Les ultimes secrets de Charles Pasqua - Décédé à 88 ans
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Les ultimes secrets de Charles Pasqua - Décédé à 88 ans

Charles Pasqua à Neuilly-sur-Seine en 2010.
Charles Pasqua à Neuilly-sur-Seine en 2010. © DR
Par François Labrouillère

Avant de mourir, le vieux militant gaulliste Charles Pasqua avait commencé à écrire ses Mémoires.

Charles Pasqua est mort en laissant derrière lui quelques-uns de ses secrets. Aidé par son fils unique Pierre-Philippe , dont le décès d’un cancer, en février dernier, l’avait terrassé, il avait commencé, il y a plusieurs mois, à écrire ses derniers souvenirs. «Des écrits subsistent. Ils seront peut-être publiés un jour», confie le journaliste Jean Montaldo, l’un de ses amis, qui assurait la liaison avec l’éditeur Albin Michel. «Pasqua voulait s’expliquer, dit-il, car tout au long de sa carrière on lui a souvent fait porter le chapeau pour des faits qu’il n’a jamais commis. Ses souvenirs devaient débuter par son passage chez Ricard, de 1952 à 1966.» Cette période a vu le petit représentant de la maison Ricard se hisser jusqu’au poste de directeur commercial du champion du pastis. Le début d’une réputation sulfureuse qui ne le quittera plus.

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Publiée en février 1973, une enquête du magazine américain «Newsday» citait le nom du militant gaulliste parmi les contacts du truand corse Jean Venturi, présenté comme l’un des parrains de la French Connection, le trafic d’héroïne entre la France et les Etats-Unis. Car Venturi avait été le représentant de Ricard au Canada, sous les ordres directs de Charles Pasqua. «Pure calomnie», rétorquera Pasqua, qui présidait alors à l’Assemblée une commission parlementaire sur la drogue. L’appartenance de Pasqua au Sac (Service d’action civique), le service d’ordre musclé du mouvement gaulliste, a aussi fait couler beaucoup d’encre. Il en est l’un des fondateurs, en 1960, aux côtés de Jacques Foccart, l’éminence grise du général de Gaulle, avant d’en démissionner dix ans plus tard. «Là encore, on a beaucoup fantasmé, assure Montaldo. Pasqua, par exemple, n’a jamais cautionné ni participé à la lutte anti-OAS des barbouzes du Sac. En outre, il était brouillé avec Foccart, le véritable patron de l’organisation.» 

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"Il vaut mieux passer pour un voyou que pour un con"

Mais la faconde de Pasqua, son goût pour les costumes à rayures, les bandits corses et les lunettes de soleil, vont faire de lui un parrain plus vrai que nature. «Il vaut mieux passer pour un voyou que pour un con», ironise-t-il un jour. Après son apparition dans quelques coups tordus, comme l’affaire du vrai-faux passeport d’Yves Chalier, en 1986, dans le scandale du Carrefour du développement, ou les ratés de l’affaire Didier Schuller, en 1995, Pasqua se voit rattraper par une rafale de procédures judiciaires, à partir de l’année 2000, quand il annonce sa candidature à la présidentielle de 2002. De multiples instructions qui empoisonneront les quinze dernières années de sa vie. Elles se solderont par plusieurs relaxes et deux condamnations. Il y a d’abord l’Angolate, l’affaire des ventes d’armes à l’Angola, où le juge d’instruction Philippe Courroye le poursuit de sa vindicte, l’accusant d’avoir touché de l’argent de la part des hommes d’affaires Pierre Falcone et Arcadi Gaydamak. Condamné en première instance pour trafic d’influence, Pasqua sera finalement relaxé en appel. Vient ensuite la tentaculaire affaire Elf Aquitaine, où il est soupçonné de s’être fait régler des voyages en jet privé par le groupe pétrolier.

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Les juges lui octroieront finalement un non-lieu. Toujours sous l’autorité du juge Courroye, Pasqua est aussi accusé d’avoir profté, avec d’autres personnalités, du programme Pétrole contre nourriture, ce plan de l’Onu permettant à l’Irak sous embargo de vendre du pétrole en échange de biens de première nécessité. Nouvelle relaxe par la justice. L’ex-sénateur est mis en examen, en 2005, pour avoir bénéficié de largesses de l’homme d’affaires franco-libanais Iskandar Safa, aujourd’hui propriétaire du magazine «Valeurs actuelles». Encore un non-lieu. En 2008, la première condamnation de Pasqua –dix-huit mois de prison avec sursis– sanctionne le financement illégal de sa campagne européenne de 1999, où il avait bénéficié de fonds provenant de la revente du casino d’Annemasse. Puis, en 2010, la Cour de justice de la République le condamne à un an de prison avec sursis dans l’affaire de détournements de fonds de la Sofremi, une société publique sous tutelle du ministère de l’Intérieur. Une ultime affaire est toujours en suspens, celle des fausses factures de la Fondation Hamon, un musée d’art contemporain qui n’a jamais vu le jour, financé par le conseil général des Hauts-de-Seine. Condamné en 2013 à deux ans de prison avec sursis, Pasqua avait comparu, en appel, il y a tout juste un mois. Léon-Lef Forster, son avocat, relève que Pasqua n’était pas propriétaire de son appartement de Neuilly et que les multiples juges qui ont épluché ses comptes n’ont jamais trouvé de patrimoine caché. «Même s’il a été rassuré par sa relaxe dans l’Angolagate, une question d’honneur à ses yeux, Charles Pasqua a vécu comme une grande injustice cette accumulation de procédures, les dernières années de sa vie, observe Me Forster. Il se disait victime de gens qui ont cherché à l’éliminer de la politique et à le priver de sa parole publique». 

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