Cannes 2024 : qui sont les favoris pour le trophée du meilleur acteur ?
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Cannes 2024 : quels sont les acteurs favoris pour le prix d'interprétation ?

Cinéma

La compétition du Festival de Cannes 2024 n’est pas terminée, mais les acteurs Richard Gere, Jesse Plemons et Ben Whishaw forment déjà de sérieux prétendants au prix d'interprétation. Alors que le jury présidé par Greta Gerwig rend son verdict ce samedi 25 mai, ces trois figures se détachent dans la course pour le titre du meilleur acteur…

Kinds of Kindness par Yorgos Lanthimos (Festival de Cannes 2024), avec Emma Stone, Jesse Plemons, Willem Dafoe, Margaret Qualley, Hong Chau, Joe Alwyn, Mamoudou Athie et Hunter Schafer.

Dans Kinds of Kindness, l'acteur Jesse Plemons vole la vedette aux stars

 

ll y a quelques semaines, c’est derrière des lunettes de soleil rouges et armé d’un fusil semi-automatique que Jesse Plemons crève l’écran dans le Civil War d’Alex Garland. Le soldat nationaliste effroyable qu’il incarne le propulse alors en tête des recherches Google : mais qui est donc ce type aux faux airs de Matt Damon qu’on a déjà vu partout sans vraiment l’identifier? Les cinéphiles le découvrent en 2006. À l’époque, il campe Landry Clarke, joueur de football maladroit de l'équipe des Panthers de Dillon dans la série Friday Night LightsLes années suivantes permettent à l’acteur texan de se construire un CV solide. On l’a vu chez Paul Thomas Anderson (The Master), Steven Spielberg (Pentagon Papers), Jane Campion (The Power of the Dog) et par deux fois chez Martin Scorsese (The Irishman et Killers of the Flower Moon).

 

Cette fois, le fiancé de Kirsten Dunst mène la danse dans les deux premiers volets de Kinds of Kindness, triptyque controversé de 2h45 signé Yórgos Lánthimos. Irréprochable, il vole presque la vedette à ses partenaires de jeu Willem Dafoe et Emma Stone dans cette fable grinçante sur la dévotion et la soumission physique ou psychologique. Employé assujetti, il devient une heure plus tard un flic désemparé après la disparition de sa femme puis parachève sa mue en membre de secte aliéné et mal fagoté. Jesse Plemons est à son aise dans les comédies noires et l’esthétique du beau-bizarre. Peut-être parce qu’on ne l’attache pas encore à un personnage spécifique – voire culte – du cinéma. Peut-être parce que chacun des sourires qu’il esquisse évoquent tout autant la tendresse d’un mari que la démence d’un monstre.

Ben Whishaw dans Limonov, la ballade de Kirill Serebrennikov (Festival de Cannes 2024). © DR.

Dans Limonov – The Ballad, Ben Whishaw joue au caméléon

 

Dans cette adaptation un peu éprouvante du roman à succès d’Emmanuel Carrère paru en 2011 signée Kirill Serebrennikov (auteur notamment du très beau Leto en 2018), l’anglais Ben Whishaw incarne l’écrivain controversé, poète, dissident, sans-abri, domestique, voyou, trafiquant d’armes et finalement soldat russe, décédé en 2020 après une existence aux confins du romanesque et du chaos. Deux pôles que l’acteur maîtrise à merveille, à la fois sardonique, provocateur et véloce, campant ce Limonov comme une rockstar-caméléon échappée du train de l’histoire, capable de n’importe quelle provocation aux fins fonds de la Russie ou dans les rues du New York seventies, quand le punk commençait son œuvre de joie et de destruction.

 

Formé à l’école du théâtre anglais – il a bien sûr joué Hamlet -, Ben Whishaw s’est fait connaître du grand public avec la saga James Bond, interprétant le rôle de Q dans Skyfall (2012), Spectre (2015) et No Time to Die (2021). Parmi ses faits d’armes, il a eu le bon goût d’apparaitre dans Cloud Atlas (2012) des sœurs Wachowski  avant de devenir l’un des rares acteurs de premier plan au Royaume-Uni à faire son coming out gay. Vu également dans la série Fargo et dans The Lobster de Yórgos Lánthimos, Wishaw est le type-même du comédien capable de rendre intéressante une ouverture de porte. Un prix cannois ne serait pas volé.

Richard Gere et Uma Thurman dans Oh, Canada de Paul Schrader. © Oh Canada-LLC ARP.

Dans le film Oh, Canada, Richard Gere bouleverse

 

Celles et ceux qui sont restés bloqués dans les années 1980 et 1990 et identifient toujours Richard Gere aux beaux gosses d’American Gigolo et Pretty Woman (deux très bons films au demeurant) devront réviser leur jugement. L’acteur américain désormais septuagénaire a marqué les esprits du festival en retrouvant son complice Paul Schrader pour Oh, Canada, l’adaptation du roman Foregone de Russell Banks. Dans cette méditation sur les regrets, qui explore le schisme entre notre vie rêvée et celle que l’on a vraiment vécu, Gere interprète Leonard Fife, un écrivain et cinéaste atteint d’un cancer en stade terminal. L’occasion pour cet homme en bout de course de se confier devant la caméra d’un ancien étudiant sur son parcours d’intellectuel et d’artiste engagé, des années 1960 révolutionnaires à l’époque contemporaine. Les trous de mémoire rendent l’affaire compliquée, et Gere navigue ce fil entre passé et présent avec une grande agilité.

 

Jacob Elordi est très bon dans les flashbacks sur la jeunesse de Fife, mais Richard Gere bouleverse dans les séquences au présent. Visage fatigué, il s’expose comme jamais devant la caméra de Schrader, qui scrute en gros plan son visage fardé, presque momifié, comme celui d’un ami ou d’un frère. Dans la réalité, l’ancien mari de Cindy Crawford se porte comme un charme malgré une pneumonie en 2023 et vient d’avoir deux enfants. Il reste l’un des rares grands acteurs hollywoodiens à n’avoir jamais été nommé aux Oscars. Si Cannes décidait de le récompenser, une injustice commencerait à être réparée.

 

La 77e édition du Festival de Cannes 2024 a lieu jusqu'au 25 mai 2024.