Calixthe Beyala -
Le Christ selon l'Afrique .
Calixthe Beyala vous présente son ouvrage "
Le Christ selon l'Afrique" aux éditions Albin Michel. Rentrée littéraire Février 2014. http://www.mollat.com/livres/beyala-calixthe-christ-selon-afrique-roman-9782226256010.html Notes de Musique : Africa Format B
Il n'y a pas au monde d'innocents. Il n'existe que des �tres dont on ignore les crimes.
Autrefois, la femme �tait �toile et scintillait nuit et jour dans le ciel. Un jour, par un ph�nom�ne que les astres pi�tin�s refusent d'expliquer, l'homme fut propuls� sur terre. Il portrait la souffrance dans le corps, il g�missait nuit et jour et l'�toile souffrait de le voir souffrir. Ne pouvant plus supporter ces plaintes qui lac�raient ses chairs, elle voulut lui offrir son aide. Elle apporta avec elle des containers entiers de lumi�re et, nuit et jour, elle le veilla. Elle lui donna la lumi�re et l'amour en abondance et il se trouva tr�s vite sur pied. Consid�rant que sa mission s'achevait et qu'il �tait temps de regagner sa place dans les astres, elle fit ses bagages et voulut s'en aller. C'est alors qu'elle s'aper�ut de la tra�trise de l'homme. Pour l'obliger � rester, il avait d�rob� les containers de lumi�re et encercl� sa maison d'un fil de fer.
Vous verrez : mes mots � moi tressautent et cliquettent comme des cha�nes. Des mots qui d�tonnent, d�glinguent, d�vissent, culbutent, torturent ! Des mots qui fessent, giflent, cassent et broient ! Que celui qui se sent mal � l�aise passe sa route.
OH, l�Amie, je veux te raconter une histoire, une histoire tel un chemin dont on ignore l�itin�raire et qui tra�ne ses h�sitations. Et si ma raison parfois fr�le l�ab�me, j�accouche, insatisfaite, de ces lignes sans piti�.
Sache, l�Amie, que l�hiver reprend ses droits. J�ai un demi-si�cle. C�est dur de vieillir. Ma vieillesse me contemple dans une glace comme un monstre dont je ne v�rifierai jamais la tournure.
Parce que, l�Amie, je n�ai plus aucune chance ! Aucune chance ou rien.
C�est le chant de l�exil qui me dicte ces syllabes.
Son sang m�l� � mon corps se tra�ne dans mes souvenirs.
Ses ongles ont creus� des crevasses dans l�amas de chair qui dit l�histoire suspendue.
Mes r�pertoires se r�tr�cissent.
Je suis r�duite � l�indiff�rence ou � mon plus petit d�nominateur.
� moins que de ces fondations si vacillantes, creus�es � des profondeurs si inexactes, ne soient d�une utilit� dont je ne saurai jamais mesurer l�effet sur mon bonheur.
De souvenirs en illusions, je construis un monde en faillite.
Car je viens d�un pays plant� de lianes qui pendent dans mon corps.
M�ammaryam
(M�moires de M�am, traduits du bambara par
Mamadou Traor�, dit Loukoum)
Et l'une des choses les plus difficiles � dire aux gens c'est : "Aimez-moi!".
"Chaque homme est seul et tous se fichent de tous et nos douleurs sont une �le d�serte".
(Extrait du livre d'Albert Cohen "Le livre de ma m�re")
"Chaque humain a le choix de son propre destin. Il doit le tenir fermement entre ses dents pour ne pas le perdre."
- Un Africain ne peut pas �tre heureux, dit-elle. Nous avons trop de milliards de kilom�tres de pass�, mais l'avenir, pas un petit pas.
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� Le bonheur se suffit � lui-m�me et cet �tat me mit dans l�incapacit� d��crire, de cr�er, d�imaginer, de concevoir ou d�inventer. Les pages de mon ordinateur demeuraient d�sesp�r�ment vides. Les feuilles vierges me narguaient et les phrases qui surgissaient de mes mains semblaient comme enferm�es dans une armure. Je regardais fixement mon �cran. On e�t dit un trou, un trou terrifiant que je n�arrivais pas � combler tandis qu�� l�ext�rieur, la vie continuait � faire son cin�ma. �
Mon chagrin est gastronomique. Il s��tale comme une tarte � la cr�me, l� sur mon visage ; il se mousse au chocolat aux coins de mes l�vres ; il craquette sous la langue comme un biscuit sec. �. Je me larmoie dans mon chagrin calamiteux, mon chagrin devient aussi doux qu�un beignet � la banane.