Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué – Telquel.ma

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué

Par Fatym Layachi

L’été semble être tout proche, juste là, juste au coin de la rue, juste derrière ces petits nuages et ces petites contrariétés. Même si la météo n’est pas toujours au beau fixe, même si tu n’as pas encore totalement abandonné les manches longues et les châles, il y a déjà cette douceur de l’été qui commence à se faire sentir. Et puis en mai, fais ce qu’il te plaît. C’est bien ça non ?

“Ta taxe d’habitation, c’est positive et légère que tu as décidé d’aller t’en acquitter ce matin. Positive, mais pas non plus crédule et candide : tu as pris le soin de prendre ta matinée. Après tout, on ne sait jamais…”

Fatym Layachi

Toi, ce qui te plaît en ce moment, c’est la légèreté. Autant dans les fringues que dans les pensées. La liste de ce qui te plaît est longue, mais cohérente dans sa thématique : tu veux moins de contraintes et plus d’imprévus. Bref, tu as déjà très envie de vacances. Et les vacances, ce n’est clairement pas pour demain. C’est encore plus loin que demain. Mais bon, tu restes positive et légère. C’est ton mood du mois. Même ta taxe d’habitation, c’est positive et légère que tu as décidé d’aller t’en acquitter ce matin. Positive et légère certes, mais pas non plus complètement crédule et candide : tu as pris le soin de prendre ta matinée. Après tout, on ne sait jamais… L’administration peut toujours être un peu surprenante, si ce n’est totalement jazz.

Prévoyante, tu es venue tôt. Déjà, cette année, tu n’as pas attendu la toute dernière minute pour courir et tenter d’éviter les pénalités de retard. Et puis ce matin, tu es là, devant ce grand bâtiment, un quart d’heure avant que les portes ne soient officiellement ouvertes. Les portes sont bien évidemment ouvertes dans le sens où elles ne sont pas fermées, mais toi, simple administrée, tu ne peux pas y rentrer. Pas encore.

Dans un quart d’heure” dit le monsieur. Et en attendant, le monsieur vérifie les dossiers de toutes les personnes, de plus en plus nombreuses, qui attendent que les portes ouvertes s’ouvrent pour de vrai. Il en congédie certaines à qui il manquerait des éléments. Le monsieur étant l’agent de sécurité. Métier à priori très éloigné de la gestion des assiettes fiscales et autres vignettes. Comme quoi il ne faut jamais avoir d’à priori, surtout dans le plus beau pays du monde.

Et puis, enfin, c’est l’heure d’entrer dans le bâtiment. Il y a une machine et des boutons sur lesquels il faut appuyer pour avoir un petit ticket avec un numéro. Mais à côté de la machine, il y a un monsieur qui pose des questions pour déterminer dans quel service tu dois te rendre et ainsi appuyer sur le bouton dudit service et te remettre le ticket. Industrie de services : c’est bien comme ça qu’on dit ?

Tu finis donc par arriver devant un guichet et de donner enfin ton numéro de dossier. Le monsieur derrière le comptoir tape sur son clavier. Il tape encore. Il a l’air dubitatif. Il te regarde : “Non, le dossier n’existe pas”. “Mais c’est le numéro qui est noté sur cette quittance et cette quittance, elle existe”. Il hausse les épaules, pas touché par la logique de ta démonstration, qui te semblait pourtant implacable. “Le dossier n’existe pas” répète-t-il. Et il détourne le regard. Il est déjà ailleurs.

Tu ne sais même pas quoi dire. Tu ne sais pas quoi faire non plus. Alors tu restes là, dans ce hall avec des guichets et de rares chaises pour patienter. Tu essaies d’interagir avec quelqu’un qui pourrait te renseigner. Tu retournes voir le monsieur de l’entrée. Ce n’est pas son domaine de compétence.

Et puis tu réalises qu’il n’y a pas vraiment de bureau d’accueil. Alors tu te dis qu’il y a peut-être un souci de service d’accueil. On peut perdre pas mal de temps et surtout il y a pas mal d’erreurs d’aiguillage potentielles avant d’avoir accès à une personne dont c’est vraiment le domaine de compétence. Aujourd’hui, ça t’a pris une heure et 7 minutes. C’est un peu long pour un problème qui n’en était même pas un. Alors tu te dis que c’est peut être ça, la vraie simplification dont a besoin l’administration. Pour restaurer la confiance entre l’usager et l’administration, il faudrait déjà recréer le lien direct entre l’usager et l’administration, justement.