Israel M. Kirzner : les opportunités au cœur de la dynamique entrepreneuriale | Cairn.info
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Introduction

1Figure emblématique de la tradition économique autrichienne [2], Kirzner publie en 1973, un ouvrage majeur jetant les bases d’un projet scientifique qu’il défendra tout au long de sa carrière académique et dont la formulation peut être la suivante : mettre en lumière le rôle spécifique et irréductible de l’entrepreneur dans la compréhension des processus de marché. D’autres économistes avant lui ont insisté sur ce rôle crucial de l’entrepreneur dans la dynamique du marché (Schumpeter, 1912 ; Mises, 1949 ; Baumol, 1968). Cependant, Kirzner se distingue par sa volonté d’opérer une reformulation globale de la théorie néoclassique des prix, dans le sens d’une prise en compte de l’activité entrepreneuriale comme force motrice décisive du processus de retour à l’équilibre des marchés. En effet, le problème majeur de l’approche standard dite « néoclassique » est qu’elle conduit à une éviction de l’activité entrepreneuriale en raison d’une préoccupation centrale tournée vers une analyse des marchés en situation d’équilibre (Kirzner, 1973, p. 7). Cela s’explique par le fait qu’à partir du moment où l’analyse économique met l’accent sur l’équilibre statique, c’est-à-dire sur des situations où les actes économiques ont produit tous leurs effets et où le temps est figé, il n’y a plus de place pour une théorie de la fonction entrepreneuriale, voire pour une théorie des profits en tant que revenus résiduels d’agents qui assument les risques liés à l’activité économique (Douhan, Eliasson et Henrekson, 2007). Kirzner n’aura donc de cesse d’œuvrer à substituer à la conception du marché équilibré une vision de l’économie comme processus de marché, en faisant de l’entrepreneur le correcteur des erreurs de marché (Kirzner, 2009, p. 147).

2L’architecture conceptuelle de Kirzner est construite autour de trois notions clés qui caractérisent l’essence et la spécificité de l’action entrepreneuriale : l’opportunité, la vigilance et l’ignorance relative des participants aux processus des marchés. À travers l’explicitation de ces concepts, nous expliquerons en quoi Kirzner apparaît comme l’un des pères fondateurs du « paradigme de l’opportunité » pour reprendre la formule introduite par Verstraete et Fayolle (2005) ; paradigme actuellement dominant dans le champ de l’entrepreneuriat (Chabaud et Messeghem, 2010). Plus encore, nous montrerons comment sa pensée a ouvert la voie à des questionnements qui sont actuellement au cœur de débats académiques au sein de la communauté des chercheurs en entrepreneuriat.

3L’objectif est de présenter l’œuvre de Kirzner afin d’en saisir la cohérence interne et de comprendre la mécanique intellectuelle développée par l’auteur. Il convient de souligner que nous ne nous intéressons pas à l’intégralité de ses travaux, qui embrassent des domaines aussi divers que la méthodologie économique, la politique économique ainsi que les questions de justice et de liberté. Nous faisons le choix de nous restreindre aux réflexions de Kirzner directement en lien avec le champ de l’entrepreneuriat. La grille de lecture que nous proposons consiste à exposer les réponses apportées par Kirzner à trois questions qui se situent au cœur de du paradigme de l’opportunité : comment définir les opportunités ? D’où viennent-elles ? Comment s’opère le processus de découverte de ces dernières par l’entrepreneur ?

4Une telle démarche permettra d’exposer les concepts clés de l’approche de Kirzner dans une première partie, avant de mettre en exergue leurs apports dans le domaine de l’entrepreneuriat dans une deuxième partie. Enfin, dans une troisième partie, il s’agira de montrer comment certaines des pistes de recherche initiées par Kirzner demeurent encore aujourd’hui d’une brûlante actualité.

1 – Le cadre conceptuel de Kirzner : l’entrepreneur vigilant découvreur d’opportunités

5Kirzner propose un cadre conceptuel pour appréhender le phénomène entrepreneurial. Ce cadre repose sur le couple opportunité-vigilance qu’il convient aussitôt de compléter par le couple ignorance-découverte. En effet, la fonction économique de l’entrepreneur consiste à détecter des opportunités qui constituent autant de déséquilibres dans le fonctionnement des marchés. Pour y parvenir, l’entrepreneur est fondamentalement celui qui fait preuve de vigilance en découvrant ce que les autres ne perçoivent pas. Il tire alors avantage de l’ignorance relative des autres participants au marché en mettant en œuvre des actions qui permettent de corriger ces déséquilibres et par là même d’orienter le marché vers une situation plus proche de l’équilibre.

1.1 – Opportunités et vigilance : deux concepts clés de la pensée de Kirzner

6Kirzner introduit deux concepts d’analyse indissociables que sont les opportunités d’une part, la vigilance de l’entrepreneur d’autre part.

7Les opportunités sont définies comme des occasions de gains inexploitées qui se trouvent potentiellement à portée de main de tout un chacun. Ce point mérite d’être souligné car il indique que, dans la pensée de Kirzner, la notion d’entrepreneur ne renvoie pas d’abord à un agent économique mais à une fonction que tous les agents peuvent activer (salariés, consommateurs) puisqu’il s’agit précisément de l’activité qui consiste à déceler des opportunités sur le marché grâce à la vigilance (Kirzner, 1973, p. 12).

8En effet, le fonctionnement des marchés se caractérise par une ignorance relative des participants, laquelle fait naître des possibilités d’arbitrage. Le mécanisme d’arbitrage consiste, sur un marché où le prix n’est pas partout le même, à acheter là où le bien est moins cher pour le revendre là où le bien est plus cher. Par ce mécanisme, la demande augmente là où les prix sont bas, ce qui crée une tension à la hausse, et l’offre augmente là où les prix sont élevés, ce qui crée une tension à la baisse. Dès lors, le mécanisme d’arbitrage cessera lorsque le prix sera de nouveau unifié sur le marché. L’entrepreneur est alors celui qui, grâce à sa capacité de vigilance, prend conscience avant les autres de ces écarts de prix. La vigilance renvoie moins à une meilleure connaissance des données concrètes du marché, qu’à la capacité de l’entrepreneur à connaître les lieux où trouver les informations pertinentes sur les données du marché. Il en tire alors profit en jouant un rôle d’intermédiation consistant à acheter un peu plus cher et à vendre un peu moins cher.

9Kirzner fait ainsi de l’entrepreneur le correcteur des erreurs de marché et donc l’initiateur de son retour à l’équilibre, grâce à sa fonction stabilisatrice d’arbitrage qui lui permet d’ajuster les prix sur les différentes parties d’un même marché (Kirzner, 1973, pp. 54-56).

10On opère souvent une distinction entre opportunités kirzneriennes et schumpeteriennes (Shane, 2003, pp. 19-23). D’un côté, en effet, l’entrepreneur apparaît avec Kirzner comme celui qui, grâce à sa vigilance, réagit aux déséquilibres hérités de la rivalité existant entre les agents. L’accent est alors porté sur les forces du retour à l’équilibre, dont l’entrepreneur est la figure centrale. D’un autre côté, l’entrepreneur apparaît comme un agent actif de la concurrence envisagée comme un processus de continuel déséquilibre. L’accent porte cette fois sur les perturbations affectant les positions d’équilibre, suite aux initiatives et à la créativité des entrepreneurs. On retrouve là le phénomène bien connu de destruction créatrice décrit par Schumpeter au début du siècle.

11Kirzner se positionne clairement vis-à-vis de Schumpeter en insistant sur le fait que contrairement à ce que laisse entendre la littérature (Hébert et Link, 1982, p. 99 ; Boudreaux, 1994 ; Shane, 2003), il n’y a pas lieu d’opposer vigilance et créativité. Kirzner insiste sur le fait qu’en réalité son approche englobe celle de Schumpeter dans la mesure où il est toujours possible d’interpréter l’introduction d’une innovation comme non pas la cause d’un déséquilibre économique mais plutôt comme la conséquence d’un déséquilibre préexistant (Kirzner, 2009, p. 149). Kirzner illustre sa pensée en discutant de l’impact qu’a eu l’introduction de l’automobile sur l’industrie des calèches. Pour ce dernier, il n’est pas correct de considérer que l’introduction de l’automobile a rompu un équilibre existant. Au contraire, c’est le marché des modes de transport qui, au moment de l’introduction de l’automobile, était en situation de profond déséquilibre dans la mesure où trop de ressources étaient allouées à la fabrication d’un produit devenu désuet, en l’occurrence la calèche (Kirzner, 1999, pp. 14-15).

12Dans son ouvrage de 1973, Kirzner livre une réflexion sur sa conception de la nature des opportunités qui préfigure l’émergence des théories de la découverte et de la création des opportunités dans le champ de l’entrepreneuriat. En effet, depuis l’article d’Alvarez et Barney (2007), repris et approfondi dans Alvarez, Barney et Anderson (2013), il est devenu classique de distinguer deux approches de la nature des opportunités. Dans la théorie de la découverte, les opportunités sont décrites comme ayant une existence propre, objective, indépendante des entrepreneurs. Elles préexistent donc à leur identification, elles « flottent » en quelque sorte et il appartient à l’entrepreneur vigilant de les découvrir. Dans la théorie de la création, les opportunités sont au contraire décrites comme n’ayant pas une existence autonome indépendante des entrepreneurs, elles sont plutôt le résultat d’une construction sociale. Dans ce débat, Kirzner prend clairement position : privilégiant une posture qui lui permette de parvenir à une compréhension globale du fonctionnement des marchés, il adopte une posture en quelque sorte en surplomb, le conduisant à affirmer le caractère objectif des opportunités qui selon lui existent indépendamment des entrepreneurs : « Je vois l’entrepreneur […] comme étant vigilant aux occasions qui existent déjà et qui attendent d’être remarquées. […] l’entrepreneur doit être considéré comme répondant aux opportunités, plutôt que comme les créant ; comme capturant des occasions de profits, plutôt que comme les générant » (Kirzner, 1973, p. 58).

13Ainsi, dans la pensée de Kirzner, l’opportunité possède une existence objective. Cette existence objective repose sur des conditions de marché et plus précisément sur les asymétries d’information, c’est-à-dire l’inégal accès à l’information, existant entre les individus participant au marché. Prenant appui sur les travaux de Hayek (1937, 1945), Kirzner souligne en quoi chaque individu participant au marché dispose d’un savoir local idiosyncratique qu’il ne partage pas nécessairement avec les autres. C’est précisément cette dispersion de l’information qui place les acteurs économiques dans une situation d’ignorance relative (Kirzner, 1979, p. 124). Celle-ci conduit ces mêmes acteurs économiques à commettre des erreurs de jugement, ce qui procure à certains des occasions de profit en tirant parti de ces erreurs de marché.

1.2 – Le rôle de la découverte ou l’ignorance comme moteur du processus entrepreneurial

14La question de la nature des opportunités étant réglée, il convient de s’intéresser d’un peu plus près aux interrogations conceptuelles soulevées par la notion de vigilance [3]. En effet, toute la difficulté de l’identification d’opportunité réside dans le fait que l’entrepreneur ne sait pas a priori ce qu’il recherche sinon le marché aurait déjà réalisé l’arbitrage. D’où les questions fondamentales suivantes : comment peut-on être à la recherche d’un objet non clairement défini et dont l’existence même pose problème ? Comment reconnaître cet objet, si tant est qu’on le trouve ? La procédure de recherche ne peut pas reposer sur la rationalité économique traditionnelle, celle qui opère un calcul coût-bénéfice en comparant les coûts liés à la recherche d’information aux gains attendus par l’obtention d’une information plus précise, ce qui suppose de connaître l’issue de la recherche (Stigler, 1961). En effet, dans le cadre de l’économie traditionnelle, la recherche d’information est guidée par le fait que l’individu est conscient du fait qu’il lui manque telle ou telle donnée pour atteindre son objectif et qu’il sait comment recueillir les informations manquantes. Le processus de recherche est donc délibéré et assujetti à une finalité clairement exprimée. La recherche d’information apparaît donc comme une activité plus ou moins longue, c’est-à-dire plus ou moins coûteuse ; coût qu’il est possible d’évaluer a priori et qu’il convient de comparer aux retombées escomptées.

15Dans le processus de découverte, les choses sont radicalement différentes dans la mesure où cette fois, l’identification d’une opportunité ne résulte pas d’une démarche délibérée ou intentionnelle. Au contraire, il convient de souligner à quel point le processus de découverte s’apparente à un processus par lequel l’entrepreneur détecte des signaux qui sont bien présents, mais auxquels les acteurs économiques n’ont pas prêté attention jusque-là. La découverte se comprend comme une capacité pour certains à sortir d’une logique routinière pour prendre en compte des paramètres laissés de côté par les autres. La découverte se traduit donc nécessairement par un sentiment de surprise. Ce sentiment accompagne celui qui réalise qu’il risquait de passer à côté de quelque chose de précieux qui se trouvait « sous son nez » pour reprendre l’expression imagée de Kirzner (1997, p. 72). Ce sentiment n’est absolument pas présent dans le cas du processus de recherche que décrit l’économie standard car, dans cette approche, on sait exactement ce que l’on cherche. Ainsi, le processus entrepreneurial, au cœur de la dynamique des marchés, est mis en mouvement par l’état d’ignorance initiale des acteurs. La mise au jour successive des opportunités se traduit donc par une succession de situations se caractérisant par la réduction du degré d’ignorance des participants au marché, au fur et à mesure que ces derniers prennent connaissance des nouvelles possibilités de gains existantes.

16Finalement, plutôt que de parler d’un processus de recherche active d’opportunité qui suppose que les finalités soient connues, il apparaît alors plus judicieux de parler d’un processus de découverte d’opportunité. La découverte d’une opportunité ne peut donc s’opérer que de manière spontanée et aléatoire. Elle repose entièrement sur la capacité d’un individu, l’entrepreneur, à faire preuve de vigilance, c’est-à-dire être en mesure d’identifier dès qu’elles se présentent, des opportunités que les autres ne voient pas. L’entrepreneur apparaît donc comme un individu qui, sans savoir à l’avance ce qu’il cherche et par voie de conséquence sans déployer de stratégie délibérée d’investigation, scrute son environnement en étant réceptif à l’effet de surprise que constitue le fait de réaliser une découverte particulière inattendue susceptible de conduire à un gain économique (Kizner, 1997, p. 72). Ainsi, « les opportunités sont le résultat des erreurs passées qui se sont traduites par des ruptures de stocks, des surplus, une mauvaise allocation des ressources. L’entrepreneur audacieux et vigilant découvre ces erreurs passées, achète là où les prix sont “trop bas” et vend là où ils sont “trop élevés” » (Kirzner, 1997, p. 70). Si bien que la découverte porte sur deux situations possibles :

  • la première situation est celle où l’entrepreneur découvre que des vendeurs vendent à des prix plus faibles que ce qu’ils pourraient obtenir, notamment en raison du fait qu’ils proposent des produits moins demandés par les consommateurs, alors que des produits davantage valorisés par le marché pourraient être obtenus avec des ressources identiques ;
  • la deuxième situation est celle où l’entrepreneur découvre que des acheteurs achètent à des prix plus élevés que nécessaire, notamment parce que les produits achetés ont consommé des ressources plus coûteuses que d’autres ressources qui auraient permis d’obtenir les mêmes produits (Kirzner, 1973, p. 32).

2 – La contribution de Kirzner à l’édification du paradigme des opportunités dans le champ de l’entrepreneuriat

17Si les idées développées par Kirzner ont eu une grande influence dans le domaine de l’entrepreneuriat, au point de fournir l’essentiel de l’armature théorique du paradigme de l’opportunité, c’est d’abord et avant tout en raison de la cohérence interne des concepts proposés. En outre, il convient de souligner que cette cohérence conceptuelle s’est doublée d’une certaine robustesse empirique qui a également contribué à installer l’approche kirznerienne au centre du paradigme qui domine actuellement le champ de l’entrepreneuriat.

2.1 – La portée de la pensée de Kirzner dans le domaine de l’entrepreneuriat

18L’approche conceptuelle de Kirzner va inspirer une large partie de la littérature sur l’opportunité dans le champ de l’entrepreneuriat. Les travaux fondateurs du champ vont d’ailleurs explicitement revendiquer une filiation avec la pensée de Kirzner. Mais au-delà des postures, il sera utile d’expliciter le contenu de cette filiation. Pour ce faire, il paraît nécessaire de revenir sur ce qui caractérise le paradigme de l’opportunité dans le domaine de l’entrepreneuriat avant d’élargir le débat sur l’intérêt que présente une telle perspective pour les travaux actuels et futurs.

2.1.1 – Les fondements « kirznerien » du paradigme de l’opportunité

19L’expression paradigme de l’opportunité renvoie à la terminologie de Verstraete et Fayolle (2005) [4]. Ce paradigme de recherche, qui accorde un rôle prépondérant au concept d’opportunité, trouve sa formulation la plus explicite dans l’article fondateur publié par Venkataraman en 1997 ; article dans lequel il souligne clairement le rôle clé des opportunités dans la compréhension du phénomène entrepreneurial.

20L’entrepreneuriat se définit alors comme « l’analyse académique de la façon dont sont découvertes, créées et exploitées, les opportunités de mettre sur le marché de nouveaux biens et services, par qui et avec quelles conséquences » (p. 120). Ainsi « par voie de conséquence, le champ [de l’entrepreneuriat] implique l’étude des sources des opportunités ; les processus de découvertes, d’évaluation et d’exploitation des opportunités ; ainsi que les caractéristiques des individus qui les découvrent, les évaluent et les exploitent » (Shane et Venkataraman, 2000, p. 218).

21Il devient alors possible de considérer que la définition de l’entrepreneuriat de Venkataraman (1997) complétée par celle de Shane et Venkataraman (2000) constitue le point de départ d’une nouvelle approche intégratrice du champ de l’entrepreneuriat que l’on peut qualifier, à l’instar d’Eckhardt et Shane (2003), d’« opportunity-based view » [5].

22Ces travaux pionniers revendiquent tous explicitement un ancrage théorique qui est celui du cadre d’analyse proposé par Kirzner. Ainsi, lorsque Venkataraman publie en 1997 son article fondateur sur le champ de l’entrepreneuriat, sa conception de l’opportunité reste profondément marquée par l’approche de Kirzner. En effet, pour Venkataraman « il y a perpétuellement d’un côté une offre d’opportunités lucratives, source d’enrichissement personnel et de l’autre des individus entreprenants prêts à identifier de telles opportunités » (p. 121). En utilisant la métaphore de la courbe de l’offre et de la demande, l’auteur reconnaît implicitement le caractère autonome de l’opportunité qui se définit indépendamment de l’entrepreneur. Même si la vocation de l’entrepreneuriat, tel que le conçoit l’auteur, consiste précisément à étudier les liens entre entrepreneur et opportunité, il n’en reste pas moins que l’opportunité est pensée comme ayant une existence propre, indépendante de l’entrepreneur. Tout comme le propose Kirzner, nous sommes donc en présence de deux objets distincts et clairement identifiés : l’entrepreneur d’une part, l’opportunité d’autre part (cf. supra, p. 4, Kirzner, 1973, p. 58).

23Par ailleurs en insistant sur le processus de découverte des opportunités, là encore Venkataraman (1997) ainsi que Shane et Venkataraman (2000) reprennent à leur compte la terminologie de Kirzner, indiquant par là que le processus conduisant à identifier une opportunité ne peut être que spontanée et aléatoire, c’est-à-dire être le résultat de la vigilance de l’entrepreneur. Il convient néanmoins de souligner qu’un auteur comme Shane considère que le cœur de la dynamique entrepreneuriale ne saurait se limiter à la seule découverte de l’opportunité comme le suggère Kirzner. L’entrepreneur authentique est également porteur d’une vision lui permettant de proposer une recombinaison des ressources en vue d’exploiter l’opportunité (Shane, 2012, p. 17).

2.1.2 – L’intérêt d’une approche kirznerienne du champ de l’entrepreneuriat

24Cette conception « kirznerienne » du paradigme de l’opportunité va inspirer une large partie de la littérature théorique sur l’opportunité (Venkataraman, 1997 ; Shane et Venkataraman, 2000 ; Dean et McMullen, 2002 ; Eckhardt et Shane, 2003 ; Shane, 2000 et 2003 ; Chabaud et Ngijol 2004 ; Messeghem, 2004).

25Ces travaux sont porteurs d’une grande fécondité car ils ouvrent la voie à une conceptualisation de l’intégralité du phénomène entrepreneurial, allant de la découverte de l’existence de l’opportunité jusqu’aux modalités de son exploitation (cf. figure 1). C’est d’ailleurs dans cette optique que Shane, dans son ouvrage de 2003 intitulé A General Theory of Entrepreneurship, est le premier chercheur à proposer une véritable théorie globale et intégrée de l’entrepreneuriat. Le choix du sous-titre de l’ouvrage, à savoir The Individual-Opportunity Nexus[6], est explicite quant à l’objectif de l’auteur qui est de proposer « un cadre d’analyse [qui] examine les caractéristiques des opportunités ; les individus qui les découvrent et les exploitent ; les processus d’acquisition des ressources et d’organisation ; ainsi que les stratégies utilisées pour exploiter et protéger les profits résultant de ces efforts » (p. 5).

Figure 1

L’opportunité : un modèle linéaire

Figure 1

L’opportunité : un modèle linéaire

D’après Shane (2003).

26Une vision linéaire du processus entrepreneurial s’en dégage, dans laquelle l’opportunité préexiste, puis est suivie par les deux phases successives de la découverte puis de l’exploitation. Une vision unifiée du phénomène entrepreneurial est ainsi obtenue, qui permet de doter le champ de l’entrepreneuriat d’une architecture conceptuelle susceptible d’assurer un progrès cumulatif des connaissances, chaque chercheur étant en mesure d’ajouter ou de prendre en compte de nouveaux paramètres à même d’améliorer la compréhension de la réalité (Shane, 2003 ; Davidsson et Honig, 2003 ; Ardichvili, Cardoso et Ray, 2003).

2.2 – La validité empirique de la théorie de Kirzner

27La portée de la théorie de Kirzner doit également s’apprécier à l’aune de sa validité empirique. La conceptualisation offerte par le paradigme autrichien a donné lieu à des tentatives de validations empiriques. Si certaines d’entre-elles essayent de tester le paradigme autrichien dans sa globalité, la plupart des travaux empiriques se proposent d’opérationnaliser le concept de vigilance.

2.2.1 – La recherche empirique de Shane (2000) : vers une validation d’ensemble de la théorie de Kirzner

28L’étude de Shane publiée en 2000 dans la revue Organization Science vise à tester la conceptualisation globale fournie par l’économie autrichienne. La démonstration se fait en trois temps :

  • Dans un premier temps, Shane formule trois propositions testables directement issues du paradigme autrichien. Les propositions sont alors les suivantes :
    • tous les individus n’ont pas les mêmes chances de reconnaître une opportunité donnée (hypothèse de distribution sociale de l’information et donc d’ignorance relative des participants aux processus de marché, Hayek, 1945 ; Kirzner, 1973) ;
    • les individus découvrent des opportunités sans les rechercher activement (hypothèse de non-validité de la procédure rationnelle de recherche d’information, Kirzner, 1997) ;
    • la capacité de découverte d’une opportunité par un entrepreneur dépend de ses connaissances préalables dans les trois domaines que sont les marchés, la façon de les servir et les problèmes rencontrés par les clients.
  • Dans un deuxième temps, Shane part d’une étude en profondeur de huit cas d’équipes d’entrepreneurs constituées afin d’exploiter la même innovation technique à savoir le brevet d’impression en trois dimensions du MIT [7]. Une telle configuration permet à Shane de procéder à une analyse qualitative afin d’étudier les différences dans les opportunités d’affaires découvertes par différents entrepreneurs à partir de la même technologie.
  • Enfin, dans un troisième temps, Shane teste la validité de ses propositions initiales et aboutit aux résultats suivants :
    • les entrepreneurs n’ont pas les mêmes chances de reconnaître une opportunité donnée dans la mesure où les différents chefs de projets ont chacun étudié une opportunité bien différente l’une de l’autre [8], sans à aucun moment avoir envisagé les autres utilisations possibles du brevet ;
    • les entrepreneurs décrivent un processus de découverte qui implique la reconnaissance d’une opportunité existante au moment où elle se présente et non pas un processus délibéré de recherche d’opportunité ;
    • le processus de découverte de l’opportunité d’affaires est influencé par les connaissances préalables de l’entrepreneur concernant les marchés, la façon de les servir et les problèmes rencontrés par les clients. En effet, les entrepreneurs tendent à relever des informations qui sont en liaison avec d’autres informations déjà en leur possession (Cohen et Levinthal, 1990). C’est ainsi que les huit entrepreneurs étudiés ont chacun exploité une opportunité qui avait un rapport avec les connaissances accumulées au cours de leur formation académique et surtout de leurs expériences professionnelles passées.

29Ainsi, face à un objet technique donné, ici le brevet d’impression en trois dimensions du MIT, un individu quelconque ne verra aucune opportunité, tandis qu’un autre percevra une opportunité X, et encore un autre verra une opportunité Y. On conçoit ainsi la richesse de ce cadre d’analyse qui permet de saisir la diversité des parcours conduisant à la découverte d’une opportunité.

2.2.2 – Vers une validation empirique du concept de vigilance

30L’étude de Kaish et Gilad (1991) ainsi que celle de Gaglio et Taub (1992) font partie des travaux allant le plus loin dans l’opérationnalisation du concept de vigilance. Ces deux études partagent l’objectif de mettre en évidence une attitude spécifique des entrepreneurs, attitude caractéristique de leur vigilance. Il s’agit, en effet, de caractériser les éléments distinctifs de la vigilance, en comparant l’attitude de l’entrepreneur avec celle d’une population témoin de cadres d’entreprise.

2.2.3 – L’approche quantitative de Kaish et Gilad

31Kaish et Gilad (1991) vont opérationnaliser la vigilance en élaborant une série d’hypothèses relatives à la façon dont l’entrepreneur pense et agit. Le degré de vigilance est alors positivement corrélé à :

  • la part de temps libre consacré à la réflexion individuelle en vue d’améliorer la marche des affaires ;
  • la quantité et la variété des lectures solitaires, qu’elles concernent ou non les affaires ;
  • la propension à orienter les conversations de soirée sur des sujets ayant trait aux affaires ;
  • la faculté de nouer des contacts potentiellement utiles en toutes circonstances (notamment en engageant la conversation avec des étrangers rencontrés lors des déplacements professionnels).

32Il est alors possible de tester ces hypothèses à partir d’une enquête par questionnaires conduite auprès de 51 créateurs d’entreprise et 36 cadres d’un grand établissement financier. Les résultats font ressortir que les entrepreneurs s’exposent à beaucoup plus d’informations que les cadres.

33En outre, leur vigilance s’opère dans des lieux plus inhabituels : à la différence du manager, l’entrepreneur sera vigilant en dehors de son temps et de son lieu de travail habituels [9]. En fait, la vigilance s’apparente avant tout à un état d’esprit de l’entrepreneur qui le conduit finalement à ramener tout ce qu’il voit ou entend à son affaire, et ceci de manière continue, sans qu’il existe de cloisonnement strict entre vie privée et vie professionnelle. L’entrepreneur semble donc en quelque sorte toujours en éveil, ce qui apparaît comme le prix à payer pour être en mesure de saisir une opportunité au moment où elle se présente.

34Dans cette perspective, l’entrepreneur vigilant serait donc doté d’un schéma mental le conduisant à envisager toute situation sous l’angle des revenus potentiels qu’elle pourrait générer. Cet état d’esprit le conduit périodiquement à relever des signaux, des informations en provenance de son environnement, qui peuvent s’avérer en contradiction avec sa compréhension habituelle des événements. Contrairement à l’individu non vigilant, l’entrepreneur essaiera de donner du sens à l’information nouvelle quitte à modifier la configuration de ses schémas de pensée. C’est cette modification qui peut expliquer comment les entrepreneurs parviennent à dépasser les grilles de lecture moyens-finalités traditionnelles.

2.2.4 – L’approche expérimentale de Gaglio et Taub

35Si Kaish et Gilad (1991) s’en tiennent à mettre en évidence une attitude spécifique des entrepreneurs dans leurs rapports à l’information, Gaglio et Taub (1992) s’efforcent de mettre en évidence la spécificité des processus mentaux des entrepreneurs leur permettant de convertir des informations inexploitées par d’autres en opportunité d’affaires. Leur étude, de type exploratoire, porte sur une population relativement limitée puisqu’elle concerne quatre cadres et quatre créateurs d’entreprise. Il leur est proposé d’analyser une étude de cas suffisamment ambiguë dans une optique de découverte d’opportunité d’affaires. Les individus sont interrogés une vingtaine de minutes et il leur est demandé de raisonner à haute voix. Les auteurs procèdent ensuite par analyse du discours. Leur étude montre que lorsque l’on place des cadres et des créateurs d’entreprise face à des situations d’entreprises ambiguës, ils ne raisonnent pas de la même manière. En fait, on observe deux différences importantes :

  • Les deux groupes diffèrent dans leur façon de poser les problèmes. Les créateurs d’entreprise ont une approche plus personnelle des problèmes, ils s’appuient volontiers sur leur propre expérience pour organiser leur réflexion. Les cadres quant à eux passent davantage de temps à essayer d’utiliser différentes grilles d’analyse proches de celles que l’on pourrait trouver dans des manuels de gestion.
  • Les créateurs d’entreprise ont besoin d’une information plus contextualisée, c’est-à-dire plus précise pour conduire leur raisonnement. Les cadres quant à eux peuvent spéculer sur des informations ayant un caractère plus général.

36Là également, nous sommes en présence d’une étude qui tend à mettre évidence la spécificité des modes de pensée des entrepreneurs capable de manifester une vigilance permettant de découvrir des opportunités.

3 – L’œuvre de Kirzner et le paradigme des opportunités : des voies de recherche prometteuses

37Le projet scientifique de Kirzner se veut avant tout théorique et général : il s’agit, rappelons-le, d’étudier le rôle spécifique et irréductible de la fonction entrepreneuriale dans la dynamique des marchés. Pour ce faire, Kirzner privilégie une approche processuelle au service de cette ambition. Or sa conception du processus de découverte des opportunités ne permet pas d’étudier finement le phénomène dans une perspective chronologique telle qu’elle pourrait être développée par des chercheurs en entrepreneuriat en quête de connaissances actionnables. Il s’agit donc de montrer comment une perspective véritablement processuelle de l’opportunité, prenant appui sur l’approche kirznerienne, est de nature d’une part à conduire à une redéfinition du concept même d’opportunité et d’autre part à ouvrir des pistes de recherche fructueuses dans le champ de l’entrepreneuriat.

3.1 – Le paradigme de l’opportunité face aux défis d’une approche véritablement processuelle

38Van de Ven (1992) suggère trois façons de définir la notion de processus. Celle-ci peut être « (1) une logique qui explique une relation causale entre des variables dépendantes et indépendantes, (2) une catégorie de concepts ou de variables qui renvoie aux actions individuelles ou organisationnelles, et (3) une séquence d’événements qui décrivent la façon dont les choses évoluent dans le temps » (p. 169).

39Dans la première définition, le processus en lui-même n’est pas observé ; dans la deuxième, on ne cherche pas à comprendre comment le changement se produit au cours du temps, mais s’il se produit sur des variables qui opérationnalisent le phénomène étudié. Dans le troisième sens du terme processus, le phénomène est inscrit dans une perspective de développement chronologique, c’est-à-dire suivant les séquences d’événements, d’activités et d’étapes qui ont un impact sur sa dynamique d’évolution.

40Compte tenu du niveau de généralité de son projet scientifique [10] qui, nous l’avons vu, consiste à étudier le rôle spécifique et irréductible de la fonction entrepreneuriale dans la dynamique des marchés, Kirzner retient le premier sens du terme processus. Ainsi, quand il évoque le processus de découverte des opportunités, il tente de conceptualiser le lien logique qui existe entre les caractéristiques de l’entrepreneur et sa capacité à détecter une opportunité. Ce faisant, Kirzner indique que des travaux complémentaires méritent d’être conduits dans le but d’analyser plus précisément comment s’opère ce couplage entre l’entrepreneur et l’opportunité. En effet, conscient du fait que si les erreurs sont une des sources des possibilités d’arbitrage entrepreneuriale, l’entrepreneur lui-même n’est pas à l’abri d’erreurs au cours de processus susceptible de le conduire à identifier une opportunité. De ce fait, Kirzner souligne à quel point sa théorie mérite d’être complétée en lui intégrant un volet dédié à la question l’apprentissage. C’est ainsi qu’il écrit : « L’acquisition de l’information sur le marché, par l’expérience de la participation à son processus [autrement dit l’apprentissage], est une phase essentielle dans la description que j’ai donnée de ce processus » (Kirzner, 1973, p. 10). Plus loin, il ajoute : « En vue d’un tel processus de découverte des schémas changeants de fins et moyens [], il convient d’insérer formellement, dans notre théorie, le fait que l’on peut fermement compter sur ce processus d’apprentissage » (ibid., p. 56).

41Si la question de l’apprentissage est clairement mentionnée, Kirzner estime néanmoins « qu’en ce qui concerne les objectifs proprement dits de l’économiste, il n’est pas nécessaire d’explorer la psychologie du processus d’apprentissage, qui résulte des expériences encourues sur le marché » (ibid., p. 56). Autrement dit, Kirzner abandonne cette question à la psychologie [11].

42Au final, ce sont moins les psychologues que les chercheurs en entrepreneuriat qui vont s’emparer de cette perspective, qui consiste concrètement à basculer dans le troisième sens que Van de Ven donne au concept de processus. Plus précisément, dans cette acception, un processus est vu comme « une séquence d’événements individuels et collectifs, d’actions et d’activités qui se déroulent au cours du temps dans le cadre d’un contexte donné » (Pettigrew, 1997, p. 338).

43Une telle perspective conduit alors mettre en valeur le processus d’élucidation dans une perspective de développement chronologique (Pettigrew, 1997). Cela signifie être en mesure d’identifier les séquences d’événements, d’activités et d’étapes qui conduisent à la découverte de l’opportunité. Une telle posture, qui part du point de vue de l’entrepreneur, conduit à accepter l’idée selon laquelle l’opportunité n’est plus donnée, mais construite.

44De manière plus fondamentale et à la suite de Chiasson et Saunders (2005), nous proposons une conception de l’opportunité qui met l’accent sur sa nature fondamentalement duale. Le concept de dualité de la réalité sociale est emprunté à la théorie de la structuration (Giddens, 1984) et a été introduit dans le champ de l’entrepreneuriat par Bouchikhi (1993). Selon cette perspective, les asymétries d’informations qui existent au sein du système socio-économique sont à l’origine de l’existence de toute opportunité et contraignent l’action entrepreneuriale. Cependant l’action et la réflexion de l’entrepreneur, de manière réciproque donne véritablement corps à l’opportunité en mettant en lumière des nouvelles possibilités de gain économique.

45Ainsi, pour un entrepreneur donné, une opportunité n’existe jamais indépendamment d’un travail d’élaboration lui ayant permis de construire un concept viable susceptible d’être créateur de valeur. Un tel concept n’est pas donné a priori, mais fait bien l’objet d’une construction qui s’opère dans la durée sur la base des interactions répétées entre l’entrepreneur et son environnement. L’environnement de l’entrepreneur englobe notamment les « parties prenantes » qui regroupent aussi bien les acteurs participant activement au développement du projet (associés, relations d’affaires, etc.) que les individus faisant partie du réseau social de l’entrepreneur, et pouvant être sollicités ponctuellement au cours de l’avancement du projet (famille, amis, etc.).

46C’est précisément ce qui conduit un économiste comme Harper, partisan du paradigme autrichien à proposer d’opérer une distinction entre l’opportunité potentielle c’est-à-dire l’idée d’affaires de départ, et l’opportunité effective qui apparaît in fine, c’est-à-dire à l’issue du processus d’apprentissage de l’entrepreneur, qui se traduit par une révision de ses conjectures à partir des feed-back provenant de sa confrontation au marché.

47Une telle conceptualisation de l’opportunité reste compatible avec l’approche kirznerienne tout en ouvrant la voie, conformément à l’invitation de Kirzner lui-même, à l’étude des dynamiques cognitives et sociales qui président à la formation des opportunités.

3.2 – La dynamique socio-cognitive de formation des opportunités

48Cela a été souligné, dès 1973, Kirzner invite la communauté académique à inscrire la question de l’apprentissage de l’entrepreneur dans son agenda de recherche. Depuis cette date, de nombreux travaux ont mis en avant la capacité d’apprentissage de l’entrepreneur comme facteur essentiel de sa réussite (Livian et Marion, 1991 ; Bruyat, 1993, Guth, Kumaraswamy et McErlean, 1991, Bouchikhi, 1991). Plus récemment, Minniti et Bygrave (2001) vont un pas plus loin en soulignant que l’apprentissage est consubstantiel à la démarche entrepreneuriale dans la mesure où les actions entreprises pour tenter de mettre en œuvre ce qui au départ n’est qu’une simple idée d’affaires, conduisent nécessairement l’entrepreneur à acquérir de nouvelles connaissances sur son projet, donc à apprendre. C’est ce qui fait dire à Smilor (1997) que « les entrepreneurs qui réussissent sont des apprenants exceptionnels. Ils apprennent en toutes circonstances. Ils apprennent de leurs clients, de leurs fournisseurs et tout particulièrement de leurs concurrents. Ils apprennent de leurs collaborateurs et de leurs associés. Ils apprennent d’autres entrepreneurs. Ils apprennent par l’expérience. Ils apprennent par l’action. Ils apprennent de ce qui marche et chose plus importante, de ce qui ne marche pas » (p. 344).

49Ainsi, le fait que l’entrepreneur soit capable d’apprendre signifie qu’il sait s’adapter aux situations les plus diverses qui se présentent à lui, y compris les situations inattendues. Pour y parvenir, il fait évoluer ses idées ou ses croyances en fonction des expériences qu’il vit au cours de la conduite de son projet d’affaires (Corbett, 2005 ; Dimov, 2007). Cependant, rares sont les études empiriques qui à l’instar de Ravasi et Turati (2005) ou de Ngijol (2013) tentent de conduire des investigations sur la manière dont l’entrepreneur effectue ses apprentissages dans une perspective processuelle ; une telle perspective impliquant de définir des descripteurs de la dynamique d’apprentissage afin d’observer comment celle-ci se déploie au cours du temps.

50Dès lors toute une série de questionnements nouveaux s’offre à la communauté académique :

  • Quelle théorie de l’apprentissage doit-on retenir pour étudier le phénomène entrepreneurial ?
  • Comment l’entrepreneur procède-t-il concrètement pour trouver le chemin devant le conduire d’une simple idée d’affaires à une opportunité effective entendue comme une idée d’affaires qui aurait obtenu une forme de validation par le marché ?
  • S’en remet-il à son intuition ou au contraire, se tourne-t-il vers des démarches plus rationnelles ?
  • Privilégie-t-il la réflexion pour donner du sens aux situations rencontrées ou au contraire, tend-il à donner le primat à l’action, c’est-à-dire à l’expérimentation quitte à faire des erreurs dont il essaiera de tirer les enseignements par la suite ?

51Il s’agit là de l’ébauche d’un programme de recherche dédié à l’apprentissage entrepreneurial au cours de la formation de l’opportunité dans une perspective véritablement processuelle ; programme de recherche qui reste pour l’essentiel à explorer. Une analyse microsociologique des conduites et des activités de l’entrepreneur qui place la notion d’interaction au cœur de la recherche en découle. En effet, les interactions de l’entrepreneur, c’est-à-dire les liens qui l’unissent à son réseau social, permettent de penser à la fois son action individuelle ainsi que ses initiatives collectives.

52Penser la question de l’insertion sociale de l’entrepreneur voire de la question de l’influence du cadre institutionnel (Lewin, 2013) dès lors que l’on aborde la question de l’apprentissage est une nécessité dans la mesure où l’acte d’apprendre contient immanquablement une dimension collective. En effet, l’entrepreneur n’apprend pas seul : « Les liens établis avec les pairs, les personnes ressources, l’environnement social, constituent un facteur primordial de conquête active du savoir » (Aumont et Mesnier, 1992, p. 169). Là également, si nombre d’études empiriques font ressortir que la formation d’opportunité repose bien sur des échanges dans le temps entre l’entrepreneur et son entourage (Baker et Nelson, 2005 ; Ravasi et Turati, 2005 ; Fletcher, 2006), peu de travaux se sont intéressés au rôle des réseaux sociaux dans le processus formation des opportunités (Chabaud et Ngijol, 2010 ; Slotte-Kock et Coviello, 2010), et encore moins de travaux notamment empiriques, ont abordé frontalement la question de la dimension collective, voire institutionnelle, de l’apprentissage de l’entrepreneur dans le processus formation de l’opportunité. Dans cette perspective, Kirzner a pourtant lui-même souligné à quel point les politiques des pouvoirs publics, notamment par le biais de la pression fiscale, dispose d’un levier susceptible d’encourager ou au contraire de restreindre l’activation de la vigilance et donc des capacités d’apprentissage des entrepreneurs sur les marchés (Kirzner, 2009, p. 151).

Conclusion

53Israel M. Kirzner apporte à l’entrepreneuriat une légitimité académique en rendant intelligible aux tenants de l’économie standard le rôle spécifique et irréductible de l’entrepreneur dans le fonctionnement des marchés. Ce faisant, et c’est sa deuxième contribution majeure, il fournit un cadre d’analyse qui constitue une référence incontournable dans le champ de l’entrepreneuriat. En effet, la théorie de Kirzner constitue une, si ce n’est la pièce essentielle de l’armature conceptuelle actuellement mobilisée par les travaux conduits dans le cadre du paradigme de l’opportunité, paradigme dominant dans le champ de l’entrepreneuriat. Néanmoins, si son heuristique est particulièrement fertile, il convient d’ajouter que Kirzner a ouvert des pistes de réflexion ou a appelé de ses vœux l’ouverture de ces pistes sans les approfondir. Il en va ainsi de la prise en compte explicite du facteur temps dans l’analyse qui est de nature à conduire à toute une série de travaux empiriques consacrés aux processus de formation des opportunités, aux dynamiques d’apprentissage des entrepreneurs ainsi qu’aux dynamiques de mobilisation de leurs réseaux dans une perspective véritablement processuelle. Un tel programme de recherche, qui reste pour l’essentiel à construire, présenterait au-delà de son intérêt théorique, l’avantage d’offrir aux praticiens, c’est-à-dire aux entrepreneurs potentiels ainsi qu’aux acteurs de l’accompagnement, une image sans doute moins lisse mais certainement plus juste des capacités réflexives et des compétences relationnelles nécessaires à la validation et à l’exploitation des opportunités.

Notice biographique

54Né en 1930 à Londres, Israel Kirzner vit à Cape Town en Afrique du Sud de 1940 à 1948. Il étudie à l’Université de Capetown (1947-1948) puis à l’Université de Londres (1950-1951). Il se rend ensuite aux États-Unis et obtient ses diplômes d’économie au Brooklyn College, dans l’État de New York en 1954 (BA) et 1955 (MBA). Par la suite, Kirzner soutient sa thèse de doctorat en économie à l’Université de New York sous la direction de Mises en 1957. Il intègre la faculté d’économie de l’Université de New York et devient professeur à partir de 1969. Il y enseigne jusqu’à sa retraite en janvier 2002, date à laquelle il reçoit le titre de professeur émérite. Auteur de nombreux ouvrages, articles et comptes rendus, le Pr. Kirzner a pris la parole dans plus de quarante séminaires et congrès professionnels. En 2006, il reçoit pour l’ensemble de son œuvre, la distinction la plus prestigieuse dans le domaine de l’entrepreneuriat à savoir le « Global Award for Entrepreneurship Research ».

Notes

  • [1]
    Maître de conférences à l’université Sorbonne Nouvelle, il est directeur adjoint du Département Médiation Culturelle et responsable du Master 2 Tourisme Culturel – Ingénierie de projets. Il enseigne l’économie et le management des organisations. Docteur de l’université Paris-Dauphine, diplômé d’HEC, normalien et agrégé d’économie et gestion, il a publié plusieurs articles dans des revues à comité de lecture, ainsi que des communications dans des colloques ou congrès nationaux ou internationaux à comité de lecture. Il mène au sein du CERLIS (UMR 8070 CNRS – Sorbonne Paris Cité) ses recherches sur les processus entrepreneuriaux dans le secteur tertiaire et plus spécifiquement dans les services touristiques.
  • [2]
    Pour une présentation synthétique de la tradition économique autrichienne et de son apport à la compréhension du fonctionnement des marchés, cf. Bonardi (1998).
  • [3]
    Des travaux théoriques portant sur le concept de vigilance en proposent une représentation à la fois plus précise sur le volet psychologique (Gaglio, 1997) et plus complète en élargissant l’analyse au-delà de la seule prise en compte des variables psychologiques relevant de la personnalité de l’individu (Ardichvili, Cardozo et Ray, 2003).
  • [4]
    Au-delà du paradigme de l’opportunité d’affaires, les auteurs recensent trois autres paradigmes dans leur tentative d’organisation de la littérature autour de quatre paradigmes fédérateurs : le paradigme de la création d’une organisation, le paradigme de la création de valeur et enfin le paradigme de l’innovation. Ces quatre paradigmes sont par ailleurs davantage complémentaires que mutuellement exclusifs.
  • [5]
    Par analogie avec l’expression « resource-based view » (approche fondée sur les ressources) qui, en management stratégique, renvoie à la stratégie d’entreprise fondée davantage sur ses ressources spécifiques que sur sa capacité d’adaptation à l’environnement, l’« opportunity-based view » (approche fondée sur l’opportunité) place la question de l’opportunité au cœur du champ de l’entrepreneuriat en tant que domaine de recherche.
  • [6]
    On peut traduire cette expression par : le lien individu-opportunité.
  • [7]
    Quatre équipes sont parvenues à exploiter le brevet en créant une entreprise ; les quatre autres ont mené des investigations en vue d’une exploitation du brevet mais ne sont pas parvenues à créer d’entreprise.
  • [8]
    Les huit équipes ont en effet travaillé sur huit opportunités différentes appartenant à des secteurs variés. Ainsi sont représentés les secteurs de l’architecture, du design industriel, de la pharmacie, de l’énergie, de la fonderie, de la chirurgie et de la distribution de produits artistiques.
  • [9]
    Notons que Busenitz (1996), dans une étude à visée confirmatoire réalisée sur des échantillons aléatoires d’entrepreneurs et de managers, ne fournit que peu d’éléments confortant les résultats de Kaish et Gilad (1991) : entrepreneurs et managers ne semblent pas présenter des comportements fondamentalement différents en matière d’utilisation de l’information. Le débat sur l’opérationnalisation du concept de vigilance reste donc ouvert.
  • [10]
    Foss et Klein critiquent précisément cette posture jugée trop éloignée des comportements entrepreneuriaux réels. Ceux-ci nécessitent en effet, selon eux, de mieux prendre en compte l’action ainsi que les jugements des entrepreneurs en situation d’incertitude (Foss et Klein, 2010, p. 107).
  • [11]
    Il convient de souligner qu’Harper, dans un ouvrage publié en 1996, a cherché à combler ce vide tout en restant dans la continuité du paradigme autrichien. Son projet consiste alors à identifier les règles que les entrepreneurs adoptent dans le but d’acquérir les connaissances nécessaires à la prise de décision.

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Joseph Ngijol [1]
  • [1]
    Maître de conférences à l’université Sorbonne Nouvelle, il est directeur adjoint du Département Médiation Culturelle et responsable du Master 2 Tourisme Culturel – Ingénierie de projets. Il enseigne l’économie et le management des organisations. Docteur de l’université Paris-Dauphine, diplômé d’HEC, normalien et agrégé d’économie et gestion, il a publié plusieurs articles dans des revues à comité de lecture, ainsi que des communications dans des colloques ou congrès nationaux ou internationaux à comité de lecture. Il mène au sein du CERLIS (UMR 8070 CNRS – Sorbonne Paris Cité) ses recherches sur les processus entrepreneuriaux dans le secteur tertiaire et plus spécifiquement dans les services touristiques.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 26/01/2016
https://doi.org/10.3917/entre.144.0099
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