Christophe Dechavanne : « La notoriété a été la chose la plus compliquée à vivre »
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Christophe Dechavanne : « La notoriété a été la chose la plus compliquée à vivre »

L'animateur le plus insolent du Paf sait aussi mettre les mains dans la terre. À deux heures trente de la frénésie parisienne, Christophe Dechavanne s’est construit un havre de silence et de paix. Confidences.
Charlotte Leloup

Cet enfant de la télé se ressource en famille à la campagne. Alors que Christophe Dechavanne publie un livre autobiographique, rencontre avec un amateur de solitude, amoureux de la nature.

Il nous prévient : « Vous allez poser des questions à un poisson rouge… ! » La faute à trop de souvenirs et de câbles de vie déroulés ? « sûrement, et aussi aux somnifères. J’ai commencé à en prendre lorsque j’ai débuté à la télé, des trucs qui sont aujourd’hui interdits. Parfois, il m’arrive d’être dans une pièce et de me demander ce que j’y fais… » confie-t-il en riant. Il ne se souvient donc plus ­comment est née l’idée de ce livre, « Sans transition… ».

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Comme lui, qui passe du coq à l’âne en permanence. On s’attend à de la provoc, du sexe… Il n’en est rien : « J’aurais pu raconter du lourd sur mille choses mais je n’ai pas voulu d’un truc racoleur. Comme il n’y a rien de trash, peut-être que ça ne va pas intéresser les gens ! » À plus de 60 ans, on a le droit de douter encore. Ça tombe bien, il a toujours aimé les gens qui doutent, les inconnus et ceux à qui on ne donne pas la parole. C’est d’ailleurs ce qui a fait le succès de « Ciel, mon mardi ! », avec ses débats survoltés et ses invités souvent borderline. Jusqu’à 7 millions de téléspectateurs.

 Je n’ai pas eu mon bac et c’était un drame pour ma mère 

Christophe Dechavanne

Au fil des pages, on croise sa sœur Pia, Johnny, Coluche, Étienne Mougeotte, Dominique Cantien, Patrice et oncle Jacky… En toile de fond, Montmartre et la rue des Saules pour dérouler l’histoire d’un gosse qui voulait être steward avant de se faire recaler à cause de sa taille : il fallait mesurer 1,72 mètre. L’aérien ne veut pas de lui ? Il retombe sur terre : rebâtit et peint des maisons. ­Christophe se souvient : « Je n’ai pas eu mon bac et c’était un drame pour ma mère. Ses amies lui demandaient avec pitié ce que j’allais devenir. Je lui disais : “Ne ­t’inquiète pas, je vais trouver un truc et je le ferai bien.” »

Avec de g. à dr. : Margot, Ninon, Jeanne, Pauline.
Avec de g. à dr. : Margot, Ninon, Jeanne, Pauline. Paris Match / © Alexandre Isard

Sa grand-mère a vu juste la première : « Tu devrais faire de la télé comme Patrick Sabatier. » Un ami lui fait faire ses premiers pas sur France Inter. La suite on la connaît… « C’est encore mieux l’après-midi », en 1985 et 1986 sur Antenne 2, puis TF1 et le succès fou de « Ciel, mon mardi ! » et de « Coucou c’est nous ! », « Comme un lundi » et plus tard « La roue de la fortune » et « Une famille en or »…

Avec sa benjamine Ninon, 25 ans, son aînée Pauline, 37 ans, et (à dr.) ses deux petites-filles, Margot, 3 ans, et Jeanne, 6 ans. Le 3 janvier, dans sa propriété du centre de la France.
Avec sa benjamine Ninon, 25 ans, son aînée Pauline, 37 ans, et (à dr.) ses deux petites-filles, Margot, 3 ans, et Jeanne, 6 ans. Le 3 janvier, dans sa propriété du centre de la France. Paris Match / © Alexandre Isard

Dès cette époque, il a une obsession : une maison à la campagne. Il y a le Dechavanne star du petit écran et le ­Dechavanne qui a besoin de vert : « La nature m’a sûrement ­permis de me protéger de mes excès. J’avais un besoin vital de me retrouver loin du monde de la télé. »

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 J’ai été seul comme personne ! 

Christophe Dechavanne

La solitude ne lui fait pas peur : « J’ai été seul comme personne ! Les gens pensent sûrement que chez moi c’est Saint-Tropez tous les matins. Déjà à 16 ans j’allais au cinéma seul et l’unique fois où j’ai failli partir aux sports d’hiver en bande, je me suis fait planter par mon pote. Je me suis retrouvé seul à Tignes, dans une chambre avec six lits superposés. Le soir, je ­m’offrais un banana split. »

Avec Spliff, son Westie, et Lazare, son épagneul. Le domaine abrite aussi des moutons, des cerfs, des chevreuils et des wallabys.
Avec Spliff, son Westie, et Lazare, son épagneul. Le domaine abrite aussi des moutons, des cerfs, des chevreuils et des wallabys. Paris Match / © Alexandre Isard

Il fait un bond sur le canapé : « J’ai retrouvé comment est née l’idée du bouquin ! » Grâce à la rencontre avec le journaliste Jean-Philippe Pisanias, devenu son « copilote ». « J’ai bossé comme un damné sur ce livre. » Et, bien sûr, il a rendu le manuscrit très en retard…  « Je considère cela comme une maladie. J’ai sans doute été le seul ­producteur de Paris à arriver en retard à mes propres émissions, ce qui coûtait une blinde en heures supplémentaires, j’ai perdu des jobs à cause de ça. Un jour je devais déjeuner avec le patron de RTL, il était question d’une quotidienne : cinquante minutes de retard ! Quand je suis arrivé avec un bouquet de fleurs, il était parti et l’émission avec… »

Quelques jours avant de mourir, sa mère lui dit «je t’aime». Pour la première et dernière fois

A-t-il analysé sa névrose ? « Ni mépris ni dédain. En plus, je suis obligé de me confondre en excuses sincères. » Alors que ­l’hôpital l’appelle en urgence parce que sa mère est en train de mourir, il s’arrête à la pharmacie pour lui acheter des lingettes. Il arrivera trop tard. « Pour moi ça ne pouvait pas être aussi urgent que ça… Ma mère ne pouvait pas mourir. » ­Dechavanne s’est consolé en se blottissant contre le corps, « un câlin comme je ne lui en avais jamais fait, le plus beau des câlins, le plus violent aussi, le plus contradictoire », écrit-il. Quelques jours avant, il avait réussi à lui arracher son seul et unique « je t’aime ». Il écrit que, là-haut, si sa mère trouve un exemplaire de son livre, « qu’elle ne s’empêche pas de l’emprunter et de le lire… ».

Parmi sa cinquantaine de poules, des Sussex, des Pékin ou encore des Gatignolles. «Et certaines, ajoute-t-il, qui font de très beaux œufs bleus ! »
Parmi sa cinquantaine de poules, des Sussex, des Pékin ou encore des Gatignolles. «Et certaines, ajoute-t-il, qui font de très beaux œufs bleus ! » Paris Match / © Alexandre Isard

Avec son père, ce n’était pas non plus très simple... Une sorte de James Dean que l’alcool va éloigner de tout : « Un jour, j’ai 20 ans, je rentre avec un copain qui me raconte que son père conduit en fermant un œil quand il a trop bu. Je ­comprends que mon père passe ses soirées à regarder la télé avec un œil fermé. » Sa mère lui demandera de quitter la maison et il ne le reverra ­quasiment plus…

  J’ai ­toujours été hypocondriaque 

Christophe Dechavanne

Et la télé dans tout ça ? « Je n’en aurais peut-être pas fait si tout avait été moins compliqué. Je crois que toutes les personnes qui font ce métier ont des choses à régler. Le jour où je suis devenu connu, les filles ont oublié mon problème de taille. » Pourtant, il assure : « Sur mon lit de mort, je dirai que la notoriété a été la chose la plus compliquée à vivre. Je mettais des perruques pour aller au cinéma. »

De gauche à droite. Un Parisien à la montagne. Il a 5 ans.
De gauche à droite. Un Parisien à la montagne. Il a 5 ans. © Collection particulière Christophe Dechavanne

Toute sa vie, il a eu peur de ne pas dépasser 54 ans, l’âge auquel son père est mort. Alors, le jour de cet anniversaire, il a demandé un défibrillateur en guise de cadeau. « J’ai ­toujours été hypocondriaque. Je suis à l’âge des maladies coronaires, des cancers. J’entre dans une génération où ça clabote sec ! » Ce qui ne l’a jamais dissuadé de flirter avec la ligne rouge : « Je n’aime pas être en fin de peloton, même dans la vie. »

 De la plupart des hommes divorcés que je connais, j’ai certainement été le plus présent pour la garde de mes enfants 

Christophe Dechavanne

D’où la passion des ­bolides et des circuits automobiles, avec quelques cartons comme ce méchant accident à Pau qui a failli lui briser les « coucougnettes ». Aux excès, il consacre une seule phrase : « Je voulais peut-être exprimer des choses à propos d’une certaine réputation qui me colle, autour de la drogue et de ma personne. Je me dis que ça ne mérite pas plus d’une ligne. Voilà. » Rideau.

Sa mère, journaliste, et son père, promoteur immobilier
Sa mère, journaliste, et son père, promoteur immobilier © Collection particulière Christophe Dechavanne

Les femmes, il les a aimées : « Je monte vite en haut de l’échelle et j’emmène la personne avec moi. Sauf que quand tu redescends, la personne tombe aussi. J’essaie de faire attention maintenant… » Par-dessus tout, il a l’esprit de famille. Il a eu trois enfants, de trois mères différentes. Quel père a-t-il été ? « J’ai fait ce que j’ai pu, j’ai sûrement fait des erreurs. De la plupart des hommes divorcés que je connais, j’ai certainement été le plus présent pour la garde de mes enfants. »

 La vie nous a éloignés depuis maintenant une décennie. [...] Mes potes me disent qu’il reviendra 

Christophe Dechavanne à propos de son fils

Peut-être aurait-il pu un peu plus leur épargner ses « histoires vagabondes » qu’il appelle « défilé du 14 juillet ». « Je suis très proche de mes deux filles, Ninon et ­Pauline. J’ai aussi un fils qui fait sa vie. » Dans son livre, il écrit à propos de ce ­dernier :  « La vie nous a éloignés depuis maintenant une décennie. [...] Mes potes me disent qu’il reviendra. » On aborde le sujet, il se lève et propose à boire : coca, eau, whisky, bière ? Il se rassoit. ­« J’espère que je n’ai pas été impudique par rapport à mon fils. Je ne veux pas l’être. » Pense-t-il que ce livre pourra les réconcilier ? « C’est trop douloureux de penser. »

À 17 ans, Christophe se dirige vers une école de dessin avant de finalement choisir l’immobilier.
À 17 ans, Christophe se dirige vers une école de dessin avant de finalement choisir l’immobilier. © Collection particulière Christophe Dechavanne

Dans le rétro de Dechavanne, il y a des grandes réussites, les coups d’éclat, Patrice Carmouze, l’acolyte de toujours, ou encore Adeck, son chien blanc à l’œil noir devenu presque plus connu que lui… Il y a aussi les traversées du désert. « J’ai été bûcheron, une ­carrière en dents de scie ! lance-t-il en souriant. Un échec, c’est très chiant, surtout quand on te dit que le public ne veut plus de toi. D’abord on pleure, après on mâche, on avale et on digère… Je ne sais pas si je suis revenu plus fort, mais je suis revenu et c’est déjà pas mal. »

 Je n’ai plus l’âge des secondes chances 

Christophe Dechavanne

Quand Régis Lamanna-Rodat, le producteur de « Quelle époque ! », m’a appelé, j’étais sur le point de partir pour huit semaines traverser les États-Unis avec un ami dépressif. » Avec Léa Salamé, le socle est solide, elle apaise ses interrogations ou ses fougues : « Je n’ai jamais autant bossé… Je n’ai plus l’âge des secondes chances. J’avais le challenge d’assurer mon retour. » On l’a énormément questionné sur sa place de numéro deux, il explique : « Ce n’est pas une insulte ! Je verrais un mec comme moi passer de numéro un à numéro deux, je me dirais : “Pas mal ! Bon mec !” C’est vrai qu’il a fallu que mon ­cerveau l’accepte. »

À table ! Autour de Christophe, ses filles Ninon et Pauline. De dos, Jeanne et l’ex-beau-fils de Christophe.
À table ! Autour de Christophe, ses filles Ninon et Pauline. De dos, Jeanne et l’ex-beau-fils de Christophe. Paris Match / © Alexandre Isard

Après les tournages, ­Christophe préfère désormais son feu de cheminée aux soirées au Queen. Se sent-il apaisé ? « Sur certains aspects oui, sur d’autres c’est pire. J’ai dit à mon médecin, il ne me reste même pas vingt piges à vivre. Il m’a répondu : “Vis-les bien !” » Il a déjà tout prévu : « Je ne veux pas embêter mes enfants avec ça, ils ont déjà l’adresse où déposer le colis, je serai enterré à Montmartre, j’ai creusé sur trois étages et je serai avec les femmes de mon enfance, ma mère et ma sœur. »

 Je suis ­animateur de télé. Je pense qu’on rediffusera ­“Génération Dechavanne” le jour de ma mort et puis voilà… 

Christophe Dechavanne

Qu’aimerait-il qu’on dise de lui quand il ne sera plus là ? « On ne dira rien de moi, je n’ai pas l’aura des grands artistes… Je suis ­animateur de télé. Je pense qu’on rediffusera ­“Génération Dechavanne” le jour de ma mort et puis voilà… Je serai ravi qu’on se souvienne de moi comme le gars qui a fait fabriquer 80 millions de capotes et qui a réussi avec l’aide du couple Macron à rendre le préservatif gratuit jusqu’à l’âge de 26 ans. Sortez ­couvert ! ajoute-t-il avant de poursuivre : et puis, dans ma campagne, j’aimerais que les gens disent : ­“Dechavanne, c’est le mec qui a retapé cette baraque dans les années 2000, elle est sublime !” Dans son jardin, il y a beaucoup de roses dont une, couleur champagne, elle s’appelle ­« Christophe Dechavanne ».

«Sans transition… », de Christophe Dechavanne, éd.Flammarion, 320 pages, 20,50 euros.
«Sans transition… », de Christophe Dechavanne, éd.Flammarion, 320 pages, 20,50 euros. © EDITIONS FLAMMARION

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