Le commerce au coeur du rapprochement entre la Grèce et la Turquie | Les Echos
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Le commerce au coeur du rapprochement entre la Grèce et la Turquie

Longtemps otages des tensions diplomatiques, les relations économiques gréco-turques n'ont décollé qu'à compter des années 2000. Le commerce pourrait offrir un nouvel allant : les deux pays ont convenu de doubler leurs échanges de 5 à 10 milliards de dollars.

La Grèce et la Turquie ont annoncé en décembre leur intention de « doubler » les échanges commerciaux d'ici cinq ans, pour atteindre 10 milliards de dollars par an.
La Grèce et la Turquie ont annoncé en décembre leur intention de « doubler » les échanges commerciaux d'ici cinq ans, pour atteindre 10 milliards de dollars par an. (Shutterstock)

Par Basile Dekonink

Publié le 13 mai 2024 à 11:48

C'est une adresse anonyme au début de l'avenue Ermou, la principale artère commerciale d'Athènes. Coincé entre un vendeur de gyros et un magasin de chaussures, le pas-de-porte n'offre aucune indication. C'est dans le hall d'immeuble qu'un panneau renseigne le visiteur : les locaux de Ziraat Bank sont au 5e étage.

Etablie à Athènes, Komotini, Rhodes et Xanthi depuis 2008, Ziraat Bank, l'une des principales banques turques, a une particularité : elle est la seule entreprise turque à posséder des bureaux sur le territoire grec. Longtemps otages des tensions diplomatiques entre Athènes et Ankara, les relations économiques entre les deux pays ont mis des décennies avant de décoller, et se résument surtout à des occasions manquées, malgré le potentiel.

Ponts

Cela pourrait évoluer, ces prochaines années. Dans le sillage du rapprochement gréco-turc des derniers mois, Recep Tayyip Erdogan et le Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, ont annoncé en décembre leur intention de « doubler » les échanges commerciaux d'ici cinq ans, pour atteindre 10 milliards de dollars par an.

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« Je doute qu'ils parviennent à cet objectif mais c'est une grande fenêtre d'opportunité : nous sortons d'une période très conflictuelle et l'économie est un gage de sécurité qui permet de faire passer les questions les plus controversées au second plan », estime Dimitris Tsarouhas, directeur de recherche au centre Jean Monnet et auteur d'une étude sur les liens économiques gréco-turcs.

La diplomatie par le commerce, l'idée n'est pas nouvelle. Sur le modèle de la Communauté européenne du charbon et de l'acier, des hommes d'affaires grecs et turcs, comme Théodore Papalexopoulos (dirigeant de la cimenterie Titane) ou Rahmi Koç, ont tenté dès les années 1980 de jeter des ponts pour apaiser les relations bilatérales.

Record

Mais si les premiers contacts entre les chambres de commerce remontent à 1985, et si la Turquie a rejoint l'union douanière européenne en 1996, il a fallu attendre les années 2000 pour que les barrières psychologiques tombent.

La levée du véto grec à la candidature turque à l'Union européenne (UE) et l'ouverture des négociations d'adhésion ont joué le rôle de détonateur. Alors que la valeur totale des échanges entre les deux pays plafonnait à 158,7 millions de dollars en 1987, elle passe subitement à 2,7 milliards en 2006, et croît peu à peu. Au plus fort de la crise grecque, en 2014, la Turquie devient même le premier marché des exportateurs grecs !

L'an passé, le volume des produits échangés - principalement du pétrole, du coton grec, des textiles et des produits minéraux turcs - a atteint un record de 5,8 milliards de dollars. « Cela peut paraître beaucoup, mais cela ne représente que 1 % des échanges turcs et 4 % des échanges grecs. La Grèce et la Turquie ne font pas partie de leurs dix premiers partenaires respectifs », tempérait en avril Can Yücaoğlu, un dirigeant turc, lors du Forum économique de Delphes.

La feta surtaxée à 180 %

Pour atteindre l'objectif des 10 milliards et consolider des liens économiques toujours tributaires des tensions entre Ankara et Athènes, nombre de dirigeants pointent les limites douanières. Les passages à la douane sont lents, notamment en raison du manque de laboratoires de test. L'union douanière n'inclut ni les services ni les produits agricoles - en Turquie, l'huile d'olive grecque est par exemple surtaxée à 32 %, la feta à 180 %.

La libéralisation des visas pour les citoyens turcs permettrait, elle, d'augmenter les investissements directs (à peine un milliard de dollars en 2023, alors que plusieurs centaines d'entreprises grecques ont, elles, investi quelque 6 milliards en Turquie).

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Les politiciens grecs ont jusqu'ici rechigné à donner mandat à la Commission européenne pour renégocier l'union avec la Turquie. « Ces questions sont à l'agenda depuis un long moment mais qu'on ne s'y trompe pas, il y a un blocage politique. Pour l'instant, rien n'indique que les choses vont changer et je ne pense pas qu'elles changeront de sitôt », explique Dimitris Tsarouhas.

Basile Dekonink (Correspondant à Athènes)

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