Rachid Bouchareb : "Dans mes films, il y a toujours un voyage, mes personnages se déplacent toujours."

Rachid Bouchareb : "Dans mes films, il y a toujours un voyage, mes personnages se déplacent toujours."

Rachid Bouchareb ©Getty - Stephane Cardinale - Corbis
Rachid Bouchareb ©Getty - Stephane Cardinale - Corbis
Rachid Bouchareb ©Getty - Stephane Cardinale - Corbis
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Alors que son nouveau film, “Nos Frangins”, consacré à la mort de Malik Oussekine, sort sur les écrans, le cinéaste Rachid Bouchareb revient sur son parcours et nous parle du pouvoir du cinéma, lui qui n'a cessé d'ausculter avec sa caméra les grandes pages de l’Histoire contemporaine.

Avec
  • Rachid Bouchareb Sociologue, chercheur associé au CNRS

Pionnier d'un courant qui a donné corps, dès les années 1980, à la présence maghrébine dans le cinéma français, Rachid Bouchareb est l’auteur d’une dizaine de films qui tous, à leur manière, explorent les traumas et les persistances du colonialisme. Du passé colonial de la France dans le célèbre et acclamé « Indigènes », au terrorisme post-11-Septembre avec « London River », en passant par les séquelles de l’esclavage avec « Little Sénégal », et bien d’autres, son cinéma interroge ce que la chance et l’Histoire font des hommes et de leurs identités. On lui doit également la série « Frères d'armes », présentant en 50 courtes biographies des hommes et femmes du monde entier (et en particulier de l’ancien empire colonial français) ayant combattu au service de la France. Donner un visage à l’Histoire et mettre en lumière les oublis, telle est l’entreprise qu’il poursuit aujourd’hui avec « Nos Frangins », son dernier film en salles, qui met en parallèle l'assassinat de Malik Oussekine et celui d’Abdel Benyahia, le même soir de 1986. Le temps d’un entretien au long cours, le réalisateur et producteur nous entraîne dans ses imaginaires et la fabrique de son art.

De l'air et des westerns

"Les westerns, surtout italiens, ont été les premiers films que j'ai vu, "Il était une fois dans l'Ouest" et tous les autres de "Trinita". Et c'est pour ça que j'ai toujours eu envie de tourner en extérieur. C'est ce qui m'est resté des westerns, c'est vrai. C'est la première fois que je réalise, après votre question, qu'à chaque fois, il m'arrive, même pendant les tournages, de déplacer une scène en intérieur pour la mettre en extérieur, par exemple passer d'un intérieur cuisine à un extérieur jardin, tout en me débrouillant pour que le dialogue soit là. Donc ça me vient effectivement des grands espaces et des westerns." Rachid Bouchareb

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Le Cours de l'histoire
53 min

"À cette époque, je ne suis pas encore dans l'analyse. (...) Je prends le film, il reste en moi, et puis après, il travaille pendant des mois ou des années. Je ne savais pas encore que j'allai réaliser des films, et c'est ensuite, en revoyant les films de cette époque comme "Il était une fois l'Amérique" que je me rends compte que c'était un grand film sur l'immigration avec effectivement toute la corruption politique et les espoirs déçus." Rachid Bouchareb

Sortir de l'image de la banlieue

"Même si l'on est né en France, chaque jour, on nous rappelle qu'on fait partie de la population immigrée. Et à l'époque, c'était très fort. C'est cet espace qui a été défini, dans lequel on devait évoluer. Donc bien-sûr qu'après ça reste, c'est ça qui me nourrit pour faire tous mes films.Rachid Bouchareb

"J'avais envie, après avoir fait ces films-là, d'essayer de ne pas rester complètement enfermé dans le monde et dans le paysage de la banlieue dans lequel j'ai grandi. Alors je me suis dit, je vais raconter le même thème, mais en allant dans des endroits qui m'avaient beaucoup marqué, comme la guerre du Vietnam et l'histoire de l'Indochine, à travers les histoires d'un oncle dont il me parlait souvent. Et ces enfants mixtes aussi, qui ont été abandonnés quand les Américains sont partis et maltraités dans leur pays, retrouvaient mes thèmes. Donc j'ai plongé dans ce sujet et ça a été vraiment une expérience formidable. Et puis après il y a eu l'esclavage, bien sûr, un sujet dans lequel je retrouvais la manière de redire toujours la même idée, mais à travers ce thème-là. Dans mes films, il y a toujours un voyage, un road movie. Mes personnages se déplacent toujours." Rachid Bouchareb

La force de la fiction, fusionnée aux archives

"Ce qui m'intéresse au cinéma, c'est que le public, à l'intérieur de ce que vous lui proposez, puisse être dans un récit, une histoire, des émotions, des personnages. Il y a la part fiction qu'il ne faut pas oublier. Et j'essaie, même si c'est difficile, d'essayer de me dégager du projet témoignage, militant, mémoire, histoire, reconnaissance, injustice. Je suis toujours dans ce débat au moment de l'écriture. C'est intéressant, et quand on y arrive, c'est passionnant." Rachid Bouchareb

Dans son dernier film, "Nos Frangins", Rachid Bouchareb a choisi, avec le directeur de la photographie, Guillaume Deffontaines, d'utiliser des caméras d'époque pour reconstituer des archives qui étaient en très mauvais état. "Cette caméra nous permet aussi de faire des liens. Il y avait cette idée d'essayer que ça ne soit pas un docu-fiction et comme certains personnages secondaires sont dans les archives, il fallait faire glisser tout ça avec les acteurs." Rachid Bouchareb

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Son actualité : Le film "Nos Frangins" réalisé par Rachid Bouchareb, avec Réda Khateb, Lyna Khoudri, Raphaël Personnaz... En salles le 7 décembre prochain.

Affaires culturelles
55 min

Sons diffusés lors de l'émission :

- Archive du réalisateur Sergio Leone, au micro de Catherine Ruelle en 1984.

- Extrait du réalisateur László Nemes, dans « Ping Pong » sur France Culture, en 2015.

- Extrait du cinéaste René Vautier, auteur notamment du film “Avoir vingt ans dans les Aurès”, en 1990, sur France Culture.

- Archive d’Inter Actualités du 13 décembre 1986, à 7h30, sur la mort de Oussekine et celle Benyahia.

- Le choix musical de Rachid Bouchareb : Renaud, “Petite" - Album "Putain de camion" (1988) 
Cette chanson est à l'origine du titre de son dernier film, "Nos Frangins".

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