10 films sur les psychotraumas – Cn2r Skip to main content

A l’occasion du Festival de Cannes, la rédaction du Cn2r vous propose sa propre sélection officielle avec 10 films qui évoquent, de près ou de loin, le trouble de stress post-traumatique (TSPT) et les psychotraumatismes.

1. Le Souffle du Canon

Documentaire – Nicolas Mingasson – 2020

Le souffle du canon est un documentaire qui nous plonge dans le Centre des blessés de l’armée de Terre. Au cœur du parc du Mercantour, Il accueille des anciens soldats, combattants ou soldats de l’arrière, à l’épreuve d’un TSPT (syndrome du stress post-traumatique). Dès les premières minutes, on nous rappelle la réalité de la blessure psychique, invisible, et pourtant bien réelle. Face à la caméra de Nicolas Mingasson, ils témoignent de manière crue et douloureuse leur incapacité à chasser les images d’effroi, leurs nuits de cauchemars, leurs pulsions violentes, leurs hallucinations, l’hypervigilance, … En d’autres termes, ils racontent et partagent, entre eux, leurs destructions. Avec plusieurs outils, les soldats entament un long et essentiel parcours de reconstruction en reprenant peu à peu goût à la vie et en se questionnant sur leur avenir.

2. La nuit du 12

Film – Dominik Moll – 2022

Clara, 21 ans, est brûlée vive une nuit alors qu’elle sort de chez une amie. Une équipe de la police judiciaire de Grenoble cherche en vain son meurtrier parmi ses anciennes relations. Inspiré d’un crime réel non élucidé, le film raconte la banalité et la tragédie d’un féminicide. Ce film sobre retrace l’enquête sur le féminicide de Clara, jeune fille joyeuse et épanouie. Il aborde la difficulté de l’annonce de décès en contexte judiciaire, le deuil compliqué qui peut toucher les proches de la victime. Il évoque aussi le traumatisme vicariant de certains enquêteurs, hantés jusqu’à l’obsession et jusqu’aux reviviscences par la recherche du meurtrier. Il expose également avec précision le sexisme décomplexé et ordinaire des regards masculins des protagonistes qui permet l’appropriation, jusqu’au meurtre de la jeune fille. La scène du féminicide, de la dépouille calcinée de la victime mais aussi une scène d’écoute à la violence verbale élevée peuvent être difficiles pour un public sensible. Sobre et dépouillé, le film dégage une grande force narrative et réflective ; Les personnages, majoritairement masculins, sont crédibles. Un film puissant qui ne laisse pas indifférent.

3. Amanda

Film – Mikhaël Hers – 2018

David, 24 ans, vit à Paris grâce à plusieurs petits boulots. Il est très proche de sa sœur ainée, Sandrine, qui élève seule sa fille Amanda, 7 ans. Un soir d’été, Sandrine est tuée lors d’un attentat. David se retrouve soudainement à devoir s’occuper de sa nièce. Adulte et enfant, endeuillés en même temps, apprennent à vivre ensemble et à vivre sans Sandrine. Ce film décrit avec beaucoup de délicatesse et de sensibilité le processus du deuil d’un enfant mais aussi d’un proche adulte. Il évoque ainsi le difficile rééquilibrage du quotidien et des relations des endeuillés et des victimes de l’attentat. La scène où David annonce à Amanda la mort de sa mère est d’une grande justesse. Les amis présents lors de l’attentat et qui ont été blessés ressentent également des signes de psychotraumatismes comme de l’évitement ou de l’hypervigilance. La Fenvac est mentionnée ainsi que l’importance d’un suivi psychologique. Le récit est crédible, jamais larmoyant, toujours pudique et juste. Une scène de sexualité ne permet pas cependant un visionnage avec des enfants et jeunes adolescents. Un film lumineux, sans pathos mais avec émotions sur un sujet difficile réussit le tour de force de finir sur de l’apaisement et de l’espoir. Le seul bémol de ce film, par ailleurs remarquable est d’être centré essentiellement sur Paris et sur un milieu aisé qui l’éloigne d’un propos universel.

4. The Keepers

Série – Ryan White – 2017

Cette série documentaire reprend le meurtre non résolu d’une religieuse qui enseignait dans les années 1960 dans une école catholique américaine. Des anciennes élèves reprennent l’enquête des années après. Elles pensent que la religieuse a été tuée parce qu’elle soupçonnait le prêtre de l’école d’agressions sexuelles. Leur investigation brise l’amnésie traumatique de certaines et délivrent la parole d’autres. La série documentaire, très bien menée, permet de décortiquer la mise en place du système de grooming et d’emprise mis en place par le prêtre et ses comparses qui utilisent chantage et abus d’autorité. Les témoignages des anciennes élèves, dont certaines se retrouvent confrontées à des reviviscences et à des cauchemars, sont poignants et illustrent bien les conséquences d’un événement traumatisant, même des décennies plus tard, sur la vie des victimes. Leur détermination à reprendre le contrôle de leurs histoires et de celle de la jeune religieuse est frappante. La complaisance des autorités locales est aussi pointée, qui va vite mettre fin à l’enquête et ne pas pousser plus loin les recherches. La pugnacité des anciennes élèves de la religieuse, malgré le passage du temps, à faire jour sur l’affaire mais aussi la grande solidarité entre les victimes rend justice à la jeune femme assassinée et permet le rétablissement de beaucoup.

5. Les Éblouis

Film – Sarah Suco – 2019

Camille est une collégienne qui vit dans une famille catholique. Ses parents sont embrigadés petit à petit dans une secte. Le chef de secte, appelé « berger », éloigne Camille de sa vie d’adolescente : elle doit arrêter le cirque, changer de vêtements… Il fait également croire à Christine, la mère de famille, qu’elle a été victime d’inceste par son père afin de rompre le lien avec ses parents. Camille refuse les critiques des personnes extérieures et protège ses parents alors qu’elle les voit se radicaliser. L’adolescente va chercher de l’aide auprès d’eux lorsqu’elle voit son frère subir les violences sexuelles de la part d’un paroissien mais on l’accuse de mentir. Afin de sauver sa fratrie et de se défaire de l’emprise psychologique, elle va se rendre à la police et tout dévoiler. L’histoire, inspirée d’une histoire vraie, traite avec justesse le conflit de loyauté auquel peut être confronté un enfant.

6. Spotlight

Film – Tom McCarthy – 2015

Une équipe de journalistes d’investigation du Boston Globe, appelée « Spotlight », dévoile un scandale impliquant des prêtres pédophiles couverts par l’Église catholique dans la région de Boston. Le film retrace leur enquête et donne large part aux vécus des victimes des années plus tard. Le film fait écho au travail fait en France par la CIASE, la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église. Durant l’enquête retracée par le film, une victime qui a depuis fondé une association de soutien, parle de 13 prêtres à Boston. Mais un ancien prêtre qui a longtemps étudié la question, estime que ce nombre est plus proche de 90, c’est-à-dire 6% des prêtres catholiques de la ville. Le film, très efficace et haletant, permet de comprendre les conséquences psychotraumatiques des agressions sexuelles sur les victimes alors enfants par des personnes ayant autorité. Il explique comment la hiérarchie catholique impose le silence aux familles concernées. Spotlight est un film passionnant qui permet de comprendre comment des comportements criminels peuvent être soutenus par un système. Le scénario est particulièrement empathique envers les victimes.

7. Grâce à Dieu

Film – François Ozon – 2018

À la suite d’une conversation, Alexandre, père de famille et catholique pratiquant, se rappelle les abus sexuels commis par un prêtre dont il a été victime, enfant. Il découvre alors que le pédophile, couvert par sa hiérarchie, est toujours en contact avec des mineurs. Confronté au déni de l’Église, il porte plainte. L’enquête permet de libérer la parole d’autres victimes. Inspiré des affaires Bernard Preynat et Philippe Barbarin, le film relate le combat judiciaire des victimes abusées sexuellement par l’aumônier de leur troupe scoute. Avec beaucoup de pudeur et de sérieux, le récit souligne la reconnaissance de la parole des victimes, leur souhait de justice et de réparation. Après les abus, les trajectoires de vie des victimes sont différentes comme les marques traumatiques. En plus de la mauvaise foi de la hiérarchie catholique, le film met en évidence le chamboulement des rapports familiaux et amicaux après la libération de la parole. Film remarquable, « Grâce à Dieu » dénonce avec rigueur la complaisance de l’Église dans les abus sexuels commis par ces religieux. Il souligne également le douloureux parcours des victimes qui, enfants ou adultes, ne sont pas entendus.

8. Les chatouilles

Film – Andréa Bescond et Eric Metayer – 2018

Odette est une petite fille qui aime dessiner, et qui aime surtout danser. Alors qu’elle a à peine 10 ans, un ami de la famille lui propose de jouer aux « chatouilles ». Pendant plusieurs années, Odette va se retrouver piégée et subir les violences sexuelles que lui impose cet homme. Admise au conservatoire de Paris, elle s’éloigne de ses parents pendant son adolescence. Alcool, drogue… son avenir dans la danse est compromis, sans qu’elle ne fasse le rapprochement avec ses traumatismes d’enfance. Un jour, Odette décide de se faire aider, et prend rendez-vous chez une psychologue. La jeune femme emmène sa psychologue dans les épisodes marquants de sa vie. Elle consulte en dents de scie, et n’arrive pas à construire de relation stable. Face à un mur, la psychologue convainc Odette de révéler les violences sexuelles à ses parents pour se libérer du poids de ce secret. Le père d’Odette la croit sur paroles et se trouve rongé par la culpabilité tandis que sa mère remet en cause son discours et se demande ce que les autres vont penser. Ce film reflète la position de la société face aux violences sexuelles sur mineurs : si l’on ne voit pas, c’est que cela n’existe pas. La jeune femme décide d’aller jusqu’au procès et le coupable écopera de sept années de prison. Odette termine son suivi psychologique avec une sensation de légèreté, comme si elle avait déposé un bagage pour continuer d’avancer et construire sa vie.

9. Mysterious skin

Film – Gregg Araki – 2004

Brian, 8 ans, se réveille dans une cave et saigne du nez. Dès lors, le petit garçon somatise, souffre d’énurésie et cherche désespérément à se souvenir de ce qui s’est passé. Neil est dans la même équipe de baseball que Brian. Il grandit sans repères à part son coach sportif qui fait basculer la vie des deux garçons. Ce film, très dur, avec des scènes explicites d’agressions sexuelles et d’ailleurs déconseillé au moins de 16 ans, expose avec beaucoup de force les conséquences de traumatismes chez un enfant et un adolescent : amnésie, dissociation, conduites à risques, répétition de traumatismes, etc. Les deux enfants suivent des trajectoires différentes et douloureuses, signe que chaque parcours est singulier. La parole, libératrice pour les deux, les sort, finalement, de l’empreinte omniprésente de l’agresseur dont les stratégies de grooming glaçantes sont très réalistes. Ce film permet de mieux comprendre le trauma et le trauma complexe de l’enfant et l’adolescent. Il est cependant destiné à un public averti. Film remarquable de réalisme et d’empathie pour les victimes, il dépeint avec véracité la vulnérabilité des enfants et leurs stratégies d’adaptation pendant et après les agressions. Son visionnage demande cependant à être attentif à ses propres signes de réactivation face à un événement traumatisant.

10. Jusqu’à la garde

Film – Xavier Legrand – 2017

Un couple est en processus de divorce. Leur fille aînée sera bientôt majeure. Le plus jeune, 11 ans, refuse d’aller chez son père au point de somatiser à chaque rencontre. Appuyée par son avocate, la mère demande la garde exclusive du garçon. Le juge aux affaires familiales refuse. Le père a désormais carte blanche pour continuer à tyranniser sa famille via la garde partagée. Le film démontre avec force et tension le paradoxe qui fait que la justice considère souvent qu’un conjoint violent peut en même temps être un bon parent. L’enfant, utilisé comme instrument de vengeance et de représailles par le père, en fait les frais : hypervigilance, anxiété, troubles du sommeil. La tension monte à mesure que le conjoint violent est validé dans son droit parental qu’il étend à un droit sur son ex-femme. Ce film dépeint brutalement ce qu’est le contrôle coercitif, ses conséquences traumatiques sur les enfants, comment il se poursuit malgré la séparation des conjoints et comment cette violence peut mener au féminicide. Certaines scènes peuvent provoquer des reviviscences chez des victimes de violences conjugales. Un film fort et implacable qui dresse un portrait glaçant du contrôle coercitif et des violences conjugales qui se poursuivent même après la séparation.

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