Delphine Delas de retour à Menton entre onirisme et grand bleu - Var-Matin

Delphine Delas de retour à Menton entre onirisme et grand bleu

Déjà venue en octobre, l’artiste qui avait fait deux collages sur l’hôtel Les Arcades investit de nouveau la ville de Menton avec trois œuvres. Référence à des grands noms qui l’ont marquée.

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Alice Rousselot Publié le 13/05/2024 à 20:23, mis à jour le 13/05/2024 à 20:23
La Bordelaise s’attache à proposer un art délicat, et à ne rien altérer. Photo A.R.

Au premier abord, le point commun entre Jean Cocteau, Aubrey Beardsley et un homme dans l’eau n’est pas des plus évidents. Pour qui connaît la vie des deux artistes, il y a bien sûr Menton (*). Mais pas seulement. Un autre fil rouge unit depuis peu les trois figures. En la personne de Delphine Delas, qui vient de consacrer trois œuvres sur ces trois thèmes… à Menton.

Venue pour la première fois dans la cité des citrons en octobre dernier, apposant alors deux collages sur la façade de l’ancien hôtel Les Arcades, l’artiste originaire de Bordeaux avait promis – telle un Terminator des arts – qu’elle reviendrait. Serment qu’elle aura pris moins d’un an à accomplir.

Le jour J, l’intéressée arrive sur la place de la mairie avec son kit de travail. Trois grands rouleaux de papier sous le bras, un sac rouge à l’effigie du film d’animation "J’ai perdu mon corps" dans l’autre. Delphine Delas en sort aussitôt deux bouteilles d’eau, une brosse, et un paquet de colle à papier peint. Faute de seau pour réaliser le mélange nécessaire à la fixation des œuvres, une vieille poubelle fera l’affaire.

Première étape: les Arcades. Pour un acte II. Sur place, les collages inauguraux n’ont pas résisté aux mois passés. L’un est en partie déchiré; l’autre usé par le temps. L’occasion de réinvestir l’un des panneaux du chantier est trop belle – d’autant que l’entreprise avait déjà donné son autorisation à l’automne. Delphine Delas dégaine sa brosse et barbouille le bois de colle. Ne reste plus qu’à poser le dessin XXL et à le brosser pour qu’il soit parfaitement ajusté. En n’hésitant pas – par moments – à se hisser sur la pointe des pieds pour atteindre les surfaces les plus hautes.

Coup de foudre pour Menton

Depuis quelques jours, Jean Cocteau observe "son" musée fermé depuis la tempête Adrian. Photo A.R..

La Bordelaise l’assume: elle "colle" à toute heure. "À Paris, je le fais de jour. Les flics passent à côté et ne me disent rien. C’est rare que je me fasse engueuler. Il faut dire que ce n’est que du papier…" Delphine Delas admet de la même manière avoir "flashé" sur Menton quand elle y est arrivée à la Toussaint, en quête de Soleil. "Il n’y avait rien en termes d’art urbain, ça m’a surprise", glisse l’artiste. Elle qui travaille avec le souci de ne rien altérer. Et affiche une approche respectueuse des lieux. "La dernière fois, on m’avait conseillé un fond bleu derrière le marché. Mais on sent parfois que des bâtiments sont chargés d’histoire et que ce n’est pas adapté. Je n’ai pas envie de mettre ma patte par mégalomanie", souligne celle qui a fait ses armes à Barcelone, prenant vite goût à l’espace public.

Delphine Delas précise ne pas faire du tag. Mais un art plus poétique. Plus délicat. Plus circonstancié, aussi. "Je cherche à chaque fois un contexte, un lieu. Pour moi, l’écrin autour donne une force. Coller pour coller, ça ne m’intéresse pas." Son homme dans l’eau est à peine fixé qu’une petite à trottinette s’arrête quelques instants pour l’observer. Suivie d’un homme qui se sent obligé de justifier sa lenteur auprès de ses proches par le fait de regarder l’œuvre qui vient d’être collée. "Ces dessins, je les ai faits exprès pour Menton quelques jours avant de venir", indique-t-elle. Reprenant ses affaires pour se diriger vers un autre ancien hôtel: Le Mondial. Là, trône un panneau d’affichage sous verre laissé vacant. Juste à côté des – très photogéniques – reproductions de Mucha qui ornent le bâtiment esquinté.

Œuvres éphémères

Delphine Delas a ignoré pendant longtemps que l’illustrateur Aubrey Beardsley était enterré à Menton. Photo A.R..

Prenant en main son deuxième dessin, l’artiste s’exclame: "C’est là qu’il doit être". Bien consciente, néanmoins, que les fruits d’une telle pratique sont éphémères. "On ne sait jamais combien de temps ça tiendra. Parfois juste une nuit…" Le collage laisse cette fois-ci apparaître un portrait d’Aubrey Beardsley, dont Delphine Delas est une très grande fan. Bien qu’elle ait ignoré pendant longtemps que le jeune tuberculeux s’était éteint dans la Perle de la France.

Pourquoi avoir encore choisi l’azur comme couleur? La Bordelaise sourit. "J’ai un délire avec le bleu. J’essaie aussi de travailler avec d’autres couleurs mais en street art on a besoin d’une signalétique." Un trait, une teinte, un style qui permette d’être reconnu au premier coup d’œil. "À Paris, je fais du bleu, du bleu, du bleu pour être reconnaissable. Pour l’anecdote, j’ai croisé un jour le styliste (Jean-Charles de) Castelbajac dans le train. Il est souvent associé à la couleur mais moi j’aime surtout son dessin. Je lui avais écrit peu de temps avant pour lui montrer mon travail. À la suite de notre petit échange dans le train, il m’a envoyé un message. Il me disait que le bleu était ma signature et qu’il fallait que je continue. Il m’avait aussi conseillé de me discipliner pour être identifiable. C’est souvent le risque quand on est pluridisciplinaire. Alors depuis un an et demi, deux ans, je fais principalement des personnages bleus, des êtres mêlés à la nature", indique-t-elle. Mentionnant sa passion pour les métamorphoses d’Ovide, le mythe de la transformation.

Passion pour Cocteau

Son troisième collage, c’est à Cocteau – dont elle aime profondément "les lignes claires" – qu’elle le dédie. Sous forme d’un portrait fusionnant avec un dessin de facture coctalienne. Après une petite hésitation, le choix est fait de donner à cette dernière création un espace à proximité du musée consacré à l’artiste polymorphe. Aux abords du parvis, une porte noyée dans la végétation prend justement des airs de page blanche à remplir. Ce Cocteau-là n’a même pas encore séché que son regard donne l’impression d’être rivé sur le bâtiment à l’abandon depuis la tempête Adrian. À moins qu’il ne soit dans l’attente d’un acte III. Pourquoi pas. "La première fois, je suis venue à Menton avec deux collages. La deuxième, avec trois. Peut-être que pour la prochaine, j’en aurai quatre…"

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