deux palmes d’or, une présidence et des faits marquants

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Le directeur deApocalypse maintenant doit beaucoup à Cannes. L’inverse est vrai puisque le cinéaste a contribué à forger la mythologie du festival. Avant son retour avec Mégalopoleretour à des relations heureuses et orageuses.

Francis Ford Coppola, 85 ans, est de retour en compétition à Cannes avec Mégalopole. L’histoire d’un architecte (Adam Driver) qui tente de construire une ville utopique après la destruction de New York. Visiblement l’un des films les plus attendus de la quinzaine, avec un mélange d’excitation et d’inquiétude. Le directeur de Parrain sera-t-il à la hauteur de sa gloire passée et de ses deux palmes d’or ? Pour mener à bien ce projet annoncé il y a 50 ans, l’ancien président du jury a fait sauter sa tirelire (budget de 120 millions de dollars)… En attendant sa première mondiale, retour sur la longue histoire de Coppola à Cannes.

1967 – Tu es un grand garçon, maintenant

Coppola est sur la Croisette depuis 1967. Il a 28 ans et présente Tu es un grand garçon, maintenant en compétition. C’est son deuxième long métrage après Démence 13, un mélange de thriller gothique et de série B hitchcockienne, qui porte plus la marque du producteur Roger Corman que de son réalisateur. Embauché par la société de production Seven Arts pour réécrire les scénarios de Reflets dans un œil d’or, Propriété interdite Et Paris brûle-t-il ? Coppola démissionne pour écrire et filmer Tu es un grand garçon, maintenant, Comédie new-yorkaise sous influence godardienne. Lorsqu’il fut libéré en mars 1967, Coppola but en lisant la critique du Los Angeles Times, écrite par Charles Champlin : Tu es un grand garçon, maintenant fait partie de ces choses, rares en Amérique, que les Européens appellent un film d’art et d’essai. » Sélectionné à Cannes et salué par la critique, Coppola se rêve en réalisateur indépendant. Son film suivant fut cependant une adaptation pour la Warner de La Vallée du Bonheurune comédie musicale populaire depuis sa première à Broadway en 1947, avec Fred Astaire qui n’a pas dansé à l’écran depuis dix ans et La beauté de Moscou de Rubén Mamoulian. Avec un budget relativement modeste, Coppola fait preuve d’un certain savoir-faire. Mais tu dois attendre Les gens de la pluie pour que Coppola s’affranchisse des canons hollywoodiens et affirme sa personnalité.

1974 – Conversation secrète

En 1972, Coppola quitte le Parrain. Un triomphe et une malédiction pour le réalisateur qui entretiendra un sentiment ambivalent envers son adaptation du roman de Mario Puzo. « Ce film m’a ruiné, d’une certaine manière. Il a orienté ma carrière dans une direction qui n’était pas celle que je souhaitais qu’il prenne. Je voulais rester un auteur-réalisateur indépendant et libre. Le parrain, paradoxalement, cela marque la fin du rêve. » Coppola est un homme riche et un grand enfant qui ne sait pas quoi faire de son argent. C’est en plein essor dans l’immobilier et les jouets. Dans sa maison de San Francisco, dans le très chic quartier de Pacific Heights, un local est réservé à ses trains électriques. Eleanor, sa femme, s’est rendu compte plus tard qu’entre leurs maisons de San Francisco, Los Angeles et New York, le couple pouvait se laver dans vingt-sept salles de bain. Mais Coppola bénéficie aussi du succès de Parrain pour relancer un projet sur lequel il avait commencé à travailler en 1967 : Conversation secrète. Le film met en scène Harry Caul, une sorte d’espion qui met les gens sur écoute pour trouver de mystérieux clients. Un homme solitaire, qui accomplit son travail sans se poser de questions. Un jour, alors qu’il enregistre un dialogue de couple, il découvre une intrigue et perd le contrôle. Conversation secrète a été libéré en 1974, quelques mois avant la démission de Richard Nixon, balayé par le scandale du Watergate. Coppola crée un cauchemar paranoïaque, aidé par un Gene Hackman parfait en héros névrosé et perdu. Une œuvre bien plus pessimiste et angoissante que les prochains thrillers politiques de Pakula (Les hommes du président) et le lieu jaune (Les trois jours du Condor). Et la première des deux Palmes d’Or de Coppola. Sauf que la Palme d’Or n’existe pas encore et que la récompense suprême est le Grand International du Festival.

1979 – Apocalypse maintenant

Coppola remporte sa deuxième Palme d’Or en 1979 avec Apocalypse maintenant qui n’aurait pas vu le jour sans le succès de Parrain II, considéré comme supérieur au premier. Il règne désormais en maître à Hollywood. Apocalypse maintenant était censé être un film de George Lucas. Coppola a poussé son ami à réaliser le scénario de John Millius, inspiré deAu coeur des ténèbres par Joseph Conrad. Lucas est finalement parti tirer Guerres des étoiles – un “enfantillage” selon Coppola, il a décidé d’aller lui-même dans la jungle et de donner sa vision de la guerre du Vietnam. Première déception, les stars qu’il rêve de casting refusent les unes après les autres. McQueen, Nicholson, Redford et Pacino sentent le piège. Ce dernier lui dit : «Je sais comment ça va se passer. Tu vas être là-haut dans un hélicoptère à me crier quoi faire et moi là-bas, pendant cinq mois, dans la merde. » Pacino a tort. La réalité du tournage est bien pire. Sexe, drogue, maladies tropicales et typhons, les Philippines se transforment en bourbier pour un Coppola à l’orgueil gonflé et aux dépenses pharaoniques. Eleanor Coppola, présente aux Philippines avec ses enfants, tient un journal et prend un appareil photo pour documenter ce tournage apocalyptique, Au coeur des ténèbres. Elle a attendu 1991 pour sortir ce making-of : « De retour en Californie pour monter les 60 heures de rush, je n’arrivais pas à trouver le bon regard sur Francis. Je ne voulais pas qu’il passe pour un idiot ou un génie. »

Les deux années passées au montage n’ont guère été plus agréables. Dans Le nouvel HollywoodPeter Biskind décrit Coppola comme content de « être assis dans la salle de projection le soir, regarder les extraits du film, me défoncer et me rouler en écoutant de la musique. » Coppola, maniaco-dépressif et paranoïaque, voit Michael Cimino passer devant lui avec Voyage au bout de l’enferqu’une presse moqueuse surnomme Apocalypse d’abord. Apocalypse maintenant devient Apocalypse Quand ? (« Apocalypse quand ? »). La réponse finit par arriver : en mai 1979, le film est à Cannes et l’explosion est immense.

Apocalypse maintenant partage le royaume d’or avec La batterie de Volker Schlöndorff, qui a les faveurs de Françoise Sagan, présidente du jury peu friande de films de guerre. Avec elle “demi-paume”, comme l’appellera Coppola, le réalisateur à la mégalomanie déjà forte n’est pas loin de s’emporter. Lors de la conférence de presse, il a insulté les journalistes américains, les accusant de leur malveillance. Certains critiques trouvent le film moralement ambigu. « J’ai fait un film sur l’ambiguïté morale, comment pourrait-il ne pas être ambigu ? » Coppola se met en colère. Avant de continuer : « Ce film pose les mêmes questions que Nietzsche. Ce qui est bon? Qu’est-ce qui ne va pas? Nous sommes vraiment dans une jungle ! » Lorsque Jean-Pierre Rassam, le distributeur français du film, appelle Coppola pour lui dire que le jury le mettra à égalité avec La batterie, il déjeune au restaurant Le Duc. Il répond calmement : « Eh bien, laissez-les choisir, je ne veux pas partager. » Dès sa sortie, le film connaît un succès sans rééditer les partitions du Parrain. Mais Apocalypse maintenant acquiert le statut d’une œuvre monstre, d’un voyage sur la guerre et plus encore sur la guerre comme spectacle, comme mensonge. Coppola est propriétaire de ses imperfections. “Faire un film, c’est comme faire un bon vin, il a dit. Vous avez beaucoup de raisins, certains sont trop mûrs, d’autres pas assez, il y en a qui n’ont pas assez de sucre, mais avec la sueur du vigneron, on fait enfin un grand vin. »

2007 – Tétro

Après un premier retour peu mémorable à Cannes en 1989 pour Histoires de New Yorkfilm à sketches réalisé avec Martin Scorsese et Woody Allen, Coppola remet les pieds sur la Croisette en 2007 avec Tétro. Le film marque une nouvelle étape dans l’exil du réalisateur loin d’Hollywood. Tourné à Buenos Aires, en numérique et en noir et blanc, il s’inspire de l’histoire personnelle de Coppola et montre un jeune homme (Vincent Gallo) à la recherche de son frère disparu sans laisser d’adresse. La rédemption d’un auteur raté sous les auspices de Borges. Pour l’occasion, Coppola préfère faire profil bas, préférant la Quinzaine des cinéastes à la sélection officielle, où il était revenu en 2001 pour présenter en grande pompe Apocalypse maintenant Redux, une nouvelle version de sa palme d’or. Tel un peintre retouchant sans cesse sa toile, le cinéaste n’aura de cesse de la remettre sur la table de montage. Apocalypse maintenant. Une troisième version inédite et restaurée sortira en salles en 2019, 40 ans après sa Palme d’Or. Les propos de Coppola lors de la conférence de presse de 1979 me reviennent alors à l’esprit : « Mon film n’est pas un film. Il ne parle pas du Vietnam, il est le Vietnam. Sa trajectoire reflète celle de l’Amérique au Vietnam. On avait trop d’argent, trop de matériel et petit à petit on est devenu fou. » La folie de Coppola a fait sa grandeur et sa chute. Mégalopole, rebond ou profondeur ? Réponse fin mai.

 
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