Ce 21 avril, se clôturait la 42ᵉ édition du Festival international du film fantastique de Bruxelles (BIFFF). Le hibou Nabi a eu l’opportunité d’assister à la projection de huit sur onze films coréens projetés, voici son avis.
Retour sur la 42ᵉ édition du BIFFF
Cette année également, le BIFFF était rempli de rires, d’applaudissements et d’exclamations. Après ma première visite lors de l’édition précédente pour voir Project Wolf Hunting, Nature man, New normal et Hunt, mes grandes attentes n’ont pas été déçues.
Le BIFFF présentait cette année onze longs-métrages et un court-métrage coréens. Parmi ceux qui ne sont pas présentés ci-dessous, nous avons : Concrete Utopia, Dr. Cheon and the lost talisman, Noryang: Deadly Sea et le court-métrage Home.
Première semaine (9-14/04)
The sin de Han Dong Seok (2023)
Dans The sin (더 씬), une femme est sélectionnée pour danser dans un film indépendant, on lui demande d’apprendre une chorégraphie et de venir sur le lieu de tournage. Tout est relativement normal jusqu’à ce que des indices de possession, sorcellerie, ou culte pointent le bout du nez et qu’un membre du staff devienne un zombie.
C’est honnêtement une histoire difficile à décrire, bien que la logique soit présente lors du visionnage, elle semble m’échapper (et au public) dès la fin des crédits. Le film n’en perd pas moins ses points forts, au niveau des thèmes, le mélange des croyances — chamanisme et chrétienté dans ce cas-ci — présent naturellement en Corée est représenté tel que le réalisateur ou la scénariste le connaissent. Les nombreuses références à d’autres films d’horreur permettent des scènes visuellement intéressantes. Certains twists dans l’histoire étaient particulièrement bien pensés et m’ont fort surprise. Ce film est pour les friands de films d’horreur avec des jump scare, et qui ne sont pas sensibles au sang.
À l’occasion de la projection au BIFFF, le réalisateur Han Dong Seok et la scénariste Kim Soo Young sont présents pour présenter The sin et répondre aux questions. Han Dong Seok révèle qu’avoir son premier film projeté au BIFFF est un rêve devenu réalité. Il souhaitait explorer l’idée du péché originel qu’il retrouve dans les différentes religions en Corée. L’ambiance est inspirée fortement de vidéos de danse contemporaine dans lesquelles il ressort ce sentiment d’oppression ou d’étouffement. Han Dong Seok se montre très humble dans son rôle de réalisateur, se disant dépendre énormément du scénario et de la chorégraphie, et ses références cinématiques. La scénariste appuie en particulier l’importance, dans des films de sorcières, de femmes fortes sous différentes formes, comme virgin ghost ou les douleurs et les fantômes accrochés aux chamanes.
Devils de Kim Jae Hoon (2023)
Un inspecteur (Oh Dae Hwan) échange de corps avec un tueur en série (Jang Dong Yoon) mais ça ne l’empêchera pas d’essayer de coincer ce tueur à tout prix. Se retrouver dans le corps d’un tueur psychotique est loin d’être idéal, surtout si tout le monde reconnaît le visage, mais pas la personne à l’intérieur.
Devils (악마들) est un thriller qui m’a fait douter de la réalité. Le résumé était prometteur et il ne m’a pas déçue, le tueur en série a eu de très belles scènes gores et est clairement déséquilibré. Les deux acteurs principaux, Oh Dae Hwan et Jang Dong Yoon, parviennent à vendre l’idée qu’ils ont échangé de corps grâce à leur maniérisme et la confusion initiale. La salle était relativement calme si ce n’est pour les applaudissements lors des bains de sang, ce qui est peut-être dû à la tension transmise par le film.
Deuxième semaine (15-21/04)
The moon de Kim Yong Hwa (2023)
Dans The moon (더 문), trois astronautes sont envoyés sur la Lune pour récolter des informations sur ses ressources naturelles, mais cette mission est interrompue plus vite que prévu pour deux d’entre eux. Comment ce dernier astronaute (Do Kyung Soo, D.O. de EXO) va-t-il parvenir à compléter cette mission ou même rentrer sain et sauf sur Terre ?
C’est un film de science-fiction plein de rebondissements. À plusieurs reprises, je me suis dit « c’est bon, il va enfin pouvoir rentrer », avant qu’une nouvelle catastrophe ne se produise. Les moments de répit et d’évènements étaient très bien calculés, ce qui m’a permis de rester engagée dans la survie de cet astronaute. N’étant pas une grande fan de films SF purs, il m’a semblé un peu long, cependant, j’ai apprécié certains aspects géopolitiques (ou spatio-politiques) inclus qui permettent plus de profondeur et de variété dans les scènes et les personnages.
Exhuma de Jang Jae Hyun (2024)
Exhuma (파묘) est l’histoire d’un exorcisme chamanique ayant pour but d’apaiser un esprit, mais qui déterre un peu plus que prévu… On y retrouve de nombreuses têtes connues dont Choi Min Shik (OLDBOY), Kim Go Eun (Goblin, Little Women) et Lee Do Hyun (Sweet Home, Youth of May, The Glory).
Le résumé paraît peut-être un peu court, mais je suis entrée dans la salle en n’ayant que deux mots clés en tête, exorcisme et chamanisme, et c’est tout ce dont j’avais envie ou besoin. Décrit comme film d’horreur, j’en ressors surtout avec des souvenirs de cérémonies chamaniques ou d’aspects culturels modernes et de l’histoire coloniale. Le film échoue à faire davantage peur, en voulant trop montrer plutôt que de laisser le public deviner. Une histoire intéressante et un casting incroyable m’ont permis de passer un bon moment.
La grande salle du BIFFF est bien remplie en ce mercredi à 21 heures 30 ! Ce film très attendu et la concentration de coréens dans la salle prouvent le succès d’Exhuma en Corée. Ceux-ci ont été assez surpris par les nombreuses exclamations et applaudissements du public très investi dans le film.
Alienoid: Return to the future de Choi Dong Hoon (2024)
Alienoid: Return to the future (외계+인 2부) est le deuxième volet d’Alienoid (외계+인 1부), donc on y retrouve ou, dans mon cas, on découvre les nombreux personnages principaux dans deux périodes, 2012 et au XIVe siècle. L’année passée, le premier film était projeté au BIFFF et le hibou Liz donnait son avis. Ce deuxième film est une suite directe du premier comme le suggère le résumé accéléré au début, à la fois essentiel et déroutant, j’ai eu un peu peur par rapport au rythme du film.
Alienoid 2 est un film avec de nombreux chapeaux : science-fiction, fantastique, historique, action, comédie. Cela peut paraître trop à certains moments, mais dans mon état de confusion générale, j’ai apprécié pouvoir me rabattre sur la comédie et profiter des scènes d’actions fantastiques. Je n’ai pas tout compris, mais j’ai tout de même passé un très bon moment et j’ai pu rire avec les autres dans la salle aux scènes parfois ridicules.
Don’t buy the seller de Park Hee Kon (2023)
Jang Soo Hyeon (Shin Hye Sun) emménage dans un nouvel appartement, mais son nouveau départ ne commence pas si bien quand sa machine à laver tombe en panne. Elle en trouve une en seconde main, mais elle ne fonctionne plus. Dans sa chasse après le vendeur, elle se retrouve face à un tueur en série et devient sa prochaine cible.
Je trouve que le gros point fort de Don’t buy the seller (타겟) est la tension soutenue tout au long du film, sûrement le plus stressant parmi tous les films vus ici. Shin Hye Sun et Kim Seong Gyoon, l’inspecteur chargé de l’affaire, parviennent à transmettre la gravité de la situation même s’ils prennent des risques parfois démesurés. Le dénouement ne m’a pas paru particulièrement réaliste, mais était on ne peut plus satisfaisant.
4PM de Song Jay (2024)
Dans cette adaptation d’un roman d’Amélie Nothomb, Les catilinaires, un couple emménage dans une maison relativement isolée, si ce n’est un médecin et sa femme dans la maison voisine. À la suite d’une invitation, le médecin commence à venir tous les jours à 16 heures chez le couple et reste deux heures chez eux sans parler. Ils doivent s’en débarrasser, c’est bien trop inconfortable… Mais comment ?
Comme le résumé le suggère, le couple se retrouve dans des silences longs et embarrassants auxquels le public du BIFFF n’a pas pu s’empêcher de rire — rires nerveux dans mon cas. Le peu de dialogue a forcé une réflexion plus poussée chez les acteurs du point de vue de leurs réactions et une recherche de plans originaux dans ce salon. Ces efforts ne sont pas passés inaperçus et font que le film reste intéressant et intrigant. Ces silences invitent à se questionner : comment réagirais-je dans cette situation ?
C’était la première mondiale de 4PM (오후 네시) au BIFFF en ce vendredi 19 à 16 heures, bien sûr ! Nous avons eu la chance d’avoir le réalisateur Jay Song, et les quatre acteurs principaux, dont Oh Dal Soo, Jang Young Nam, et Kim Hong Pa, présents pour répondre aux questions et signer des autographes. Jay Song aime inclure des réflexions philosophiques dans ses films, d’où la citation Know thyself (Connais-toi toi-même) sur le poster, celle-ci propose peut-être un message plus complexe au film. Kim Hong Pa qui joue le médecin, révèle que l’aspect auquel il a le plus réfléchi pour préparer le film, ce sont les raisons de son personnage : pourquoi va-t-il chez ses voisins ? Pourquoi y retourne-t-il tous les jours ? Pourquoi ne parle-t-il pas ? Le couple, Oh Dal Soo et Jang Young Nam, partagent qu’ils ont beaucoup pensé à leurs réactions au silence. Oh Dal Soo en particulier s’est penché sur les émotions de son personnage qui devient violent vis-à-vis de l’intrus.
Sleep de Jason Yu (2023)
Un couple attend leur premier enfant quand la femme remarque que son mari fait des épisodes de somnambulisme. Ses actions très étranges et de plus en plus inquiétantes rendent sa femme anxieuse.
Sleep (잠) est un film d’horreur difficile à décrire sans révéler trop sur l’histoire, je préfère donc me concentrer sur la réalisation. Le film inclut des chapitres qui sont non seulement marqués par le titre du chapitre, mais par un clair changement narratif et de lumière. J’ai particulièrement aimé les choix au niveau du rythme qui m’a un peu prise par surprise. L’utilisation de l’espace restreint qu’est l’appartement m’a aussi impressionnée. Entre film de fantôme et thriller sur le sommeil, le réalisateur laisse le choix à l’audience et j’ai fait le mien.
Au BIFFF, le film a gagné le prix Emerging Raven, un prix qui félicite les jeunes réalisateurs pour leur œuvre innovante. Sleep a donc été projeté une deuxième fois dimanche 21 avec les autres gagnants des compétitions.
Remerciements
Un grand merci aux organisateurs du BIFFF pour leur accueil, le centre culturel coréen de Bruxelles pour leur aide dans la sélection des films, et au public pour l’enthousiasme et les réactions, tout dans le respect des invités et des films.
Source image : BIFFF | Nabi pour K.Owls