Émeutes en Nouvelle-Calédonie : « C’est la guerre, poto », colère et angoisse à Nouméa

« C’est la guerre, poto » : à Nouméa, les habitants entre colère et angoisse

REPORTAGE. La Nouvelle-Calédonie a été placée sous état d’urgence en raison de violentes émeutes qui ont fait cinq morts, dont deux gendarmes. Une profonde angoisse a envahi Nouméa.

Par Gabriel Page, à Nouméa

L'armée a été déployée en Nouvelle-Calédonie, secouée par de violentes émeutes depuis plusieurs jours.  
L'armée a été déployée en Nouvelle-Calédonie, secouée par de violentes émeutes depuis plusieurs jours.   © NICOLAS JOB/SIPA

Temps de lecture : 3 min

Des rues désertes au matin malgré la levée du couvre-feu nocturne. Dans le centre de Nouméa, les grilles des magasins et les stores des boutiques sont baissés. Une femme s'apprête à sortir de chez elle, elle regarde à gauche, regarde à droite. Si, pour l'instant, les émeutes ont lieu dans l'agglomération de la capitale calédonienne, l'angoisse s'est emparée des habitants. Depuis le début des émeutes dans l'archipel français du Pacifique, cinq personnes ont été tuées, dont deux gendarmes.

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Quatre camions blindés de l'armée viennent de passer. Dans chaque camion, une dizaine de militaires. Des hélicoptères survolent la capitale, à basse altitude.

Des barricades faites de carcasses de voitures calcinées et d'objets de plastique ont été érigées dans les quartiers nord et est du Grand Nouméa. Quand les forces de l'ordre ne quadrillent pas le terrain, elles se postent devant les bâtiments publics. Les magasins ont été en majorité pillés, voire brûlés. Des axes routiers sont détruits.

Les habitants érigent leurs propres barricades pour se protéger

Face aux violences, des groupuscules descendent dans les rues, armés jusqu'aux dents, avec l'objectif de faire justice eux-mêmes, malgré l'interdiction du port d'armes. Ces milices affirment vouloir empêcher les manifestants de casser, piller, brûler. « C'est la guerre, poto, confie un milicien dans un message. On a pris les armes chez moi. Pas le choix. »

Barrage dans le quartier de la Vallée-des-Colons à Nouméa, où les habitants se relaient pour monter la garde et assurer la sécurité du voisinage.
©  Gabriel Page
Barrage dans le quartier de la Vallée-des-Colons à Nouméa, où les habitants se relaient pour monter la garde et assurer la sécurité du voisinage. © Gabriel Page
Dans le quartier de la Vallée-des-Colons, des habitants se munissent de palettes, de grillages et d'autres matériaux pour former des barrages. Au détour d'une rue, trois riveraines discutent. « Je ne me sens pas spécialement en sécurité. Je suis atterrée, commence l'une d'elles. Heureusement, l'entraide entre voisins aide à renforcer la sécurité. »

« La situation était connue du citoyen lambda depuis des semaines, assure une autre riveraine. Les politiques de tous bords, et je dis bien de tous bords, ont jeté de l'huile sur le feu. » Elle marque une pause avant de poursuivre, la voix tendue : « On se sent abandonnés et le seul truc positif que je trouve dans cette situation, c'est que l'on est en train de créer un vrai peuple calédonien, parce qu'il y a une véritable solidarité, toutes ethnies confondues. Ils voulaient nous diviser, eh bien, ils ont raté. »

Au Quartier latin à Nouméa, le McDonald fermé, avec au loin une colonne de fumée provenant d'affrontements.
©  Gabriel Page
Au Quartier latin à Nouméa, le McDonald fermé, avec au loin une colonne de fumée provenant d'affrontements. © Gabriel Page
Dans le quartier, les barricades se succèdent à chaque croisement. Dès que quelqu'un passe, les habitants passent la tête par la fenêtre pour vérifier que ce ne soit pas un émeutier.

Des habitants terrés chez eux

Si certains protègent les rues, d'autres restent confinés, par peur de sortir. C'est le cas de Laura, une Nouméenne de 32 ans. « Je me sens désemparée. Je suis en colère, en colère de voir mon pays en train de se détruire. Je me sens triste parce qu'il y a eu des morts. »

« C'est une situation complètement inédite pour moi, je suis perdue. Je me sens complètement impuissante vu l'ampleur que ça a pris », poursuit la jeune femme. Pour se protéger, elle s'est enfermée. « J'avais fait quelques courses avant que tout cela ne se passe, donc j'ai quelques réserves pour les trois prochains jours. J'ai mis des meubles et un frigo devant ma porte d'entrée pour éviter les intrusions et je m'occupe comme je peux. Je prends surtout des nouvelles de ma famille qui n'habite pas dans le même quartier. »

Laura est influenceuse. Elle utilise ses réseaux sociaux pour partager des images que ses abonnés lui envoient, tout en rappelant l'importance de bien s'informer avec des sources fiables. Elle reçoit depuis soixante-douze heures maintenant de nombreuses menaces de mort. « J'ai reçu “on va venir chez toi… te chercher… te violer et te couper la tête”. »

Dès 16 heures à Nouméa, en raison de l'état d'urgence, les rassemblements sont interdits dans la capitale et son agglomération. Le couvre-feu a été prolongé, les Nouméens sont sommés de rester chez eux de 18 heures ce soir jeudi 16 mai jusqu'à 6 heures du matin demain, vendredi 17 mai.

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Commentaires (31)

  • Râleur & fainéant

    Indépendance ? Oui, on s'en va mais avec dans nos bagages "notre repentance", nos concitoyens qui veulent rester et être Français... Sans oublier notre chéquier et notre porte monnaie ?!
    De Nouvelle Calédonie, de Corse, de Mayotte où nos chers (pour ce qu'ils nous coûtent) Comoriens devenus indépendants sauf pour ce qui les arrange, migrent à tout va !
    Bien sûr je suis méchant et mal pensant donc... Modération ou censure ?
    Pourtant ? Reste également que tout n'est pas à mettre sur le compte des actuels président et gouvernement, les prédécesseurs n'ont pas fait mieux voire pire ?!
    cdt.

  • Ya... Maar Nat...

    Semble bien télécommandé... Les Canaques n'ont pas mesuré les risques de la voie où ils veulent s'engager. L'exemple de Hong Kong n'a pas suffi.

  • agri2

    Ul faudra s'habituer et pas uniquement en NC ou à Mayotte. Mieux vaut preparer le gros sel...