Les reformations, �a craint s�v�re. Combien de groupes, apr�s avoir plus ou moins brill� dans leurs jeunes ann�es, ont fait l'erreur de revenir quelques ann�es plus tard�? Beaucoup trop, les exemples ne manquent pas. Plus qu'un double-album, une reformation est une source de d�ception et de frustrations intenses. Et pour cause�: la majeure partie du temps, la reformation d'un groupe repose sur une pseudo-nostalgie cachant en v�rit� un pass�isme outrancier, un vieillissement des musiciens, et surtout l'inspiration qui se tarit. A contrario, peu d'�lus ont r�ussi l'exercice�: citons en premier lieu KING CRIMSON qui a surpris tout le monde en 1981 avec un Discipline disant merde au pass� et renouvelant son sang tout en gardant sa patte caract�ristique, ou bien PORTISHEAD et CELTIC FROST.

Et CAN dans tout �a�? Le groupe de krautrock l�gendaire est tomb� dans le panneau, d�s le milieu des ann�es 80, 1986 pour �tre plus pr�cis. Cela faisait 7 ans que le groupe s'�tait dissous, ne faisant plus parler de lui que par des compiles dont la plus int�ressante est de loin Delay 1968 (passons outre les suspicieux Onlyou et Prehistoric Future). Et voil� que le quatuor teuton se r�unit afin d'enregistrer un nouvel album. Czukay, Karoli, Liebezeit et Schmidt se retirent en Provence (cocorico�!) afin de cr�er un successeur au triste album �ponyme. Mais ils ne sont pas seuls�: un chanteur noir les accompagne, et pas des moindres, s'agissant de Malcolm Mooney. Le line-up originel, celui du grandiose Monster Movie et de Delay 1968, revient donc deux d�cennies plus tard � ce qui est mauvais signe dans la logique d'une reformation. Les cinq musiciens enregistrent leurs nouveaux sons, et puis... CAN splitte de nouveau. Il faut attendre trois ans pour que le r�sultat, Rite Time, d�barque dans les bacs, affubl� d'une pochette affreuse.

Alors, que r�serve le onzi�me album studio de l'un des plus excitants groupes de l'Univers�? De nouvelles incantations abrasives, r�p�titives et hypnotiques�? Certainement pas, m�me si �a n'aurait pas �t� une mauvaise id�e. Proposer une musique plus proche des canons de la pop, voire plong�e dedans�? Voil� plut�t ce qui attend l'auditeur. Groove vocal servi par une instrumentation pop-rock saupoudr�e de production 80's, voil� le menu. Rago�tant, n'est-ce pas�? Autant rassurer tout de suite, Rite Time n'est pas un mauvais album, surclassant d�j� Out of Reach et l'�ponyme. La sauce prend d�s le d�but avec "On the Beautiful Side of a Romance" dont le seul d�faut particulier est de trainer en longueur. Il permet �galement de montrer les claviers de Schmidt qui d�corent bien l'arri�re-plan, la section rythmique qui fait son boulot. Voil� le probl�me de Rite Time�: chacun sa place pour jouer son instrument. Alors m�me qu'au plus haut de son talent, CAN �tait un monstre difforme o� tout se m�langeait sans prise de pouvoir de l'un ou de l'autre. De facto, si l'amateur ou le fan ouvert d'esprit pourra accrocher, celui qui reste fix� sur Tago Mago lui crachera � la figure.

C'est bien b�te car les bonnes chansons ne manquent pas. "Below this Level" d�marre de mani�re cr�tine, mais devient tr�s vite plus appr�ciable. "Like a New Child" joue quant � lui sur des ambiances plut�t ambient malgr� la batterie de Liebezeit, et s'appr�cie tel une marche �th�r�e. Objectivement, "Hoolah Hoolah" est la chanson la plus rythm�e et rapide. Mais, est-elle bonne parce qu'entra�nante ou mauvaise car tr�s cr�tine�? Difficile � dire.

Rite Time n'est pas exempt de passages p�nibles ("The Withoutlaw Man"), et le chant de Mooney restera un gros point noir (hahaha) pour qui ne l'appr�ciait gu�re sur des productions ant�rieures. Mais il reste cependant une cr�dible porte de sortie, cette fois la derni�re malgr� quelques reformations sporadiques jusqu'en 2001.