Myriam BRU

 

 

Une fille dans le soleil des ann�es 50

 

 

 

Une voix �l�gante et fl�t�e de lady d�mentie par une silhouette incroyablement juv�nile, Myriam Bru a toujours quelque chose d�une jeune premi�re. Et davantage. Car de toutes les Fran�aises, Cathia Caro, Isabelle Corey ou H�l�ne R�my, qui tourn�rent en Italie dans les ann�es 50, c�est peut-�tre elle qui avait le plus authentique temp�rament d�actrice. Au souvenir d�une carri�re trop courte, stopp�e net � vingt-huit ans par son mariage avec Horst Buchholz au moment m�me o� des perspectives prometteuses s�annon�aient, s�ajoute celui de sa radieuse beaut�, popularis�e par les magazines et demeur�e un parfait symbole de ces ann�es. Peut-�tre parce que pour quelque temps encore les ann�es 50 ont cinquante ans, l�Italie de Myriam Bru exerce une nostalgie puissante et m�thodique. Cette Italie, c��tait d�j� celle de la dolce vita, avec ses figures (Angelo Rizzoli), ses lieux (Ischia), ses festivals (Venise et Cannes) et sa mer d�azur flamboyant comme les premiers films p�ninsulaires en Ferraniacolor.

 

 

Du cours Simon � l�Italie

 

Adolescente parisienne f�rue d�art dramatique, elle assiste � une repr�sentation du Caligula d�Albert Camus, cr�� au th��tre H�bertot en septembre 1945, et va en coulisses dire son admiration � G�rard Philipe dont la notori�t� �clate avec cette pi�ce. C�est sur son conseil qu�elle entre au cours Simon quelques ann�es apr�s. Plus jeune �l�ve du cours, Myriam dit volontiers qu�elle � n�osait pas ouvrir la bouche devant les monstres sacr�s qu��taient Jacqueline Maillan, Jean Le Poulain, Marthe Mercadier, Robert Hossein ou Pierre Mondy � mais elle conna�t sa premi�re exp�rience au cin�ma en participant avec ses camarades � la figuration de Rendez-vous de juillet (1949), de Jacques Becker. Cette jeunesse passionn�e de th��tre et habitu�e de Saint-Germain-des-Pr�s, qu�interpr�tent de tout jeunes acteurs de sa g�n�ration ou � peine plus �g�s, c�est aussi la sienne.

Souvent photographi�e sur la plage, � Cannes o� elle passe ses vacances, Myriam participe � des concours de beaut� pour payer le cours. Elle est �lue Miss Nice puis Miss C�te d�Azur, mais Ren� Simon et G�rard Philipe insistent pour qu�elle en reste l� : � Vous n��tes pas du tout ce genre de fille ! � la tance G�rard Philipe. Sa dauphine, Colette Der�al, future actrice et chanteuse, deviendra ainsi Miss France 1950.

 

Apr�s un d�but dans Ouvert contre X (1951) de Richard Pottier, et surtout, comme protagoniste, dans Une fille dans le soleil (1952) de Maurice Cam, les producteurs Ponti et De Laurentiis qui l�ont connue par ses photos lui proposent de venir en Italie. D�abord h�sitante, elle finit par accepter, refusant du m�me coup le r�le principal du Fruit d�fendu d�Henri Verneuil au grand dam de son ami L�onide Moguy. Ce sera Fran�oise Arnoul qui donnera la r�plique � Fernandel.

 

 

La petite Fran�aise de la Rizzoli Film

 

Pour Myriam qui se souvient avoir vu enfant La couronne de fer et Riz amer et r�ve de jouer pour Rossellini ou Visconti, l�Italie va �tre une d�sillusion. Elle d�couvre un cin�ma envahi par une quantit� de petites productions de films de genre, les fumetti, grands amateurs de jolies actrices. Engag�e par la Rizzoli Film d�Angelo Rizzoli, futur producteur de La dolce vita, elle va encha�ner en l�espace de cinq ans films en costumes, op�ras film�s, com�dies et m�lodrames o� sa gr�ce �blouissante fait merveille.

������ ���� Mais aujourd�hui comme alors, son jugement est sans appel : � Je n�aimais pas du tout ce genre de films. Je r�p�tais que je pr�f�rais dire trois mots chez Visconti plut�t que de faire ces films-l�� �. Et quand on �voque Gli amori di Manon Lescaut (Les amours de Manon Lescaut, 1954), adaptation tr�s l�ch�e du roman de l�abb� Pr�vost sur la musique de l�op�ra de Puccini, sa r�action ne se fait pas attendre : � Quelle horreur ! Je pleurais toutes les larmes de mon corps, j�ai suppli� de ne pas le faire� On m�a r�pondu comme � chaque fois : � Vous �tes sous contrat, vous n�avez pas le choix �. A quoi je r�pliquais : � Je n�apprends rien avec ces metteurs en sc�ne ! �. En se souvenant toutefois d�un Mario Costa � tr�s gentil � et du plaisir d�avoir tourn� avec Louis Seigner, Jacques Castelot et Roger Pigaut.

Une fois au moins elle a tenu t�te � Rizzoli. C��tait � ses d�buts en Italie. Rizzoli lui avait propos� le r�le principal f�minin de Gli eroi della domenica, film sur le football de son grand ami Mario Camerini, avec Raf Vallone et Marcello Mastroianni. � C�est tr�s mauvais et votre film ne fera pas un sou ! � lui lance-t-elle apr�s avoir lu le sc�nario, au grand scandale des deux comp�res et � nouveau de L�onide Moguy. Le film sera effectivement un �chec.

Mais de ses tournages Myriam garde malgr� tout de bons souvenirs. Ainsi de Puccini (Puccini, une vie d�amour, 1952) o� elle jouait aux c�t�s de Gabriele Ferzetti : � La sc�ne la plus belle du film �tait celle de ma mort. On jetait des cyclamens dans l�eau sur la musique de la Butterfly. Par la suite, d�s qu�� Rome j�entrais dans un restaurant o� il y avait un pianiste, il se mettait � jouer la Butterfly� �. Et les anecdotes fusent : � Dans Appassionatamente (L�amour viendra, 1954), les �lectriciens, tr�s gentils avec moi, me bourraient de chocolats et Amedeo Nazzari �tait venu avec son cuisinier qui faisait des spaghettis. De 52 kilos je suis pass� � 60 kilos et je ne rentrais plus dans mes robes ! A un moment je devais m�asseoir dans un carrosse : ma poitrine ressortait de mon d�collet� car je gonflais de partout� Le plus terrible, c�est que j�avais tourn� une sc�ne qui se passait dans un salon et se finissait en ouvrant une porte. Mais la sc�ne de l�autre c�t� de la porte �tait tourn�e deux mois apr�s� Je sortais donc enfl�e et ronde de ce salon alors qu�il s�agissait, dans le film, de la m�me s�quence ! Quand Rizzoli m�a vue, il m�a dit : � Si vous continuez comme �a, je vous cong�die ! � et il m�a envoy�e sur la C�te d�Azur pour faire un r�gime� �. Vacanze a Ischia (Vacances � Ischia, 1957) �tait r�alis� par Camerini. C��tait un grand metteur en sc�ne mais il m�en voulait un peu � cause du film que j�avais refus� et m�en a fait souffrir pendant le tournage. Ainsi Piero Tosi, g�nie des costumes qui �tait devenu mon meilleur ami, avait pr�vu pour moi un collier de perles mais Camerini n�en voulait pas. Et j�insistais en disant : � Les bourgeoises comme celle que je joue ont toujours un collier de perles et cela m�aide pour mon r�le ! �. Alors il y a eu un esclandre : � Myriam ne fait pas ce que je lui dis� �.

 

Soldati et Castellani

 

A deux reprises elle est dirig�e par des r�alisateurs unanimement reconnus et trouve avec ces films ses meilleurs r�les � deux r�les de m�res pour elle qui est encore une toute jeune femme. Dans Il ventaglino, �pisode de Questa � la vita (1953) d�apr�s une nouvelle de Pirandello, elle joue sous la direction de Mario Soldati une m�re coquette qui mendie avec son fils dans un square de Rome puis d�pense la premi�re aum�ne re�ue en s�achetant un �ventail. Son interpr�tation est salu�e par la critique. Pourtant Myriam se souvient d�un tournage difficile : � Je n�arrivais pas � manier correctement l��ventail, rendant fou le pauvre Soldati qui a pass� des heures � me faire r�p�ter et a fini par piquer une crise de nerfs ! .

En 1958, aux c�t�s d�Anna Magnani et de Giulietta Masina, elle tourne pour Renato Castellani Nella citt� l�inferno (L�enfer dans la ville), film sur l�ancienne prison de femmes des Mantellate d�apr�s un sc�nario de Suso Cecchi D�Amico. Elle y est la poignante Vittorina, m�re emprisonn�e pour infanticide qui sombre dans la folie et que sa cod�tenue Egle emp�che de se noyer. A cette �poque elle s��tait tr�s li�e avec des gens de l�entourage de Visconti � Paolo Stoppa, Rina Morelli, Franco Zeffirelli et Piero Tosi � ainsi qu�avec Mauro Bolognini, et son interpr�tation dans Nella citt� l�inferno o� Anna Magnani l�avait trouv�e � tr�s bien � avait d�cid� Castellani � �crire avec Suso D�Amico son prochain film pour elle. � ǒaurait �t� un tournant. Mon mariage en a d�cid� autrement. C�est le destin� � dit-elle aujourd�hui avec un peu de nostalgie mais aucun regret.

 

 

Un certain Horst Buchholz

 

La m�me ann�e elle assiste � une projection de Herrscher ohne Krone, avec le grand Fischer et surtout Horst Buchholz. Impressionn�e par son talent, elle le recommande aussit�t � Zeffirelli et � Bolognini : � Si vous cherchez un acteur extraordinaire, celui-ci va devenir mondial �. Peu de temps apr�s, Rizzoli lui propose de tourner en Allemagne un film tir� du roman de Tolsto� R�surrection avec pour partenaire� Horst Buchholz lui-m�me. Nouvelle opposition de Myriam dont le roman est une lecture de jeunesse : impossible de jouer avec Horst, qui selon elle est bien trop jeune pour le personnage. Le projet se concr�tise malgr� tout et elle rencontre Horst. Leurs premiers �changes sont �piques : � Je ne veux pas tourner avec vous, c�est ridicule � lui lance-t-elle � � Moi non plus ! � r�pond-il � � On me force  reprend Myriam � � Moi aussi ! � r�torque Horst�

Les deux jeunes premiers finissent par sympathiser au cours du tournage puis par devenir amis, mais Myriam, qui le trouve tr�s extravagant, reste distante. Horst est alors invit� par Rizzoli � Ischia et Myriam lui sert de guide. Puis il arrive � Rome o� Fellini a le projet de lui faire tourner La dolce vita, qu�il refuse finalement. Une, puis deux fois, il demande Myriam en mariage : � On n��pouse pas un fou comme vous, excusez-moi de vous le dire ! � se contente-t-elle de lui r�pondre. La troisi�me fois est un ultimatum. Parti tourner Tiger Bay � Londres, il la somme de le rejoindre sous peine de ne plus la voir. Sur un coup de t�te elle d�cide de le retrouver pour discuter. A son arriv�e, Horst lui dit seulement : � Donnez-moi votre passeport, nous nous marions dans deux jours �. Myriam croit � une plaisanterie mais le 7 d�cembre 1958, elle qui avoue n��tre � jamais tomb�e amoureuse d�un acteur � se retrouve bel et bien mari�e � son ancien partenaire�

Cinquante ans apr�s elle raconte avec la m�me stup�faction son incroyable mariage appris par sa m�re dans les journaux, la r�ception de deux cents invit�s dont elle ne connaissait pas un au Dorcester Hotel, et cette anecdote d�lirante : pendant la f�te, une femme demande � lui parler au t�l�phone en se pr�sentant comme� Mme Buchholz. Apr�s lui avoir vainement expliqu� qu�elle est d�sormais Mme Buchholz, Myriam se r�signe. � �a ne m��tonne pas de lui, il a une autre femme� � pense-t-elle en annon�ant � son mari : � Votre autre femme est au t�l�phone ! �. Le malaise est vite dissip� : il s�agissait de Mme Buchholz� m�re !

 

Femme de la p�nombre

 

Pour Horst, pas question que sa femme continue de tourner. La carri�re d�actrice de Myriam va donc s�arr�ter l�. Elle se consacre � sa famille, donnant naissance � une fille, B�atrice, et � un fils, Christopher, devenu acteur et r�alisateur. Mais alors que Horst se met � jouer � Broadway, elle se rappelle cette remarque que lui avait faite Marlon Brando, rencontr� un jour � Paris avec Roger Vadim et Christian Marquand : � Vous �tes un prototype pour l�Actors Studio, n�oubliez pas ce que je vous dis ! �. Myriam se met � suivre les cours comme auditrice. � J�ai appliqu� son conseil quand je n��tais plus actrice, me disant qu�au moins j�apprenais ce que je ne savais pas� � dit-elle avec philosophie.

En 1980, une seconde carri�re commence pour elle par le plus grand des hasards. Michel Mardore, qui a remarqu� ses dispositions � conseiller auteurs et acteurs, la recommande � un agent artistique. Elle qui aurait voulu �tre productrice ne se sent pas d�attirance pour le m�tier mais d�cide de tenter malgr� tout l�aventure pour quinze jours, puis par rester � la demande des acteurs devenus Maruschka Detmers, Dominique Pinon, Val�rie Kaprisky et bien d�autres. Depuis, ce sont Ma�wenn Le Besco, H�l�ne de Fougerolles ou encore Gr�gori Derang�re qui ont rejoint son agence � une r�f�rence dans le milieu.

Aujourd�hui, apr�s avoir voyag� dans le monde entier et habit� plus de cinquante appartements, Myriam Bru � qui parle couramment quatre langues � est toujours, � 76 ans, d�une activit� d�bordante. Et avoue que les satisfactions qui lui ont manqu� comme actrice, elle les trouve chaque jour dans son activit� d�agent, aupr�s de ces acteurs qu�elle conna�t par c�ur et pour lesquels elle se d�pense sans compter. Rien d��tonnant quand on sait avec quelle perspicacit� elle avait d�tect� le talent de son mari un jour des ann�es 50 � Rome, dans la salle de projection de la Rizzoli Film.

Depuis, le temps a pass�. Myriam a eu la douleur de perdre Horst en mars 2003, apr�s quarante-cinq ans de mariage. La fille dans le soleil est devenue une femme de la p�nombre. Mais toujours au service du cin�ma. Merci, Myriam Bru.

 

 

 

FILMOGRAPHIE :

 

1949��� o��������� Rendez-vous de juillet de Jacques Becker

avec Daniel G�lin

figuration avec le cours Simon

1952��� o��������� Ouvert contre X / L'enqu�te est ouverte de Richard Pottier

avec Yves Deniaud

o��������� Une fille dans le soleil de Maurice Cam

avec Henri Gen�s

o��������� Eran trecento� (La spigolatrice di Sapri) de Gian Paolo Callegari

avec Rossano Brazzi

o��������� Puccini (Puccini, vissi d�arte, vissi d�amore) (Puccini, une vie d�amour) de Carmine Gallone

avec Gabriele Ferzetti

1953��� o��������� Gli uomini, che mascalzoni! de Glauco Pellegrini

avec Walter Chiari

o��������� Ti ho sempre amato (Marqu�e par le destin / Rien que toi) de Mario Costa

avec Amedeo Nazzari

o��������� Questa � la vita (�pisode Il ventaglino de Mario Soldati)

avec Andreina Paul

o��������� Cento anni d�amore (�pisode Gli ultimi dieci minuti) (Un si�cle d�amour) de Lionello De Felice

avec Gabriele Ferzetti

1954��� o��������� Appassionatamente (L�amour viendra) de Giacomo Gentilomo

avec Amedeo Nazzari

o��������� Le due orfanelle (Les deux orphelines) de Giacomo Gentilomo

avec Milly Vitale

o��������� Casa Ricordi (La maison du souvenir) de Carmine Gallone

���������������������� avec Roland Alexandre

o��������� Gli amori di Manon Lescaut (Les amours de Manon Lescaut) de Mario Costa

avec Franco Interlenghi

1955��� o��������� Il padrone sono me (C�est moi le ma�tre) de Franco Brusati

avec Paolo Stoppa

1957��� o��������� Vacanze a Ischia (Vacances � Ischia) de Mario Camerini

avec Raf Mattioli

1958��� o��������� Nella citt� l�inferno (L�enfer dans la ville) de Renato Castellani

avec Anna Magnani

����������� o��������� Auferstehung (R�surrection) de Rolf Hansen

avec Horst Buchholz

 

 

� Geoffroy CAILLET pour Les Gens du Cin�ma (mise � jour 17/09/2006)