Cinéma : ils vont faire Cannes 2024

Greta Gerwig en présidente, des auteurs américains et européens en nombre, un grand classique… Pendant quinze jours, stars et jeunes espoirs ravivent la flamme du 7e art.
George Lucas, Meryl Streep et Francis Ford Coppola.
George Lucas, Meryl Streep et Francis Ford Coppola. (Crédits : LTD / FAMEFLYET/BESTIMAGE C.FLANIGAN/IMAGEPACE/ZUMA/BESTIMAGE)

En marge des rumeurs sur d'éventuelles révélations MeToo, quels enthousiasmes, déceptions ou scandales feront donc vibrer la Croisette cette année ? En avril, Thierry Frémaux, le délégué général du 77e Festival de Cannes, qui se déroulera du 14 au 25 mai, l'espérait plutôt « pacifique, pacifié et joyeux ». C'est l'enjeu chaque année de ce rendez-vous presque octogénaire, qui sera à nouveau l'épicentre du cinéma mondial pendant quinze jours : apporter sa dose de glamour sur le tapis rouge, de frissons et de chocs sur les écrans, et montrer qu'il mène toujours la danse en matière de production cinématographique mondiale, n'en déplaise aux festivals de Venise, de Berlin ou de Toronto, ses « concurrents ».

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Le défi consistera à renouveler malgré tout l'exploit de l'année dernière. Après plusieurs éditions tourmentées par la crise du Covid, la précédente avait non seulement couronné Justine Triet pour Anatomie d'une chute mais restera comme l'année de tous les records : 220 000 entrées, 14 000 professionnels au marché du film, un record d'audience pour France 2 (3,2 millions de téléspectateurs pour la cérémonie de clôture). Neuf films de la sélection ont ensuite reçu 26 nominations aux Oscars, deux d'entre eux remportant trois statuettes...

Le cru 2024 s'annonce sous le signe du grand retour du cinéma américain, libéré de la grève qui a paralysé sa production l'année dernière : on verra le nouvel opus de l'octogénaire Francis Ford Coppola, Megalopolis ; on décernera une Palme d'honneur à l'iconique Meryl Streep ainsi qu'au père de La Guerre des étoiles, George Lucas ; on verra Kevin Costner en tant que réalisateur, ainsi que des blockbusters comme Furiosa, le nouveau Mad Max de George Miller, et le très attendu Comte de Monte-Cristo d'Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte, avec Pierre Niney. Le Grec Yorgos Lanthimos, le Canadien David Cronenberg, l'Américain Paul Schrader concourront pour décrocher la Palme d'or, ainsi que les Français Jacques Audiard, Gilles Lellouche, Christophe Honoré, Michel Hazanavicius et Agathe Riedinger... Même si l'on peut déplorer que, sur les 22 films en compétition, quatre seulement soient réalisés par des femmes.

Tous devront conquérir le jury présidé par Greta Gerwig, ancienne égérie du cinéma d'auteur américain devenue cheffe de file des réalisateurs de blockbusters depuis le succès de son Barbie. Elle est à la tête d'un jury paritaire où figurent Omar Sy, Lily Gladstone, Eva Green ou Hirokazu Kore-eda. Mardi soir, Camille Cottin, la maîtresse des cérémonies, lancera un Festival plus que jamais entre paillettes et réalité.

Des jurés à la manœuvre

Présidente du jury à Cannes, voilà un beau rôle pour la réalisatrice du blockbuster Barbie (avec Margot Robbie et Ryan Gosling), qui a fait d'elle la première femme dont le film atteint le milliard de dollars de recettes au box-office américain. Actrice, Greta Gerwig s'est fait connaître comme metteuse en scène dans la catégorie films d'auteur avec Lady Bird, avant que Les Filles du docteur March, avec Emma Watson, Timothée Chalamet et Meryl Streep, ne la téléporte dans des productions plus grand public. Depuis Barbie, elle a tourné deux opus de la saga Le Monde de Narnia pour Netflix... À 40 ans, Greta Gerwig réconciliera-t-elle scène indépendante et spectacle hollywoodien ? Elle sera entourée d'un jury de quatre femmes et quatre hommes, parmi lesquel(le)s des acteurs - l'Américaine Lily Gladstone (rôle féminin principal de Killers of the Flower Moon de Scorsese) et les Français Eva Green et Omar Sy - et des réalisateurs - la Libanaise Nadine Labaki, l'Espagnol Juan Antonio Bayona et le Japonais Hirokazu Kore-eda. Ils décerneront la Palme d'or et les six autres récompenses le 25 mai lors de la cérémonie de clôture. C'est par ailleurs l'actrice Emmanuelle Béart qui remettra le prix de la Caméra d'or, qui distingue une première œuvre, et le réalisateur Xavier Dolan (Mommy) qui sera à la tête du jury d'Un certain regard, autre déclinaison de la sélection officielle. C.L

Greta Gerwig, Xavier Dolan et Emmanuelle Béart

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Paillettes sur tapis rouge

Dès le premier soir, les marches du Palais des festivals verront défiler une pléiade de stars en tenue de soirée pour la projection en ouverture, après la cérémonie, du Deuxième Acte de Quentin Dupieux, avec Léa Seydoux, Vincent Lindon, Raphaël Quenard et Louis Garrel. On verra certainement aussi Chiara Mastroianni et sa mère Catherine Deneuve fouler le tapis rouge pour un sujet cher aux deux actrices : le film de Christophe Honoré Marcello mio, sur lequel plane le fantôme de Marcello Mastroianni. Jacques Audiard défendra son Emilia Perez, un film sur un changement de sexe sur fond de cartels de la drogue mexicains, avec les actrices Selena Gomez et Zoe Saldaña, tandis que Gilles Lellouche présentera L'Amour ouf avec Adèle Exarchopoulos et François Civil. La Croisette accueillera également Emma Stone, Diane Kruger, Vincent Cassel, Pierre Niney, Noémie Merlant, Daniel Auteuil, ainsi que Richard Gere et Uma Thurman, tous les deux dans le dernier opus de Paul Schrader. Glamour garanti. C.L

Léa Seydou

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Une maîtresse des cérémonies mais peu de réalisatrices

L'héroïne de l'iconique Connasse sur Canal+ fraie désormais avec Hollywood et partage même son café avec George Clooney et Jean Dujardin dans les publicités Nespresso ! On n'arrête plus l'actrice Camille Cottin, que l'on a vue récemment aux côtés de Benjamin Biolay dans Quelques Jours pas plus et qui succédera à Chiara Mastroianni en tant que maîtresse des cérémonies d'ouverture et de clôture du Festival, les 14 et 25 mai. Une femme maîtresse des cérémonies et une autre présidente du jury, il fallait bien cela pour compenser le fait que seulement quatre films sur les 22 en compétition sont réalisés par des femmes. Parmi elles, l'Indienne Payal Kapadia pour son deuxième long métrage, All We Imagine as Light, mais aussi les Françaises Agathe Riedinger - pour son premier opus, Diamant brut - et Coralie Fargeat - avec The Substance, un film de genre avec Demi Moore produit aux États-Unis. On verra aussi le nouveau Claire Simon, Apprendre, en séance spéciale. Une autre sera consacrée à la grande cinéaste Chantal Akerman, alors que l'actrice et réalisatrice Noémie Merlant présentera son dernier film, Les Femmes au balcon, en séance de minuit, en attendant de la découvrir cette année dans le remake féministe d'Emmanuelle réalisé par Audrey Diwan. La Quinzaine des cinéastes rendra hommage à Sophie Fillières, décédée en 2023 à 58 ans, en présentant son ultime œuvre, Ma vie ma gueuleC.L

Camille Cottin

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Leur première fois

Grâce au succès rencontré par Le Grand Bain, on savait que l'acteur Gilles Lellouche était également un réalisateur. Avec L'Amour ouf, il franchit une étape supplémentaire en intégrant le cercle très fermé des films en compétition pour la Palme d'or. Soit un face-à-face amoureux entre Adèle Exarchopoulos et François Civil où l'on croise également Alain Chabat, Benoît Poelvoorde et Vincent Lacoste, entre autres. Cannes raffole de ces « premières fois », comme le prouve l'existence de la Caméra d'or, récompense précisément octroyée à une première œuvre. Cette année, un seul film de la compétition pourra à la fois prétendre à la Palme d'or et à la Caméra d'or : Diamant brut, de la Française Agathe Riedinger, l'histoire d'une jeune fille qui passe un casting pour une émission de télé-réalité. Mais d'autres premières œuvres seront présentes au sein des sélections parallèles et notamment celles de trois actrices talentueuses qui passent ainsi derrière la caméra : Laetitia Dosch avec Le Procès du chien, Ariane Labed et son September Says, ainsi que Céline Sallette pour Niki. Sans oublier deux longs-métrages « régionaux » : Le Royaume, de Julien Colonna, qui se situe intégralement en Corse, et Vingt Dieux, de Louise Courvoisier, qui se déroule dans le Jura. Enfin, dans un tout autre registre, ce sera aussi une première pour la Compétition immersive, une sélection de films qui utilisent la réalité virtuelle et augmentée pour nous transporter dans d'autres corps, d'autres mondes et d'autres époques. Tout nouveau, tout beau : à suivre donc. A.C

Vincent Lacoste et Gilles Lellouche

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Le retour des Américains

Après la plus longue grève des scénaristes et des acteurs de son histoire, Hollywood revient sur le tapis rouge cannois avec des noms légendaires. Francis Ford Coppola, 85 ans, deux Palmes d'or, père de la trilogie du Parrain, de Dracula et d'Apocalypse Now, est annoncé sur la Croisette pour un comeback fracassant et risqué : il présentera Megalopolis, un film pharaonique de science-fiction qu'il a (presque) autoproduit, à hauteur de 120 millions de dollars. Soutenu par un beau casting (Adam Driver, Dustin Hoffman, Shia LaBeouf...), le film raconte l'histoire de la reconstruction d'une mégapole futuriste qui a été ravagée par une catastrophe. Coppola croisera peut-être à Cannes son compatriote Paul Schrader, scénariste et réalisateur qui a collaboré avec les plus grands (Pollack, Scorsese, De Palma, Spielberg) et qui présente en compétition Oh, Canada, avec Richard Gere et Uma Thurman. Le grand spectacle est attendu dès la première semaine avec la projection hors compétition de Furiosa - Une saga Mad Max, de George Miller. Ce cinquième opus est une préquelle de Mad Max - Fury Road, sorti en 2015, et se concentre sur le personnage de Furiosa, incarnée par Anya Taylor-Joy, qui succède à Charlize Theron. L'acteur et réalisateur de Danse avec les loups Kevin Costner nous revient devant et derrière la caméra avec le premier volet d'une tétralogie : un western épique intitulé Horizon - Une saga américaine, avec Sienna Miller, Sam Worthington et Jena Malone (hors compétition). Mais ce n'est pas tout, puisque deux Palmes d'honneur seront remises à des figures incontournables du cinéma américain : une pour l'incontournable actrice Meryl Streep, qui est l'invitée de la cérémonie d'ouverture, et l'autre pour le père de La Guerre des étoiles et d'Indiana Jones, George Lucas. C.L

George Lucas, Meryl Streep et Francis Ford Coppola

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L'Europe du cinéma

À quelques semaines du scrutin européen, le Festival de Cannes affiche, outre les Français, une belle brochette de cinéastes du Vieux Continent, prouvant ainsi la vitalité artistique du 7e art dans cette région du monde. Cette année, le chef de file pourrait en être l'Italien Paolo Sorrentino, grand habitué cannois depuis son deuxième film, Les Conséquences de l'amour, en compétition en 2004 pour la Palme d'or tout comme le seront six autres de ses œuvres dont La grande bellezza en 2013. Sa nouvelle réalisation s'intitule Parthenope et réunit Gary Oldman, Isabella Ferrari et Stefania Sandrelli pour raconter la vie d'une femme sur plusieurs décennies, entre Capri et Naples. Le sulfureux cinéaste grec Yorgos Lanthimos et sa muse Emma Stone (Kinds of Kindness), le surprenant Portugais Miguel Gomes (Grand Tour) ou bien encore le jeune Suédois Magnus von Horn (La Jeune Femme à l'aiguille) démontrent la diversité de la représentation européenne au sein de la compétition officielle. Des Européens, oui, mais seulement une femme : la Britannique Andrea Arnold, qui a décroché à trois reprises déjà le prix du jury pour Red Road, Fish Tank et American Honey. Avec Bird, elle concourt de nouveau pour la récompense suprême. Le cinéma roumain sera lui aussi présent avec Nasty, hors compétition, un documentaire de Tudor Giurgiu, Tudor D. Popescu et Cristian Pascariu consacré à leur iconique compatriote le joueur de tennis Ilie Nastase. Si certains doutent de l'existence d'une Europe de la culture, ils trouveront à Cannes cette année de belles réponses à leurs inquiétudes. A.C

Paolo Sorrentino

©LTD / JULIEN REYNAUD/APS-MEDIAS/ABACA

L'équipe de France

Le réalisateur de « Dheepan », Palme d'or en 2015, n'est pas à un paradoxe près : Jacques Audiard, de nouveau en compétition, propose cette fois une comédie musicale, mise en musique par la musicienne et chanteuse Camille, qui raconte l'histoire d'une jeune avocate qui aide le chef d'un cartel mexicain à changer de sexe. C'est peu dire que les festivaliers attendent avec impatience de découvrir ce film précédé d'une réputation sulfureuse. Toutes sections confondues, la sélection officielle compte ainsi une trentaine de cinéastes français parmi les 80 auteurs présents. Les « habitués » comme Arnaud Desplechin, Christophe Honoré, Leos Carax et Michel Hazanavicius côtoient des consœurs et des confrères moins aguerris. Tels Daniel Auteuil, qui dans ses habits de réalisateur signe, avec Le Fil, son cinquième long-métrage, et Noémie Merlant proposant sa deuxième réalisation, Les Femmes au balcon, présentée en séance de minuit, qui est, comme on le sait, sinon l'heure du crime du moins celle des frissons assurés. D'autres font leur grand retour sur la Croisette et monteront les marches du Palais des festivals : les frères Larrieu, avec Le Roman de Jim, tout comme Alain Guiraudie pour Miséricorde. Des anciens et des nouveaux, des réalisatrices (au nombre de 10) et des réalisateurs : le cinéma français vu de Cannes affiche une belle palette. Sans oublier une dimension grand public revendiquée et qu'apporte Le Comte de Monte-Cristo adapté et réalisé par Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte. A.C

Jacques Audiard

LTD / AURORE MARECHAL/ABACA

Un monument presque centenaire

Et si le film le plus étonnant, le plus original et le plus fou de cette édition cannoise nous venait tout droit de 1927 ? C'est en préouverture, le mardi 14 mai à 14 heures, que les plus chanceux des festivaliers pourront découvrir les trois premières heures du Napoléon d'Abel Gance (qui en compte plus de sept dans sa version intégrale), qu'une titanesque entreprise de restauration vient de faire renaître. Cette première projection annonce celles qui au mois de juillet présenteront à Paris puis à Montpellier la totalité de l'œuvre. On pourra alors voir se déployer sur trois écrans géants et en présence des deux orchestres et du Chœur de Radio France la fresque historique conçue par Abel Gance, avec dans le rôle-titre un acteur fascinant, Albert Dieudonné. Plus de quatre cents minutes d'images somptueuses et une partition originale de Simon Cloquet-Lafollye, composée à partir de musiques préexistantes (de Mozart jusqu'aux sons des années 1970). Ce géant cinématographique ne doit pas cacher cependant les autres films du patrimoine de la sélection officielle Cannes Classics. On célébrera ainsi les 100 ans de la Columbia, les 40 ans de Paris, Texas, la Palme d'or de Wim Wenders, et on découvrira les versions superbement restaurées de L'Armée des ombres de Jean-Pierre Melville et des Sept Samouraïs d'Akira Kurosawa, sans oublier des documentaires inédits sur François Truffaut, Michel Legrand et Elizabeth Taylor. De quoi nourrir les cinéphiles les plus exigeants. A.C

Napoléon

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