La naissance de la République italienne (2-18 juin 1946) | Cairn.info
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1La chronique des événements qui conduisent à la naissance de la République italienne offre l’apparence de la simplicité. Les 2 et 3 juin 1946 les Italiens et les Italiennes votent pour la deuxième fois après les élections dites administratives (c’est-à-dire municipales et provinciales) de mars-avril de la même année. Dès les premières estimations, la République semble largement l’emporter. La Cour de Cassation proclame les résultats le 10 juin, mais annonce que le jugement définitif concernant les données manquantes, les recours et le décompte des votes blancs ou nuls est remis au 18 juin. Ce temps d’incertitude crée des tensions dans le pays, au gouvernement, entre le gouvernement et le roi. Des manifestations violentes réprimées dans le sang ont lieu à Naples, mais aussi à Caserte. Le 12 juin à 23h45, Alcide De Gasperi, chef du gouvernement, se voit attribuer par celui-ci les fonctions de chef de l’ État. Bien qu’encouragé par certaines personnes de son entourage à résister, le roi décide de quitter le pays le lendemain, non sans avoir dénoncé le « geste révolutionnaire » de De Gasperi.

2Ce récit « neutre » des événements indique que l’accouchement de la République ne s’est pas fait sans douleurs. Les problèmes qui ont jalonné sa naissance peuvent se résumer en trois points. D’abord le choix du référendum même, qui avait la préférence des monarchistes et suscitait les réticences de la gauche. En 1945, beaucoup de partisans du Nord, aux yeux desquels la monarchie italienne avait cessé d’exister [2], s’étaient sentis comme frustrés de n’avoir pu accomplir un geste révolutionnaire que l’ancien dirigeant dirigeant socialiste et antifasciste Gaetano Salvemini alors en exil aux États-Unis appelait a posteriori de ses vœux, se lamentant que Gambetta soit né trop tôt et en France [3]. Le statut de l’Italie et la volonté des Alliés empêchaient de toute façon la répétition italienne d’un 4 septembre. En revanche, il n’était pas souhaitable, selon eux, de retarder le choix des institutions, d’où, c’est le deuxième point, ce référendum à peine plus d’un an après la libération, dans un contexte encore incertain (prisonniers de guerre non revenus, statut indéterminé de territoires en litige – Vénétie julienne et Bolzano –, etc. ). L’atmosphère qui précède le référendum est tendue, comme le révèlent les rapports préfectoraux. Les monarchistes redressent en effet la tête depuis le début du printemps. On craint d’un côté comme de l’autre que les résultats soient contestés et donnent lieu à des mouvements insurrectionnels. Enfin, le score plus faible que prévu de la République ouvre une période d’incertitude dangereuse pour le maintien de l’ordre. Les monarchistes doutent de la régularité du résultat, multiplient les recours, demandent que soient comptabilisés les votes blancs ou nuls. La position de la Cour de Cassation, en raison du rapport de son procureur, n’est pas non plus certaine. C’est le départ du roi qui met un terme aux tensions, et le 18, les résultats proclamés sont définitifs.

3Le déroulement de la campagne et du vote offre des clés de compréhension pour expliquer un résultat si serré et si contesté à l’arrivée. L’étroitesse relative de la victoire républicaine l’entache-t-elle pour autant de suspicion ? L’idée de fraude revient de façon récurrente dans quelques ouvrages et a même donné lieu à une farce médiatique tendant à démontrer aux Italiens que leur République reposait sur un trucage électoral [4]. Soixante ans plus tard, la République peut-elle encore être contestée ?

Le déroulement du référendum

Le choix du référendum

4Le référendum est sans doute le dernier moyen de sauver une monarchie que l’on croyait moribonde. Au sein du gouvernement d’unité antifasciste composé de la Démocratie Chrétienne qui le dirige (De Gasperi), du Parti socialiste, du Parti communiste, du Parti d’Action issu de la Résistance, du Parti libéral et de la Démocratie du travail, les représentants de gauche se voient contraints d’accepter le référendum institutionnel avec réticence en raison de la menace que fait peser De Gasperi sur l’organisation d’un référendum sur la Constitution elle-même. L’acceptation du premier vote voulu par la DC, le PLI et la Démocratie du travail est alors un compromis. Socialistes et communistes tentent comme en France d’imposer un renforcement des pouvoirs de la Constituante, mais sous la pression des Alliés, De Gasperi refuse. Enfin, le vote obligatoire, voulu par le centre-droit, ne s’accompagne cependant pas de sanctions autres que l’affichage public des absentéistes. Des décrets sont pris par le gouvernement, approuvés par l’Assemblée consultative et signés par le roi qui mettent en place l’organisation matérielle et l’assise juridique. La Cour de Cassation est chargée d’examiner les recours, mais son rôle doit se borner au constat du déroulement des opérations électorales. Ses constats s’appuient sur les bordereaux parvenus des bureaux centraux de circonscription qui centralisent les résultats. Il est prévu que l’Assemblée constituante soit élue en même temps, et le dépouillement des bulletins des candidats à la députation doit précéder celui du référendum. Si la monarchie l’emporte, c’est la Constituante qui choisit l’héritier du trône.

La campagne électorale

5Ce n’est pas la première qu’ait connue l’Italie depuis le fascisme et la guerre. Un coup d’essai avait été demandé par les Alliés, histoire de mesurer l’état d’esprit du pays et de faire faire un tour de chauffe à une démocratie renaissante. Des élections administratives se dérouleraient en mars-avril 1946 dans la moitié des villes et des provinces italiennes. Giuseppe Romita, ministre de l’Intérieur, avait décidé, sans que les autres membres du gouvernement trouvent à y redire, que ces élections concerneraient des villes de gauche, histoire d’influencer le choix électoral pour la République, selon ses propres aveux [5]. Les résultats montrent en effet que trois partis se dégagent du lot, avec un net avantage à la DC qui dépasse la somme des PCI et PSI. Le fait a son importance car l’on considère, des deux côtés de l’échiquier institutionnel, que la DC a de ce fait un rôle prépondérant à jouer dans le choix des Italiens pour la République ou la Monarchie.

6L’effet voulu par Romita joue à plein, mais dans un premier temps seulement. Les monarchistes sont en effet découragés et désorganisés. Les rapports des préfets montrent qu’au début de l’année 1946, l’opinion publique est faiblement mobilisée par l’ensemble des enjeux électoraux. Les préfets déplorent un esprit public « déprimé » (l’expression revient très souvent au début de l’année 1946), un désintérêt marqué pour les affaires publiques : les questions locales importent davantage que la question institutionnelle qui n’est guère abordée avant le printemps. C’est le cas dans des provinces aussi différentes qu’Asti (Piémont) qu’Arezzo (Toscane), Brindisi (Pouilles) ou encore Palerme (Sicile) [6]. Les monarchistes sont dans une impasse à l’hiver 45-46 : manque d’argent, soutien du Parti libéral et de la DC qui se dérobe, divisions internes, absence d’hommes de prestige capables de défendre l’institution [7]. Deux événements très différents mais concomitants sonnent le réveil des monarchistes. Le premier c’est le référendum… français du 5 mai 1946 [8]. L’échec de la gauche française suscite l’espoir de la droite italienne qui pense ainsi que l’hégémonie des socialistes et des communistes depuis la fin de la guerre n’est pas inévitable. Le second événement, c’est l’abdication du roi Victor-Emmanuel III le 9 mai au profit de son fils Humbert que l’on dit moins compromis avec le fascisme, ce qui est douteux au regard de l’histoire. Le philosophe Benedetto Croce, figure de proue de l’antifascisme intellectuel et fervent défenseur de l’institution monarchique, tenait à la fin de l’année 1943 des propos peu amènes à l’égard du prince de Piémont qui « a accompagné la geste et les gestes des fascistes, ne jouit d’aucune estime auprès du peuple italien qui le tient même en mésestime, est considéré comme un fat (ou pire que cela)… » [9]. Quoi qu’il en soit, Lucifero, ministre de la Maison Royale, a de son propre aveu brûlé les papiers de l’OVRA (police fasciste) qui concernaient le prince de Piémont. Humbert joue en outre de sa profession de foi catholique qui tranche avec les sympathies maçonniques de son père.

7Lucifero mène la campagne. Les fonds commencent à arriver. Ainsi, au val d’Aoste, le président du Conseil de cette région autonome, l’historien Federico Chabod, indique que le Parti démocratique italien, ouvertement monarchiste, dispose de « vastes moyens financiers » qui lui permettent d’intensifier sa propagande [10]. Des pressions sont exercées auprès des Alliés pour que les élections soient repoussées. Mais ni les États-Unis ni les Anglais n’y sont favorables. L’Italie doit bientôt avoir à signer les accords de paix, et il faut pour cela un interlocuteur légitime. Les monarchistes tentent de convaincre la DC de prendre position en leur faveur. L’échec est retentissant. Un référendum interne a montré au contraire que sur 836 812 inscrits à la DC, plus de 500 000 ont choisi la République, contre 146 000 monarchistes et 187 666 qui ne se prononcent pas [11]. Par souci électoral toutefois, sachant que ses sympathisants et électeurs ne seraient pas aussi tranchés, la direction de la DC décide de ne pas donner de consignes explicites. Le Vatican est ambigu : Pie XII aurait fait pression sur De Gasperi pour un soutien de la DC à la Monarchie, mais pour l’État pontifical, la question institutionnelle est secondaire par rapport à celle de la Constitution [12]. Le PLI se rapproche de partis monarchistes pour fonder l’Union Démocratique Nationale dont les figures de proue sont les anciens présidents du Conseil de l’Italie libérale Orlando et Nitti. Un regroupement des monarchistes (Bloc National des Libertés) permet une plus grande visibilité de leur force. Un rapprochement s’esquisse avec les fascistes (une amnistie leur est promise), alors même qu’une grande partie d’entre eux avaient été de l’aventure de la République sociale italienne en rupture avec la monarchie. Enfin Humbert paie de sa personne en parcourant l’Italie durant le mois de mai.

8La campagne électorale se tend au moment où les monarchistes progressent. Les préfets remarquent un peu partout non seulement une reprise importante de la propagande monarchique mais aussi un redressement de leurs effectifs. C’est le cas par exemple dans la province de Come, mais aussi à Rieti où l’abdication de Victor-Emmanuel III a agi comme un coup de fouet. Dans le Sud, on note une augmentation des effectifs monarchistes et qualunquistes : ainsi à Sassari, les premiers seraient 1 366 au début de l’année, 1 720 en mars et 3 120 à la veille du référendum. L’UQ passe de plus de 6 500 adhérents au début de l’année à 9 364 en mars. À Belluno, le préfet note que « l’idée monarchique, presque universellement haïe à la Libération, a désormais parmi la population un groupe notable de partisans ». Nous analyserons plus loin les raisons de cette progression qui suscite craintes et échauffourées entre partisans des deux camps. Des tensions sont palpables à Asti ou à Parme par exemple où des rumeurs de coups d’État réactionnaires effraient la population de gauche (mais la même chose se passe à droite). « La situation n’est pas dans son ensemble rassurante » écrit le préfet qui parle de « guerre des nerfs ». À Catanzaro, comme dans la plupart des provinces urbanisées du Sud, les préfets parlent de « nervosité » [13].

Les résultats contestés sont-ils contestables ?

9Les résultats définitifs en date du 18 juin 1946 donnent 12 717 923 voix à la République et 10 719 284 voix à la Monarchie. Il y a eu 1 498 136 votes blancs ou nuls. La participation est la plus importante jamais connue. Plus de 95 % dans le Nord de l’Italie et entre 90 et 92 % dans le centre-sud.

10La géographie électorale italienne démontre de façon éloquente combien la césure politique entre monarchistes et républicains recoupe la division géographique entre un Centre-Nord majoritairement républicain et un Centre-Sud plus que largement monarchiste (à la seule et notable exception de la province de Trapani pour le Sud, Cf. carte p. 155). Rome vote pour la monarchie. Une analyse plus fine relève toutefois des nuances importantes : dans quelques provinces « blanches » du Nord de la péninsule, où le vote démocrate-chrétien est majoritaire, la monarchie l’a emporté : c’est le cas ainsi à Padoue (Vénétie) à Coni et Asti (Piémont) ou encore à Bergame (Lombardie). Ce sont les provinces de l’Italie centrale, la Toscane, l’Ombrie, l’Emilie-Romagne et la Ligurie qui ont donné aux Républicains les gros bataillons leur permettant d’arracher la victoire.

11Certes la marge est plus étroite que prévue, en raison notamment d’une fidélité sans doute sous-estimée de l’électorat démocrate-chrétien à la monarchie, mais cela explique-t-il les flottements, atermoiement, agitations qui suivent le vote ?

Le déroulement des événements le lendemain du référendum

12Il faut tout d’abord relever la lenteur du dépouillement. Les résultats parviennent de façon fragmentaire. Ils viennent d’abord du Nord. La République compte dans la nuit du 3 au 4 juin près du double des voix de la Monarchie. Puis l’avance rétrécit. Romita s’en inquiète dans son journal et craint même que les monarchistes ne rattrapent les républicains (entre le 4 et le 5 juin). En fait le vote des bureaux du Sud parvenus avec retard parvient à grignoter l’avance républicaine, mais tous les bureaux du Nord ne sont pas dépouillés et la République parvient à maintenir une avance confortable. C’est cette incertitude de quelques heures qui enhardit les monarchistes. Des recours sont déposés, appuyés par le PLI, notamment par des professeurs de droit, recours que l’on examinera plus loin.

13Au gouvernement, les démocrates-chrétiens comme les ministres de gauche poussent De Gasperi à forcer la décision, notamment après la proclamation des résultats provisoires par la Cour de Cassation le 10 juin. Celle-ci renvoie au 13 juin la proclamation définitive, après examen des recours déposés et des résultats des sections manquantes [14]. Les libéraux prônent l’attentisme en se réfugiant derrière la décision de la Cour de Cassation. Palmiro Togliatti, secrétaire général du PCI, et Mario Scelba, futur ministre de l’Intérieur démocrate-chrétien et farouche anticommuniste, se trouvent parmi les républicains les plus déterminés et pensent que la décision doit être avant tout politique et non juridique, à savoir la proclamation de la République par le gouvernement et non par la Cour de Cassation [15]. Les Alliés, et notamment l’ambassadeur Charles pensent que la décision de la Cassation n’est pas définitive. Dans l’attente des résultats définitifs, le roi propose de déléguer à De Gasperi ses pouvoirs exécutifs, ce que refuse la majorité du gouvernement : un tel pouvoir ne saurait tenir du roi. Les monarchistes s’agitent, pensant ainsi provoquer la gauche et du même coup, en représailles, l’intervention alliée. C’est du moins le point de vue de certains ministres [16]. Le 11 juin, nouvelle réunion du conseil. On apprend que 21 000 recours ont été présentés. Le démocrate-chrétien Giovanni Gronchi, ancien dirigeant du Parti populaire italien et proche de la gauche se veut rassurant : plus que de fraudes, dit-il, il faut parler de manque d’aptitude et de pratique des présidents de bureaux de vote. De Gasperi se rend chez le roi, qui hésite encore. Il déclare vouloir rester en place pour « tenir ses fidèles, sauver l’ordre public et retenir les gauches d’éventuels excès » [17]. On s’inquiète de l’attitude de l’armée, en cas de conflit persistant entre la couronne et le gouvernement, mais il apparaît que celle-ci refuse de sortir de la légalité. Rendez-vous est pris pour le lendemain, mais entre-temps on a vent des incidents qui éclatent à Naples et à Tarente.

Manifestations meurtrières dans le Sud

14La campagne pour le référendum a connu des périodes particulièrement agitées dans le Sud, tant l’influence monarchiste y est forte. Le 15 mai, exemple parmi d’autres, un militant communiste, violemment pris à partie par des manifestants monarchistes, doit se réfugier in extremis dans le siège de la section de son parti qui devient alors la cible de la foule. Des grenades, lancées depuis l’immeuble, font 31 blessés [18]. L’agitation se poursuit après le vote. Elle prend sa source dans l’annonce que la famille royale arrivera à Naples. Les monarchistes tentent alors de s’organiser pour opposer une résistance à la proclamation de la République. À partir du 7, ils tiennent la rue sans faiblir, rejoints par des sympathisants venus d’autres provinces. Leurs cibles et objectifs sont à la fois les prêtres (plusieurs d’entre eux sont agressés, accusés, comme l’ensemble de l’Église de Naples et contre toute vraisemblance, de ne pas avoir soutenu la monarchie, puis se heurtent aux forces de l’ordre), les communistes et les autorités municipales. Les manifestants défilent en criant : « Nous disons à la haute magistrature que Naples capitale du Mezzogiorno est et restera monarchique, même au prix de fractures morales et matérielles » et « Séparatisme ! Vive le Royaume des Deux Siciles ! ». Le 7, un étudiant monarchiste est tué, vite transformé en martyr de la cause [19]. Le 10, à l’occasion de son enterrement, les manifestations prennent de l’ampleur et dégénèrent rapidement en raison de la relative faiblesse des forces de l’ordre, rapidement débordées. C’est le 11 qu’a lieu le drame. Partant non loin de la gare et se dirigeant, comme à son habitude vers la municipalité, le cortège se détourne vers le siège du PCI où, sans doute par provocation, ont été hissés un drapeau rouge et un drapeau tricolore d’où l’emblème de la dynastie des Savoie a été découpé. La fureur des manifestants n’est en rien affaiblie par la présence de blindés. Tentatives d’assaut du sièges du parti, barricades dressées, véhicules incendiés, l’émeute semble tourner à la tentative d’insurrection. Des coups de feu sont échangés. Selon le rapport du préfet, les premiers à avoir tiré sont les manifestants. La réplique est sanglante. On déplore 7 morts parmi les manifestants, dont une femme. Le calme ne revient véritablement qu’après le départ d’Italie du roi, le 13 juin.

15Les événements de Naples ne se produisent pas ailleurs, sinon, dans une moindre mesure à Tarente, où un marin serait décédé à la suite de heurts entre monarchistes et forces de l’ordre ou encore à Caserte non loin de Naples [20], mais ils ont fait forte impression dans le pays comme en témoignent les réactions des populations des autres provinces rapportées par les préfets [21]. Il ne faut donc pas en exagérer l’importance. Les incidents restent confinés au Midi italien, du fait de sa situation particulière qui sera analysée plus loin. Ont-ils en revanche poussé De Gasperi à franchir le pas ? Toujours est-il que le 12 juin, peu avant minuit, alors qu’entre-temps l’Assemblée constituante française avait salué la nouvelle République, le président du Conseil fort du soutien de ses ministres, annonce qu’il assume les pouvoirs de chef de l’État. Humbert s’incline et quitte l’Italie en catimini, non sans avoir dénoncé un acte subversif.

Les raisons des atermoiements

16Les très nombreux recours déposés et les arguments présentés par les monarchistes expliquent-ils d’une part la lenteur lenteur de la décision de la Cour de Cassation et justifient-ils d’autre part que le résultat définitif soit encore sujet à discussion ?

17La Cour de Cassation examine les recours du 11 au 18 juin. Un bref aperçu nous montre l’hétérogénéité des réclamations, dont certaines prêtent à sourire. Un avocat romain présente les points suivants : tous les électeurs n’ont pas reçu leur carte ; certains en ont reçu plus d’une parce qu’inscrits dans plusieurs bureaux ; les Anciens combattants n’ont pas reçu de cartes car ils ne se sont pas inscrits à temps ; ceux qui se trouvaient loin de leur bureau n’ont pas pu voter ; les Italiens à l’étranger et ceux des colonies n’ont pas pu voter [22]. Dans d’autres recours, on dénonce des inscriptions irrégulières, des personnes ayant voté deux fois, la lenteur des opérations électorales qui aurait dissuadé plus d’un électeur, une propagande abusive près du bureau de vote, etc.

18Excluons d’emblée les plus fantaisistes. Elles n’en sont pas moins nombreuses. Ainsi à Caserte, on déplore le manque de moyens de transport qui aurait empêché de voter, sans oublier la revendication d’une annulation du vote parce que les malades n’ont pu se rendre aux urnes… [23] Il est en revanche vrai que le vote du 2 juin excluait de fait ou de droit une partie des Italiens. De fait, les prisonniers de guerre, notamment ceux du front de l’Est, ne sont pas tous rentrés. On soupçonne Togliatti de retarder leur libération qui apporterait un vote hostile au PCI. De droit, selon le décret 99 de la Lieutenance du Royaume, signé donc par Humbert, les Italiens résidant en Vénétie julienne et à Bolzano, territoires non encore attribués à l’Italie, sont exclus du vote. De droit encore, les fascistes jugés et exclus de leurs droits civiques comme les prisonniers ne peuvent voter, comme le veut la loi. La Cour de Cassation a beau jeu de rappeler que ce n’est pas à elle de juger la loi électorale (lors de la séance du 9 juin). Textes juridiques à l’appui, elle indique que son rôle doit se limiter à proclamer les résultats puis à examiner « le déroulement des opérations relatives au référendum », selon l’article 19 du texte de loi qui explicite ses pouvoirs (lors de la séance du 13 juin). Quant aux accusations, non étayées, de fraudes (double vote) ou intimidations, elle sont balayées comme trop générales et relevant le cas échéant des tribunaux ordinaires.

19Un argument a nécessité un rapport du procureur général près la Cour, celui qui concerne l’établissement de la majorité. Des monarchistes de Catane estiment qu’il faut prendre en compte non la majorité des votes exprimés, mais « la majorité des votants » comme stipulé dans l’article 2 du décret 98 du 16 mars 1948. Cet article, assez curieusement passé inaperçu au gouvernement comme à l’Assemblée consultative, insinuait en effet un doute. Si l’on devait prendre en compte la majorité des votants, les votes nuls ou blancs seraient-ils alors considérés comme exprimés ? Et dans ce cas, que se passerait-il si la République, une fois ces voix décomptées, n’atteignait pas la majorité absolue ? La situation paraît absurde. Au nom de quel principe démocratique la monarchie serait sauvée par les votes blancs ou nuls ? Tel n’est pas l’avis du procureur qui estime la requête recevable. Dans un réquisitoire de 29 pages, il estime que l’esprit et la lettre des décrets ainsi que la jurisprudence [24] prévoient le décompte des votants comme celui de tous ceux qui ont participé sans exclure les votes blancs ou nuls. La Cour balaye l’argumentation en plusieurs temps : d’une part, elle considère que le vote, comme acte juridique, manifeste une volonté et que le vote blanc ou nul peut être assimilé à une abstention, c’est-à-dire pour reprendre les termes du raisonnement, à l’absence de manifestation de cette volonté. D’autre part, le décret 219, rectifiant en quelque sorte le précédent, évoque bien l’idée de votes « validement exprimés ». Enfin, last but not least, la Cour rappelle qu’il n’est nulle part fait mention de la nécessité d’une majorité absolue.

20Au-delà des arguties juridiques, il est frappant de voir que des juristes et pas des moindres ont pu présenter de tels arguments aux seules fins d’annuler le référendum dont le résultat ne leur convenait pas. Cette complicité en haut lieu explique alors pourquoi ce vote reste toujours entaché de suspicion, malgré le fait, par ailleurs, que la République ait bénéficié d’une majorité absolue des suffrages, votes nuls inclus. Plus de 50 ans après le vote, un ouvrage écrit par un ancien fasciste non repenti pouvait encore lancer l’idée d’une « grande fraude ». Il ne faisait d’ailleurs que reprendre un certain nombre d’arguments déjà présentés en 1946 par un professeur d’Université. Le taux de participation, plus élevé dans le Nord que dans le Sud, prouve qu’il y aurait eu bourrage des urnes. Il n’y a évidemment pas la moindre preuve à l’appui de ces accusations, sinon une série de calculs farfelus qui laisseraient pantois un collégien [25].

21Il semble plus important à l’historien d’aujourd’hui de comprendre en revanche les raisons d’un résultat aussi serré et contesté.

Réflexions conclusives

22Il convient d’abord de distinguer l’Italie du Nord et du Centre de l’Italie du Sud. Les incidents qui se déroulent dans le Midi et pas ailleurs ne tiennent pas seulement, voire pas du tout, à la faiblesse du score des Républicains. Il y a plusieurs raisons à cela : d’une part, la poussée monarchique était plus attendue dans le Sud que dans le Nord, et dans les provinces septentrionales où la monarchie l’a emporté, il n’y eut pas d’incidents notables, malgré l’effet de surprise dans certains cas [26]. D’autre part, les recours des monarchistes qui maintenaient un état d’incertitude ont été envoyés de toute l’Italie et pas seulement du Sud. Enfin, la force des monarchistes, certes nettement supérieure dans le Sud, s’arrête toutefois aux portes du référendum : l’alliance des partis monarchistes et populistes, à laquelle s’ajoute le PLI, à la droite donc de la Démocratie-Chrétienne, obtient aux élections à l’Assemblée constituante un score inférieur à 30 % même à Naples où le vote monarchiste atteint 80%.

23Il y a donc des raisons conjoncturelles particulières autres que l’attachement à la monarchie qui expliquent le vote. Elles viennent s’ajouter à des causes structurelles particulières au Midi italien. D’une part, le Midi italien a plus été touché que le Nord par les destructions, la disette, la maladie, en bref la misère consécutive aux années de fascisme et à la guerre, maux qui accentuent le retard et l’arriération économique et sociale propres à ces régions. Or celles-ci n’ont pas connu la guerre civile qui a ensanglanté le centre et le nord du pays. Ici, la haine de l’occupant allemand et de son allié fasciste ont accentué le désir de rupture avec l’ordre ancien que symbolise, entre autres choses, la monarchie. Là, au sud, on tient bien plus responsables de la situation les forces antifascistes qui constituent l’autorité reconnue depuis le début de l’année 1944. Cette différence de situation et d’interprétation des événements douloureux que connaît l’Italie constitue la seconde raison de ce vote divergent qui se prolonge dans une moindre mesure dans les résultats pour l’élection des députés constituants. Les monarchistes, mais surtout le parti de l’Uomo qualunque, que l’on peut traduire par parti de l’Italien moyen ou de l’homme de la rue, mouvement populiste d’extrême-droite qui prospère dans le terreau de l’extrême précarité des méridionaux, obtiennent de très bons scores. Cela s’explique en outre par une troisième raison, la peur du changement, de la modernité, du « vent du Nord », expression employée par l’ancien président du Conseil et ancien grand résistant Ferruccio Parri, tous ces éléments auxquels la République est vite assimilée dans le sud du pays. La monarchie est ainsi la garantie d’un ordre ancien, mythifié certes, mais préférable à la situation actuelle dont la « gabegie » gouvernementale et la politique des antifascistes sont rendues responsables.

24Dans le Nord et le Centre de l’Italie, la question économique n’est pas non plus étrangère à la progression du vote monarchiste. Les agitations dues au problème du chômage touchent toute l’Italie. Le mécontentement face à la situation présente n’épargne aucune région et la population fait grief au gouvernement de n’apporter aucun remède. Il perdure d’ailleurs au-delà du 18 juin, comme à Bari. À cela s’ajoutent des facteurs locaux. Nul doute par exemple que l’attachement à la monarchie de Savoie est ancré dans quelques provinces de l’ancien royaume de Piémont-Sardaigne. À Coni, le préfet n’hésite pas à évoquer une « mentalité traditionaliste et conservatrice ». Autre facteur, à Rome, la présence de nombreux anciens combattants, très présents lors des manifestations, restés fidèles sinon au fascisme du moins à la monarchie, explique en partie le vote favorable à celle-ci. Le poids des anciens combattants est d’ailleurs remarquable dans toutes les agitations qui troublent l’Italie durant ces mois difficiles, ce qui n’est pas sans rappeler à quelques-uns les années 1919-1922.

25Les problèmes économiques ne sont pas seuls en cause. Ce qui éveille l’inquiétude non seulement des anciens combattants, mais d’une frange croissante de la population italienne, toutes provinces confondues, c’est la peur du sort qui sera réservé à l’Italie lors des traités de paix. Que deviendront Trieste, les colonies ? Quelles seront les nouvelles frontières de l’Italie ? Les questions sont posées de façon lancinante par les Italiens si l’on en croit les rapports des préfets. À Pérouse, les étudiants manifestent pour l’italianité de Trieste. Des manifestations semblables ont lieu à Palerme [27]. Même dans les terres où règnent les partis socialiste et communiste, ces préoccupations pour le statut de l’Italie s’expriment nettement. C’est le cas par exemple à Pise [28]. Partout dans le Sud, la population craint les effets de la perte des colonies. À Coni enfin, la rétrocession à la France de Tende et de La Brigue peuvent expliquer la poussée monarchiste. Ces inquiétudes et leurs conséquences politiques démontrent que le traumatisme du 8 septembre 1943 (armistice), qui a vu l’effondrement de l’État italien, n’a pas constitué une rupture radicale dans le sentiment national italien. Persiste en effet, malgré la chute du fascisme, malgré la précarité économique qui contraint l’Italie à demander des aides urgentes aux États-Unis, sinon un courant nationaliste, du moins une réelle préoccupation pour la place de l’Italie en Europe et dans le monde. L’institution monarchique assurerait pour près de la moitié de la population la garantie d’une certaine continuité de la politique étrangère italienne, du maintien de son rang de puissance européenne et coloniale. La peur croissante d’une relégation trop humiliante de l’Italie au ban des nations européennes contribue à amplifier le mécontentement à l’égard des forces antifascistes qui se voient opposer une poussée inquiétante de l’extrême-droite aux élections administratives de l’automne 1946, puis encore aux élections régionales siciliennes du 20 avril 1947. Il n’est pas hasardeux de dire que si le référendum institutionnel avait eu lieu à la fin de l’année 1946, le résultat aurait pu se renverser. On comprend dès lors la détermination de De Gasperi à rompre dès que possible l’unité gouvernementale et renvoyer les ministres socialistes et communistes pour déplacer le curseur politique vers la droite. C’est chose faite en mai 1947. Perdure toutefois au-delà de cette date un sentiment de frustration nationale qui prend non seulement la forme d’une pression constante exercée sur le gouvernement pour régler la question de Trieste en faveur de l’Italie mais également d’une réticence certaine à l’égard des engagements atlantistes et européens d’une partie non négligeable de la population. Entre-temps la situation politique s’est renversée et le Parti communiste devient le tribun de cette nouvelle forme de nationalisme et se veut le rempart de l’indépendance nationale contre l’ « envahisseur » américain et les méfaits supposés de la construction européenne.

Notes

  • [1]
    Maître de conférences, ENS Cachan.
  • [2]
    Voir sur ce point Claudio Pavone, Une guerra civile. Saggio storico sulla moralità nella Resistenza, Turin, Bollati Boringiheri, 1991. Traduction française : Une guerre civile. Essai historique sur l’éthique de la Résistance italienne, Paris, Le Seuil, coll. « L’univers historique », 2005.
  • [3]
    « O Gambetta, Gambetta, pourquoi es-tu né en France en 1840, au lieu de naître en Italie en 1901 ? » lettre du 27 avril 1948 à Ernesto Rossi, dans Gaetano Salvemini, Lettere dall’America 1947-1949, Bari, Laterza, 1968, p. 167.
  • [4]
    En 1990, le journaliste Giovanni Minoli dans son émission Mixer provoque le scandale en retransmettant une confession larmoyante d’un soi-disant juge de la Cour de Cassation avouant la prétendue fraude. Il s’agissait d’une plaisanterie, mais nombreuses ont été alors les réactions.
  • [5]
    Voir, pour le récit des événements de toute cette période vue par le ministre de l’Intérieur, Giuseppe Romita, Dalla Monarchia alla Repubblica, Pise, Nistri-Lischi, 1959 puis Id., Dalla Monarchia alla Répubblica. Taccuino politico del ’45, Milan, Ugo Mursia, 1973.
  • [6]
    Les rapports des préfets des différentes provinces italiennes pour les années 1944-46 ont été consultés aux Archives Centrales de l’État à Rome : Archivio Centrale dello Stato [désormais ACS], Ministero dell’Interno, DGPS, Divisione Affari Generali e Riservati, PS 1944-1946, C2I, buste 28-34.
  • [7]
    Voir sur les monarchistes, Andrea Ungari, In nome del Re. I monarchici italiani dal 1943 al 1948, Florence, Le lettere, 2004.
  • [8]
    Le préfet de la province de Bari remarque par exemple que le résultat français a stimulé la droite italienne (ACS, Ministero dell’Interno, DGPS, Divisione Affari Generali e Riservati, PS 1944-1946, C2I, busta 28, Bari, rapport du 13 mai 1946).
  • [9]
    Lettre de Benedetto Croce à Carlo Sforza (ancien ministre des Affaires étrangères, antifasciste parti en exil aux Etats-Unis et proche du Parti d’Action), 11 décembre 1943, dans Archivio Croce, Naples, volume 66, 74, c. 173.
  • [10]
    ACS, Ministero dell’Interno, DGPS, Divisione Affari Generali e Riservati, PS 1944-1946, C2I, busta 28, Aosta, 7 juillet 1946 [le rapport a été rédigé plus tôt et sans doute enregistré à cette date au ministère].
  • [11]
    Francesco Malgeri, Storia della Democrazia cristiana vol. 1, 1943-1948, Rome, Edizioni Cinque Lune, 1988.
  • [12]
    Andrea Ungari, In nome del Re, op. cit., pp. 200-212.
  • [13]
    Dans respectivement ACS, Ministero dell’Interno, DGPS, Divisione Affari Generali e Riservati, PS 1944-1946, C2I, busta 30, Como, rapport du 8 juin 1946 et busta 34, Rieti, rapport du 2 juin 1946 ; busta 34, Sassari, rapports des 28 janvier, 28 mars et 28 mai 1946 ; busta 28, Belluno, rapport du 5 juin 1946 ; busta 33, Parma, rapport du 15 mai 1946 et busta 30, Catanzaro, rapport daté du 16 juin 1946.
  • [14]
    Au 10 juin, les résultats de plus de 100 sections ne sont pas parvenus, dont près de la moitié en Ligurie. L’avance de la République est alors inférieure à 2 millions de voix.
  • [15]
    Les délibérations des conseils quotidiens des ministres durant cette période se trouvent publiées dans Verbali del Consiglio dei ministri, luglio 1943-maggio 1948. Edizione critica a cura di Aldo G. Ricci, vol. VI 1, 10 dicembre 1945-13 luglio 1946, Presidenza del Consiglio dei ministri, Dipartimento per l’informazione e l’editoria, 1996.
  • [16]
    Ibidem, p. 1372. Le libéral Manlio Brosio se trouve d’accord sur ce point avec le communiste Mauro Scoccimaro.
  • [17]
    Ibidem, p. 1379.
  • [18]
    Voir, pour les événements de Naples avant le référendum, ACS, Ministero dell’Interno, DGPS, Divisione Affari Generali e Riservati, PS 1944-1946, busta 192, elezioni politiche. Les incidents sont rapportés dans le rapport du préfet daté du 18 mai.
  • [19]
    Pour l’ensemble de ces événements succédant au référendum, voir ACS, Ministero dell’Interno, DGPS, Divisione Affari Generali e Riservati, PS 1944-1946, C2, busta 160, fasc. 2.
  • [20]
    ACS, Ministero dell’Interno, DGPS, Divisione Affari Generali e Riservati, PS 1944-1946, C2I, busta 35, Taranto, rapport du 17 juin 1946 et busta 29, Caserta, rapport du 15 juin 1946.
  • [21]
    C’est par exemple le cas à Côme, où le préfet relève que les agitations ont soulevé la perplexité de la population (ACS, Ministero dell’Interno, DGPS, Divisione Affari Generali e Riservati, PS 1944-1946, C2I, busta 31, Côme).
  • [22]
    ACS, Corte suprema di Cassazione, Referendum sulla forma istituzionale dello Stato, 1946, busta 1. Adunanza del 13 giugno 1946.
  • [23]
    Ibidem, buste 1-9. Une estimation très grossière évaluerait à 200 000 le nombre de citoyens et citoyennes ayant déposé un recours. Tous ces recours sont archivés dans les chemises numérotées de 1 à 9.
  • [24]
    La jurisprudence retenue par le procureur ne concerne d’ailleurs, et il ne pourrait en être autrement, que le déroulement des votes de la Chambre des députés depuis l’Unité.
  • [25]
    L’ouvrage en question est celui de Franco Malnati, La Grande frode. Come l’Italia fu fatta Repubblica, Fogia, Bastogi, 1997. L’auteur avoue son parti-pris. Son ouvrage est bâti sur la théorie d’un vaste complot. L’attitude des États-Unis s’explique ainsi par la présence d’espions haut placés à Washington au service de l’URSS. Quant aux calculs délirants, ils reposent, pour ne prendre que ce seul exemple, sur le fait qu’il ne pouvait pas y avoir entre le nombre d’inscrits et le nombre d’Italiens et d’Italiennes un ratio supérieur à 6 inscrits pour 10 Italiens ( ?). Or le chiffre officiel fait état de 63,6 % d’inscrits par rapport à l’ensemble de la population. Il y aurait donc plus de 3 % de fausses inscriptions… Notons que la différence entre la participation au Nord et du Centre et celle du Sud existait déjà très largement en 1919 et en 1921. En 1946, le plus grand écart de participation entre deux provinces ne dépasse pas les 6 points. Voir pour l’histoire des élections en Italie et les chiffres de la participation aux premières élections au suffrage universel masculin Pier Luigi Bellini, Le elezioni nella storia d’Italia dall’Unità al fascismo. Profilo storico-statistico, Bologne, Il Mulino, 1988.
  • [26]
    Ainsi, dans la province de Coni (Piémont), le préfet note que le résultat favorable à la monarchie a surpris les observateurs mais n’a pas soulevé de « récriminations excessives » (ACS, Ministero dell’Interno, DGPS, Divisione Affari Generali e Riservati, PS 1944-1946, C2I, busta 31, Cuneo, rapport daté du 28 juin 1946). Dans la capitale, il y eut quelques bagarres entre républicains et monarchistes, des polémiques assez vives, au point que le préfet craignait pour l’ordre public, mais les choses se sont apaisées après le départ du roi (ACS, Ministero dell’Interno, DGPS, Divisione Affari Generali e Riservati, PS 1944-1946, C2I, busta 34, Roma, rapport daté du 18 juin 1946).
  • [27]
    ACS, Ministero dell’Interno, DGPS, Divisione Affari Generali e Riservati, PS 1944-1946, C2I, busta 33, Palermo, rapport du 6 mai 1946 et Perugia, rapport du 30 avril 1946.
  • [28]
    ACS, Ministero dell’Interno, DGPS, Divisione Affari Generali e Riservati, PS 1944-1946, C2I, busta 33, Pisa, rapport d’avril 1946.
Français

Résumé

L’accouchement de la République italienne ne s’est pas fait sans douleurs. Le choix de la procédure (référendum) a été controversé. Les conséquences de la Deuxième guerre mondiale, le contexte créé par les destructions, la pauvreté, le chômage et la misère ont été sources de tensions et d’instabilité. Tous les Italiens n’ont pas pu voter : les prisonniers, les habitants de zones frontalières (Trieste, Bolzano), les présumés fascistes sont exclus du vote. Les résultats ont été immédiatement contestés, et la suspicion a perduré. Tout cela s’explique par les conditions dans lesquelles la campagne a été menée, par la régression des monarchistes et la forte opposition entre un Nord et un Centre républicains et un Sud monarchiste. Les Italiens étaient inquiets du futur de l’Italie et de sa place dans l’Europe nouvelle. Voilà pourquoi la monarchie pouvait apparaître comme une protection et un garde-fou.

Mots-clés

  • République italienne
  • référendum
  • monarchie
  • Alcide de Gasperi
English

Abstract

The way to the Italian Republic did not go smoothly. The choice of the procedure (referendum) has been discussed. The consequences of the Second World War, the context of destructions, poverty, unemployment and misery has created political tensions and instability. All Italian men and women couldn’t vote : were in fact excluded war prisoners, Italian from border regions (Trieste, Bolzano), suspected fascists. Republic won with an unexpected short advance. The results have been immediately contested and the suspicion continued later on. The reasons of that stand on the way the election campaign was led, the regression of monarchists and the strong opposition between a republican North and Center and a monarchist South. Italian people were afraid of the future of Italy and her place in the new Europe. That’s why they looked the Monarchy as a protection and as a safeguard.

Keywords

  • Italian Republic
  • referendum
  • monarchy
  • Alcide de Gasperi
Frédéric Attal [1]
  • [1]
    Maître de conférences, ENS Cachan.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/01/2008
https://doi.org/10.3917/parl.007.0141
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