« Bernadette » : rencontre avec Catherine Leterrier, la femme derrière les costumes de Catherine Deneuve

Mis à jour le 04 octobre 2023 à 10h30

« Bernadette », emmené par Catherine Deneuve, conte l’évolution de l’ex-Première dame lorsqu’elle arrive à l’Élysée en 1995. Une métamorphose qui passe notamment par son style vestimentaire, comme en témoigne Catherine Leterrier, costumière du film. Tête-à-tête.

C’est l’un des films les plus attendus de cet automne. « Bernadette », réalisé par Léa Domenach, porte à l’écran l’évolution de Bernadette Chirac, dès lors qu’elle foule le perron de l’Élysée, en 1995. Et qui mieux que notre Première dame du cinéma français pour incarner l’ex-Première Dame des Français ? Pour ce rôle, Catherine Deneuve a donc volontiers enfilé les tailleurs de Bernadette Chirac. Mais sous ses allures de biopic, « Bernadette » est avant tout une délicieuse comédie – on y croise notamment une troupe de gospel qui entonne du Ophélie Winter, c’est pour vous dire…

Pour remédier à l’image « ringarde » que Bernadette avait auprès de l’opinion publique, cette dernière entreprend notamment un relooking. Le travail sur les costumes a donc été primordial et confié à Catherine Leterrier. Costumière depuis les années 70, tombée dans le cinéma après avoir aidé son époux cinéaste [François Leterrier] alors qu’elle se destinait à une carrière dans le stylisme industriel, elle a finalement collaboré avec les plus grands. On peut croiser ses créations dans « L’Étudiante » (1988) avec Sophie Marceau, « Coco avant Chanel » (2009) [qui lui a valu le César des meilleurs costumes et une nomination aux Oscars N.D.L.R], « Amour » de Michael Haneke ou plus récemment « Aline » avec Valérie Lemercier (et tant d’autres).

Pour grimer Catherine Deneuve en Bernadette Chirac, Catherine Leterrier a laissé libre court à sa créativité et son talent, tout en s’appuyant sur le scénario. « Je me suis autant inspirée des codes et même des couleurs de la reine d'Angleterre que de la vraie Bernadette », nous confie-t-elle d’emblée. « On cherche toujours quelque chose qui peut représenter la fonction ou le personnage (…) Je fais des croquis, je regarde des archives, ensuite on en discute, on se met d'accord. Après, je cherche du tissu, je montre les échantillons et ensuite on commence à les fabriquer et à faire des essayages », nous détaille-t-elle. « Je me mets à inventer quelque chose qui sera cinématographiquement visible ou pas, car il y a des costumes qui sont très intéressants parce qu'ils sont invisibles, très discrets. » Dans « Bernadette », l’accent a également été mis sur les accessoires. « Ils sont importants », souligne Catherine Leterrier. « Par exemple, je lui ai mis une chevalière au petit doigt avec ses armoiries parce que c'est quand même Bernadette Chodron de Courcel. Ça correspond aux codes de cette époque-là pour une dame bon chic bon genre (…) Je lui ai aussi mis des broches en forme de tortue parce son mari l'appelait ainsi et parce qu’il y en a une dans le film… », poursuit-elle.

^{©Catherine Leterrier}

Troquer le rose barbe-à-papa pour le rose Schiaparelli

L’objectif ? Montrer, à travers sa garde-robe, comment la veuve de Jacques Chirac est passée d’une femme de nature discrète à celle dotée d’un caractère plus affirmé. « Au début, je pense qu'elle a été discrète parce qu’elle croyait que c’était comme ça qu'il fallait être. Elle était proche des gens en Corrèze et lorsqu’elle y allait, elle s’habillait avec un vieil imperméable et des chaussures plates », raconte la costumière. Après, quand elle a vu l'entourage de Jacques Chirac, elle a pris une certaine place. On a réutilisé des pièces que Bernadette portait avant, mais d'une manière plus moderne. Par exemple, au début, elle est un peu engoncée avec des cravates lavallières, des choses un peu plus collet monté. À la fin, sous les mêmes vestes, elle a une petite blouse ras-du-cou. Elle troque aussi du rose barbe-à-papa pour du rose Schiaparelli, beaucoup plus fort. C'est assez subtil. Vous savez, les costumes ne se remarquent pas forcément, alors que les couleurs, psychologiquement, sont très importantes pour le spectateur. »

^{©Catherine Leterrier}

« J’ai vu des archives où Bernadette Chirac portait des santiags ou des bandeaux dans les cheveux »

Si elle a entièrement imaginé la plupart des looks, Catherine Leterrier s’est évidemment plongée dans des archives pour trouver l’inspiration et confectionner certaines pièces à l’identique. « J’ai repris exactement les costumes qu'elle avait à l'époque comme le tailleur noir qu’elle portait lors de sa rencontre avec Hillary Clinton. J’ai aussi fait exactement le même rouge pour reproduire le manteau qu’elle avait avec David Douillet pour l’opération Pièces jaunes. Mais sinon je me suis éloignée et j’ai créé des costumes pour notre Catherine Deneuve, notre Première dame de cinéma », dit-elle avant d’enchaîner avec humour : « J’ai vu des archives où Bernadette Chirac a mis des santiags ou des bandeaux dans les cheveux. Elle a essayé pas mal de trucs. Mais comme disait Philippe Noiret : “Chacun son mauvais goût.” Moi, je voulais qu'elle soit toujours bien réussie. »

Pour Catherine Leterrier, difficile de ne retenir qu’un seul costume. « J'aime beaucoup – mais on ne le voit pas tellement – un tailleur vert printemps qu'elle porte quand on lui met un pot de fleur devant elle pour l’empêcher de voir Chirac déjeuner avec des jeunes filles. Aussi, j’ai confectionné, à la demande de Léa Domenach, une robe avec une traîne, se remémore-t-elle. Car ce qui est bien aussi, c'est quand un costume fait rire. À ce moment-là, elle est habillée avec de longs gants blancs et une robe à traîne, et elle se retrouve avec son mari en pyjama devant la télé… Leurs deux costumes racontent des choses drôles sur eux. »

Catherine Deneuve et Catherine Leterrier, une collaboration de longue date

Catherine Leterrier a donc parfaitement réussi le pari de transformer Catherine Deneuve en Bernadette Chirac des années 90. Une collaboration qui n’est pas à son coup d’essai puisque les deux femmes ont déjà eu l’occasion de travailler ensemble sur de nombreux longs-métrages, comme « Le Sauvage » (1975), « Les Temps qui changent » (2004), « Princesse Marie » (2004), « Le Héros de la famille » (2006), « Après lui » (2007), « Mes Stars est moi » (2008), « Les Yeux de sa mère » (2011) et « Trois Cœurs » (2014). « C'est toujours un plaisir parce qu’elle [Catherine Deneuve] connaît très bien la mode et réagit très bien aux propositions. Elle est très fine mouche, c'est toujours agréable. Et puis en plus, comme elle a fait plein de films, elle veut toujours trouver autre chose. »