart de ses revendications contre la postfasciste Giorgia Meloni.

Les rôles s'inversent alors. Giorgia Meloni, qui avait acquis sa première expérience gouvernementale en tant que ministre de la Jeunesse sous Berlusconi, montre à son mentor ce qu'il avait toujours considéré comme impensable : une femme moderne remet le Cavaliere à sa place.