Vienne : un an après la venue des ministres, le commerce de Liglet en faillite
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Publié le | Mis à jour le
La visite et les encouragements de la première ministre et des élus n’ont pas évité la faillite de la petite épicerie boulangerie de Liglet, un an après.
Comme un signe, la photo où elle est tout sourire avec la première ministre Élisabeth Borne, prise en juin 2023, s’est décrochée du mur. « Elle est tombée, ça a même abîmé mon mur », dit Anaïs Pinot, toujours avec son sourire et sa bonne humeur. Un sourire qui ne masque plus une déception profonde. À peine un an après la visite de la première ministre Élisabeth Borne dans son commerce multiservice à Liglet, à peine un an après avoir été choisie par l’État comme un exemple d’une reprise d’un commerce rural, la jeune femme de 27 ans a fermé sa boutique, le 13 mai 2024. Liquidation financière.
Les rideaux en devanture sont tirés, avec un mot d’explication en vitrine rédigé en français et en anglais. Les camions de livraison stationnent dans la cour, n’assurant plus les deux tournées de pain dans les villages. Le gouvernement Borne venait alors dans le Montmorillonnais présenter le plan France Ruralités. « Quand ils (les ministres) sont venus, ils m’ont tous dit : Anaïs, on va t’aider. J’ai eu zéro coup de fil, aucun mail. Pourquoi dire des paroles en l’air ? », se demande-t-elle.
« On me demande 60.000 € de charges salariales »
Elle ne comptait pas sur les représentants de l’État pour faire tourner sa boutique reprise en janvier 2023, dans des locaux en location aménagés par la mairie de Liglet. Très vite, la clientèle a franchi le pas-de-porte. « On est arrivé à presque 500 clients magasin et tournées de pain. Les gros week-ends, quand il y a des mariages, des fêtes, je passais à 800 pains. Chaque tournée de pain, c’est 150 clients par jour. Les tournées payaient deux salaires ».
C’est le montant des charges salariales qui a amené Anaïs Pinot à se déclarer en faillite. « De janvier à septembre 2023, on me demande 60.000 euros de charges salariales. Je ne m’appelle pas Leclerc ! J’ai trois salariés, un boulanger et deux livreuses pour le pain. C’est presque la moitié de mon chiffre d’affaires. Et je n’ai pas encore les factures des autres charges comme l’énergie. Je me sortais 600 € de salaire. Depuis huit mois, je ne me verse plus de salaire. »
Anaïs Pinot a dû faire face à l’arrêt maladie de son boulanger un mois. « J’embauchais à 2 h du matin. À 7 h 30, j’ouvrais le magasin jusqu’à 12 h 30. Et après 14 h, je refaisais le pain pour le lendemain. J’ai dormi 3 heures par nuit seulement. Les gens ne se rendent pas compte… J’allais y laisser ma santé. Arrêter quelque chose qui marche me fait mal au cœur. »
Elle a annoncé la fermeture à ses clients. « Je suis désolée pour mes clients, ceux des tournées, les producteurs locaux. Je les remercie. Le dernier jour, il y en a eu des larmes, et pas que les miennes. »
« Une super affaire rentable »
Gérard Argenton, maire de Liglet, reste critique sur la gestion de ce commerce : « Il ne fallait pas embaucher trois salariés, dit-il, estimant que la boulangerie multiservice peut fonctionner avec deux personnes. C’est une super affaire rentable pour un couple, dont l’un est boulanger. Il y a un potentiel incroyable. » La commune de Liglet a investi 250.000 € pour aménager les locaux (murs, four électrique, chambre de pousse…), le tout loué 250 € pour le local commercial et 250 € pour le matériel. Une fois le dossier clos administrativement, elle lancera un appel à repreneur.