Chroniques du Cinéphile Stakhanoviste: Shogun’s Samourai - Yagyū ichizoku no inbō, Kinji Fukasaku (1978)
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mercredi 22 mai 2024

Shogun’s Samourai - Yagyū ichizoku no inbō, Kinji Fukasaku (1978)


 Le shogun Hidetada est retrouvé mort, empoisonné. Ses fils, Iemitsu et Tadanaga, se livrent une guerre de succession acharnée. Le shogunat est en jeu, et le mentor d'Iemitsu est prêt à tout pour assurer la succession de son seigneur. Autour d'eux, le Japon se divise plus que jamais entre ralliements et trahisons.

Shogun’s Samourai est une des productions les plus ambitieuse et nantie de Kinji Fukasaku. Le film amorce un virage plus éclectique pour le réalisateur après des années 70 de hautes volées où il enchaîne les chefs d’œuvres dans sa déconstruction de la figure du yakuza avec la saga Combats sans code d’honneur (cinq films puis une trilogie) et des diamants noirs comme Guerre des gangs à Okinawa (1971),  Okita le pourfendeur (1972), Le Cimetière de la morale (1975), Police contre Syndicat du crime (1976). Il va élargir son registre dans les années suivantes notamment sur le space opera Les Evadés de l’espace (1978) ou le film catastrophe Virus (1980), mais plus spécifiquement sur le jidai-geki avec Shogun’s Samourai. Ce dernier en est un pendant rigoureux et réaliste quand des œuvres plus tardives s’avéreront plus extravagantes comme Samurai Reincarnation (1981) ou La Légende des huit samouraïs (1983).

Le point de départ de Shogun’s Samourai repose sur une base historiquement avérée, à savoir la rivalité entre les deux frères Iemitsu (Hiroki Matsukata) et Tadanaga (Teruhiko Saigo), en lutte pour la succession de leur père Tokugawa Hidetada et le pouvoir du shogunat. Le scénario retombe sur ses pattes réalistes lors de la conclusion, tout en ayant suggéré dans l’attitude des personnages et une voix-off omnisciente que l’histoire officielle est une relecture des évènements auxquels nous avons assisté. Fukasaku travaille un mélange de clarté et de confusion dans son récit, en dressant une hiérarchie claire des forces en présences, tout en nous perdant dans la multitude des protagonistes affectés par les ambitions des puissants.

Yagyū Tajima (Kinnosuke Nakamura), maître d’armes et éminence grise de Iemitsu, va ainsi manœuvrer pour faire miroiter le pouvoir au fils mal-aimé et le dresser contre son frère. Tournant les imprévus à son avantage, anticipant les mouvements adverses par son talent de stratège et n’hésitant jamais à faire des victimes collatérales au sein de sa famille, des alliés ou des innocents, c’est un monstre dévoué au prestige Tokugawa. Fukasaku nous promène des hautes sphères à la petite main que sont les soldats, l’entre-deux étant représenté par des samouraïs servant leur maître ou des ambitions personnelles. Le casting prestigieux (Sonny Chiba, Tetsuro Tamba, Toshiro Mifune…) et les jeunes pousses charismatiques (Hiroyuki Sanada) permettent de trouver ses repères dans le large spectre social parcouru par le film, les intrigues de palais s’entrecroisant aux batailles spectaculaires, aux joutes plus intimistes et aux pièges raffinés.

Fukasaku a disposé de moyens considérables et impressionne par le style hiératique avec lequel il illustre l’intimité des complots dans les scènes d’intérieur. A l’inverse, un cinémascope majestueux magnifie la beauté des décors, capture la beauté des paysages naturels et le climat belliqueux en y saisissant à perte de vue les armées et leur innombrables figurants. Le réalisateur ne s’est cependant pas délesté de la nervosité de ses films de yakuzas durant les moments de bravoures. Zooms agressifs, caméra à l’épaule et montage heurté agrémentent les scènes de batailles dans un pur chaos organisé, tandis que les scènes de duels oscillent entre épure et excès. 

Les velléités réalistes n’empêchent pas quelques excès, mais l’ensemble évite pour l’essentiel les penchants plus outrés d’un Baby Cart ou d’un Lady Snowblood. Fukasaku retrouve ici Sonny Chiba qu’il lança au début des années 60. Entre-temps, Chiba est devenu le roi de l’action au Japon avec son école de cascadeur la JAC (Japan Action Club)qui alimente toute l’industrie. Samouraï’s Shogun ne cède donc certes pas au manga filmé et bariolé, mais s’orne de quelques cascades périlleuses où l’on sent indéniablement la patte de la JAC, tel cette impressionnante chute d’une falaise qui verra la disparition tragique de Akane (Etsuko Shihomi) fille de Yagyu. 

Tout cet enchevêtrement de complots de tueries inutiles semble, sous le poids des sous-intrigues et personnages, ne conduire que vers une tyrannie où seuls les faibles sont perdants. Le discours final de Iemitsu parvenu à ses fins est éloquent, de jeune homme gauche dépassé il est passé à un monstre énumérant avec un sentiment revanchard les morts qu’il a semé pour parvenir au pouvoir. Un objectif qui ne semble que conduire à la folie et à la solitude, comme le montrera la cinglante conclusion. Fukasaku dans Samourai’s Shogun marie parfaitement son style rugueux avec la tradition des chambarras les plus socialement vindicatifs des années 60. 

Sorti en bluray français chez Roboto Films

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