Lithium : ruée vers l’or blanc

Perché à 3.600 mètres d’altitude, dans le sud-ouest de la Bolivie, le salar d’Uyuni recèle un fabuleux trésor : 21 millions de mètres cubes de lithium, soit 40% des réserves mondiales de ce métal dont dépend l’avenir de l’industrie automobile.

Si la production bolivienne se limite encore aux quelques tonnes sortant de la petite usine de Llipi, les salars du voisin chilien tournent, eux, à plein régime. Les bassins d’évaporation des saumures pompées dans le sous-sol s’y étendent à perte de vue.

Après quelques semaines, il ne restera que du chlorure de lithium prêt à rejoindre les usines chinoises pour être transformé en carbonate de lithium et alimenter les chaînes de fabrication de batteries.

Si le Chili et l’Australie produisent les trois quarts du lithium mondial, Pékin concentre l’essentiel de la filière… et de la valeur ajoutée. Au grand dam de l’industrie automobile et des gouvernements européens.

Après le pétrole, l’Europe doit composer avec sa dépendance au lithium. Pour y remédier, des projets d’exploitation émergent sur le continent, au Portugal et en Allemagne notamment.

En France, une filière semble se mettre en place, avec plusieurs gisements identifiés dans le Massif central, en Bretagne et en Alsace.

Le projet le plus prometteur se trouve près d’Échassières, dans l’Allier. Imerys prévoit d’y extraire du lithium à partir de 2028, avec un objectif de 34.000 tonnes d’hydroxyde de lithium par an, de quoi équiper en batteries 700.000 véhicules électriques.

Et assurer 1.000 à 1.600 emplois directs et indirects. Le groupe doit toutefois rassurer sur l’impact environnemental du projet.

Il promet une exploitation 100% souterraine pour limiter les nuisances sonores et les poussières, l’utilisation d’engins électriques pour l’extraction et le concassage du minerai et un acheminement des micas vers l’usine de traitement via des canalisations de manière à éviter l’afflux de camions sur les routes de cette zone rurale.

Enfin, Imerys s’engage à traiter ou réutiliser une large part des 1,8 million de mètres cubes d’eau annuels nécessaires aux opérations d’extraction et de transformation.

Ces mesures pourraient faire du lithium d’Échassières l’un des plus propres au monde, avec des émissions de CO2 inférieures de moitié aux mines australiennes et une consommation d’eau 5 à 15 fois inférieure aux salars chiliens.

Cet atout séduit les constructeurs automobiles, en quête de lithium «propre». En juin 2022, Stellantis entrait au capital de Vulcan, une entreprise australienne qui développe des technologies d’extraction sans recours aux énergies fossiles.

Un premier site devrait ouvrir en 2026 dans la vallée du Rhin, en Allemagne, et déboucher sur la livraison du premier lithium zéro carbone. Face à l’urgence climatique, l’or blanc a d’autant plus de valeur s’il est vert !

La production de lithium a bondi de 34.000 à 180.000 tonnes en dix ans⁽¹⁾. Cette hausse s’explique principalement par les besoins croissants en batteries des constructeurs automobiles, engagés dans un processus d’électrification à marche forcée de leurs gammes.

Entre 2013 et 2023, les ventes mondiales de véhicules électrifiés – 100% électriques ou hybrides rechargeables – sont passées de 91.000 à 14 millions d’unités, et constituent désormais 20% du marché. Une proportion appelée à augmenter d’ici à 2030.

Le centre d’études Rocky Mountain Institute estime que ces modèles compteront pour les deux tiers des ventes totales d’ici à 2030. Une aubaine pour les acteurs de la filière lithium puisque les batteries automobiles représentent 80% de la consommation d’or blanc (une part appelée à grimper à 95% à la fin de la décennie, selon un rapport de McKinsey & Company).

Si des gisements de lithium ont été découverts un peu partout dans le monde, cinq pays concentrent aujourd’hui 99% de la production mondiale, plus des trois quarts de ce métal provenant des mines australiennes et des salars du Chili.

Une grande partie des ressources connues se trouve en Amérique du Sud, dans une région baptisée le triangle du lithium, partagée entre l’Argentine, le Chili et la Bolivie.

D’immenses lacs de sel abriteraient 80% des réserves mondiales de lithium. La Bolivie tarde toutefois à exploiter ses immenses ressources, faute d’infrastructures et d’investissements suffisants. Une découverte récente pourrait rebattre les cartes.

Une étude publiée dans Science Advances fait état de la découverte d’un gigantesque gisement de lithium aux États-Unis, où le méga volcan caldeira McDermitt renfermerait 120 millions de tonnes de lithium, quatre fois plus que la Bolivie, le Chili et l’Argentine réunis !

(1) Source : US Geological Survey.